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Cour administrative d’appel de Lyon, 22 janvier 2008, n°04LY01430 (Intervention chirurgicale – retard de diagnostic – établissement public de santé – activité libérale des praticiens statutaires à temps plein)

En l’espèce, dans le cadre des suites opératoires d’une péritonite, un patient a été victime d’un choc sceptique brutal puis d’un syndrome de défaillance multiviscérale nécessitant de nouvelles interventions chirurgicales. Le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon (HCL) à réparer les conséquences dommageables des soins subies par ce patient. Or, la cour administrative d’appel de Lyon annule le jugement du tribunal administratif au motif qu’il appartenait au seul chirurgien de prendre la décision de procéder à une nouvelle intervention, les HCL ne peuvent être tenus pour responsables de la décision de celui-ci de s’abstenir d’intervenir et considère qu’aucune faute imputable au service public hospitalier n’est à l’origine du retard de diagnostic dont les requérants demandent réparation. Elle prend en outre le soin de rappeler qu'il ressort des dispositions régissant l’exercice d'une activité libérale des praticiens statutaires à temps plein dans les locaux d’un établissement public de santé auquel ils sont rattachés, que les rapports qui s'établissent entre les malades admis à l'hôpital et les médecins, chirurgiens, spécialistes à temps plein auxquels ils font appel, relèvent du droit privé et que l'hôpital où ils sont admis ne saurait, dès lors, être rendu responsable des dommages causés aux malades privés de ces praticiens lorsque ces dommages trouvent leur origine dans un agissement prétendument fautif imputé aux médecins, chirurgiens ou spécialistes auxquels ces malades se sont confiés. Elle indique ainsi que la responsabilité de l'hôpital ne peut, en cas de dommages survenus aux malades privés de ces praticiens, être engagée qu'au cas où il est établi que ces dommages ont pour cause un mauvais fonctionnement du service public, résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel de l'hôpital mis à la disposition desdits médecins, chirurgiens et spécialistes.

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 04LY01430
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre - formation à 3
M. BERTHOUD, président
Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL, rapporteur
Mme MARGINEAN-FAURE, commissaire du gouvernement
DIDIER LE PRADO, avocat

lecture du mardi 22 janvier 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre 2004 et 10 janvier 2005, présentés pour les HOSPICES CIVILS DE LYON, par Me Le Prado ; Les HOSPICES CIVILS DE LYON demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302945 du 30 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon les a condamnés à verser aux consorts X, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de M. André X décédé, une indemnité de 20 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2004, en réparation des conséquences dommageables des soins que celui-ci a subis à l'Hôtel-Dieu à partir du 6 février 2001 ;

2°) de rejeter la demande présentée par les consorts X devant le président du Tribunal administratif de Lyon ;

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Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de la santé publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2008 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, premier conseiller ;
- les observations de Me Demailly, avocat des HOSPICES CIVILS DE LYON, et de Me Brun, avocat des consorts X ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les articles L. 6154-1 et suivants du code de la santé publique dans leurs dispositions applicables à la date des faits en litige, autorisent, à certaines conditions qu'ils précisent, les praticiens statutaires à temps plein à exercer dans les locaux de l'établissement public hospitalier auquel ils sont rattachés une activité libérale au titre de laquelle ils perçoivent personnellement des honoraires soit directement de leurs patients, soit par l'intermédiaire de l'établissement ;

qu'il résulte de l'ensemble des dispositions qui régissent cet exercice d'une activité libérale, que les rapports qui s'établissent entre les malades admis à l'hôpital et les médecins, chirurgiens, spécialistes à temps plein auxquels ils font appel, relèvent du droit privé ; que l'hôpital où ils sont admis ne saurait, dès lors, être rendu responsable des dommages causés aux malades privés de ces praticiens lorsque ces dommages trouvent leur origine dans un agissement prétendument fautif imputé aux médecins, chirurgiens ou spécialistes auxquels ces malades se sont confiés ;

que la responsabilité de l'hôpital ne peut, en cas de dommages survenus aux malades privés de ces praticiens, être engagée qu'au cas où il est établi que ces dommages ont pour cause un mauvais fonctionnement du service public, résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel de l'hôpital mis à la disposition desdits médecins, chirurgiens et spécialistes ;

Considérant que M. X, qui a subi une gastrectomie totale le 7 février 2001, a été victime dans les suites opératoires d'une péritonite, laquelle a entraîné un choc septique brutal déclaré le 19 février 2001 puis un syndrome de défaillance multiviscérale et nécessité de nouvelles interventions chirurgicales pour y remédier les 19 février et 8 mars 2001 ;

que par le jugement en appel, le Tribunal administratif de Lyon retenant une faute commise par le radiologue de garde, qui n'a pas mentionné dans son compte-rendu manuscrit le pneumopéritoine visible sur le scanner réalisé le 17 février 2001, a condamné les HOSPICES CIVILS DE LYON à réparer les conséquences dommageables de ce retard de diagnostic ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'intervention du 7 février 2001 pour laquelle M. X a été hospitalisé à l'Hôtel-Dieu, a été pratiquée par le Pr Gouillat dans le cadre de son activité libérale ; qu'au cours du suivi post-opératoire de ce malade, différents examens ont été réalisés dans le service à compter des premiers signes de douleur scapulaire à gauche présentés par le patient le 16 février 2001, notamment deux radiographies thoraciques les 16 et 17 février et un scanner le 17 février ;

que ces examens ont fait l'objet d'interprétations divergentes de la part des médecins radiologues et réanimateurs du service hospitalier d'une part et du chirurgien d'autre part, ce dernier excluant le diagnostic de pneumopéritoine mis en évidence sur les clichés dès le 16 février, compte tenu des signes cliniques présentés par ailleurs par le patient, au profit d'un diagnostic d'embolie pulmonaire, jusqu'à ce que survienne le choc septique majeur le 19 février ;

que dans ces conditions, et alors qu'il appartenait au seul chirurgien de prendre la décision de procéder à une nouvelle intervention, les HOSPICES CIVILS DE LYON ne peuvent être tenus pour responsables de la décision de celui-ci de s'abstenir d'intervenir à nouveau avant le 19 février 2001 ;

que la circonstance que le compte-rendu du scanner réalisé le 17 février 2001 n'ait pas fait état de la présence d'un pneumopéritoine, pourtant également bien visible selon les conclusions de l'expert, ne saurait suffire à elle seule à engager la responsabilité des HOSPICES CIVILS DE LYON dans le retard de diagnostic alors que le chirurgien, qui a pu analyser personnellement cette image le 18 février 2001, l'a lui-même trouvée discutable et a maintenu à cet instant-là son diagnostic initial d'embolie pulmonaire, pourtant écarté rigoureusement par le compte-rendu du radiologue ;

que, de même, est sans incidence sur la responsabilité de l'établissement public la circonstance, également invoquée par les consorts X, que l'interne de garde ne s'est pas déplacé au chevet du malade dans la nuit du 16 au 17 février, laquelle n'a pu en tout état de cause, participer au retard de diagnostic litigieux ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'aucune faute imputable au service public hospitalier n'est à l'origine du retard de diagnostic dont les consorts X demandent réparation ;

que les HOSPICES CIVILS DE LYON sont dès lors fondés à demander l'annulation du jugement en date du 30 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon les a déclarés responsables des conséquences dommageables des soins que M. X a subis à partir du 6 février 2001 ;

que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions incidentes des consorts X tendant à la majoration des sommes allouées par les premiers juges, ainsi que leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 30 juin 2004 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les consorts X devant le Tribunal administratif de Lyon et leurs conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.