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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 18 mars 2008, n° 06BX01825 (Appareil de santé - responsabilité - établissement public de santé - activité libérale)

Une patiente ayant subi une brulure rétinienne pendant une opération effectuée par un médecin exerçant à titre libéral ne peut faire valoir qu'il existe sur le marché de l'équipement médical  des appareils plus modernes pour en déduire que le microscope utilisé pendant son opération devrait être regardé comme défectueux. L'utilisation de ce microscope n'ayant pas présenté d'anomalie de fonctionnement, la demande indemnitaire de la requérante à l'encontre du CHU de Bordeaux doit être rejetée.

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux

N° 06BX01825   

Inédit au recueil Lebon


3ème chambre (formation à 3)
Mme FLECHER-BOURJOL, président
M. David ZUPAN, rapporteur
M. VIE, commissaire du gouvernement
GALY, avocat


Lecture du mardi 18 mars 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 août 2006 sous le n° 06BX01825, présentée pour Mme Béatrice X demeurant ..., par Me Galy ; Mme X demande à la Cour : 1° d'annuler le jugement n° 0403586, en date du 20 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser une indemnité de 40 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la complication survenue à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée au sein de cet établissement le 26 juin 1998 ; 2° de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser ladite indemnité ; 3° de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 mars 2007 sous le n° 07BX00607, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS, dont le siège est sis 11 rue de Châteaudun à Auch (32000), représentée par son directeur en exercice, par la SCP Moulette - Saint-Ygnan - Van Hove ; La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0403586, en date du 20 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser la somme de 12 137, 77 euros en remboursement des frais exposés au bénéfice de son assurée, Mme Béatrice X, et en paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2° de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser à ces titres les sommes de, respectivement, 11 377, 77 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, et 926 euros ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la directive communautaire n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2008 :

- le rapport de M. Zupan, premier conseiller,

- les observations de Me Barre, pour Mme X,

- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 06BX01825, présentée par Mme X, et n° 07BX00607, présentée par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS, sont dirigées contre le même jugement, et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que Mme X et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS relèvent appel du jugement, en date du 20 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux à supporter les conséquences dommageables de la complication survenue à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée au sein de cet établissement le 26 juin 1998 ;

Considérant qu'il résulte des articles L. 714-30 et suivants du code de la santé publique, en vigueur à l'époque des faits litigieux, et aujourd'hui repris par les articles L. 6154-1 et suivants du même code, que les rapports qui s'établissent entre un patient et un praticien hospitalier autorisé, par convention avec l'établissement public de santé dont il dépend, à y exercer une activité libérale en sus de son service, suivant les modalités définies par ces dispositions, relèvent du droit privé ; que ledit établissement public ne saurait, dès lors, être rendu responsable des dommages causés à ce patient, ainsi admis dans ses services à titre privé, lorsque de tels dommages trouvent leur origine dans un agissement prétendument fautif imputé au praticien en cause ; que sa responsabilité peut en revanche être engagée lorsque les dommages invoqués ont pour cause un mauvais fonctionnement du service public, résultant soit d'une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, pour les besoins de leur exercice libéral, soit d'une mauvaise installation des locaux, soit enfin de la défaillance des produits et appareils de santé ; que, dans, dans ce dernier cas, la responsabilité du service public hospitalier peut être recherchée en l'absence même de toute faute de sa part, sans préjudice d'un éventuel recours en garantie contre le fabricant du produit ou appareil défectueux, et sans qu'y fasse obstacle, ce régime spécial de responsabilité étant distinct du régime général de responsabilité du fait des produits défectueux dont les principes résultent de la directive communautaire n° 85/374 du 25 juillet 1985 actuellement transposée en droit interne par les articles 1386-1 et suivants du code civil, la circonstance que le fabricant du matériel en cause peut être identifié ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé par le président du Tribunal administratif de Bordeaux, que le scotome central de l'oeil gauche dont souffre Mme X, et d'où résulte une grave perte d'acuité visuelle, réduite à moins d'un vingtième, trouve son origine dans une brûlure rétinienne par photo-traumatisme ; qu'une telle lésion n'a pu survenir qu'en raison de la lumière émise par le microscope utilisé lors de l'opération de la cataracte nucléaire par « phakoémulsification » que l'intéressée a subie le 26 juin 1998 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, ladite opération ayant été effectuée, quelques jours avant l'apparition des premiers symptômes de l'affection, par un chirurgien de cet établissement dans le cadre de l'activité libérale qu'il avait été autorisé à y exercer ; que, toutefois, l'intensité lumineuse du microscope opératoire en cause ne révèle pas une défaillance de l'appareil et n'a pas été, lors de l'intervention, supérieure aux données fournies par son fabricant ; que si cet appareil, de conception ancienne, n'avait pu être équipé, lors de la révision dont il a fait l'objet en décembre 1997, du modulateur recommandé, notamment, par une circulaire ministérielle du 11 juin 1996, son utilisation pour les besoins d'opérations de cette nature n'était pas contraire aux normes en vigueur et demeurait compatible avec les données avérées de la science ; qu'il ne saurait dès lors être regardé, nonobstant la disponibilité, sur le marché de l'équipement médical, de matériels plus perfectionnés, comme présentant un défaut de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Bordeaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme X et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS sont rejetées.