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Conseil d'Etat, Assemblée, 26 mai 1995, Cts X. (transfusion sanguine - contamination - produit sanguin vicié - imputabilité)

Le Conseil :

Considérant qu'après avoir posé en principe que, “ en l'absence de faute établie ou présumée, la responsabilité d'un établissement hospitalier ne peut être engagée que lorsque les conséquences de l'acte médical qui est à l'origine du dommage sont d'une extrême gravité et que ce dommage est directement imputable soit à la mise en oeuvre, sans que des nécessités vitales l'exigent, d'une thérapeutique nouvelle, soit à un acte qui, s'il est nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade, présente un risque connu mais dont la réalisation est exceptionnelle et auquel aucun élément ne permettait de penser que le patient était particulièrement exposé ”, la Cour administrative d'appel de Lyon s'est bornée à affirmer “ qu'il ne résulte pas de l'instruction que la transfusion qui a été pratiquée le 4 janvier 1984 sur M. X. remplisse les conditions ci-dessus énoncées ” ; qu'en ne précisant pas la ou les conditions qui n'étaient pas remplies au cas d'espèce, la cour n'a pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'article 1er de l'arrêt attaqué doit être annulé.

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond.

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise ordonné par le Tribunal administratif que l'intervention chirurgicale subie par M. X exigeait le recours à la transfusion sanguine ; qu'en l'absence de tout autre élément ayant concouru à sa réalisation, le dommage subi par M. X. du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine est uniquement imputable au produit sanguin vicié fourni par le centre de transfusion.

Considérant, d'autre part, qu'en vertu de la loi du 21 juillet 1951 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'ainsi le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ; que lorsque la transfusion a été effectuée dans un hôpital qui ne relève pas de cette personne morale, cet hôpital ne peut être tenu responsable des conséquences dommageables de la transfusion.

Considérant que les produits sanguins transfusés à M. X. lors de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 4 janvier 1984 à l'Hôtel-Dieu de Marseille et qui sont à l'origine de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.)ont été fournis par le centre régional de transfusion sanguine de Marseille qui ne relève pas de l'Assistance publique à Marseille ; qu'il suit de là que l'Assistance publique à Marseille est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif l'a condamné à verser aux ayants droit de M. X. une indemnité de 1.500.000 F.

Sur les frais d'expertise :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de laisser les frais d'expertise à la charge de l'Assistance publique à Marseille.

Décide :
Article 1er : L'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon, en date du 11 mai 1993, est annulé.
Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 3 juillet 1992, est annulé.
Article 3 : Les conclusions de la demande des consorts X. devant le Tribunal administratif de Marseille et tendant à la condamnation de l'administration de l'Assistance publique à Marseille à la réparation du préjudice qu'ils ont subi, ensemble leurs conclusions aux mêmes fins présentées devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.