Revenir aux résultats de recherche

Cour administrative d'appel de Marseille, 13 février 2014, n° 11MA02696 (Responsabilité pour faute - Obligation d'information - Rejet)

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille considère qu’un établissement de santé a informé correctement un patient d’un risque qu’il encourait à l’occasion d’une intervention chirurgicale dès lors que les termes d’un document remis au patient démontrent « qu'un entretien a eu lieu avant l'intervention, au cours duquel M. C...a été mis à même d'interroger le praticien qui allait l'opérer afin de prendre une décision éclairée ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que M. C... était suivi par le même chirurgien depuis le mois de juillet 2006 et qu'il l'avait vu en consultation en décembre 2006, en janvier 2007, en février, en mars, en juin, en octobre, en décembre 2007 ; qu'une intervention prévue début janvier 2008 avait été déprogrammée pour un problème de matériel ; qu'une nouvelle intervention avait été envisagée en février 2008, puis déprogrammée en raison de l'indisponibilité de M. C...et qu'une nouvelle consultation a eu lieu le 16 mai 2008 ; que les nombreuses consultations qui ont précédé l'intervention litigieuse, le long délai qui s'est écoulé entre la première d'entre elle et la réalisation de l'intervention démontrent le soin qui a été apporté par l'hôpital et le chirurgien pour analyser, avec M.C..., l'ensemble des éléments de nature à fonder un choix éclairé ; que ces éléments, corroborés par le document signé par l'intéressé la veille de l'opération, établissent qu'il a reçu toute l'information nécessaire sur l'objectif, les conséquences et les risques prévisibles de cette intervention ».

 

Cour Administrative d'Appel de Marseille

N° 11MA02696   

2ème chambre - formation à 3

M. DUCHON-DORIS, président
Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur
Mme CHAMOT, rapporteur public
LE PRADO, avocat

lecture du jeudi 13 février 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire, enregistrée le 13 juillet 2011, présentée pour le centre hospitalier X., dont le siège est.., par Me B... ; le centre hospitalier X.  demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902476 du 18 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon, sur demande de M. Y., l'a condamné à verser à l'intéressé la somme de 15 275 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention réalisée le 4 juin 2008 et a mis à sa charge définitive, les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 900 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon du 11 septembre 2009 ;

2°) de rejeter les conclusions de M.Y.  ;

Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

1. Considérant qu'estimant que le centre hospitalier X. n'établissait pas avoir informé M. Y. du risque de lésion du nerf sciatique poplité externe qu'il encourait à l'occasion de l'intervention chirurgicale qu'il a subie au centre hospitalier X. le 4 juin 2008, le tribunal administratif de Toulon a condamné cet établissement à verser à l'intéressé une somme de 15 275 euros en réparation des préjudices résultant de cette intervention ; que le centre hospitalier X. relève appel de cette décision ; que M. Y.  demande, par la voie de l'appel incident, une réévaluation de son indemnisation ;
 

Sur la responsabilité :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du même code : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (...) En cas de litige, il appartient (...) à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ;

3. Considérant que la production par un établissement hospitalier d'un document écrit signé par le patient n'est ni nécessaire ni suffisante pour que puisse être considérée comme rapportée la preuve, qui lui incombe, de la délivrance de l'information prévue par les dispositions susmentionnées ; qu'il appartient en revanche à cet établissement d'établir qu'un entretien, préalable nécessaire à la délivrance d'une information conforme à ces dispositions, a bien eu lieu et de démontrer par tout moyen que le destinataire de l'information a été mis à même de donner en connaissance de cause un consentement éclairé à l'acte de soins auquel il s'est ainsi volontairement soumis ;

4. Considérant que, pour démontrer que M. Y. a reçu, avant l'intervention réalisée le 4 juin 2008, une information conforme aux prescriptions légales, le centre hospitalier fait valoir que l'intéressé a signé, le 3 juin 2008, une "attestation d'information et de consentement éclairé " ; que l'existence de ce document, qui n'a pas été versé aux débats, n'est pas contestée ; que sa teneur a été reproduite dans le rapport d'expertise de la façon suivante : " Le chirurgien que j'ai choisi m'a exposé :
- le diagnostic qui justifie l'intervention,
- ce en quoi consistait exactement l'intervention,
- le rapport bénéfice-risque par rapport à d'autres alternatives thérapeutiques,
- les risques de cette intervention : risque vital, risque infectieux, risque de complication et risque de séquelles postopératoires.
Le chirurgien a répondu de façon complète et compréhensible à toutes les questions que j'ai souhaité poser et m'a informé que des constatations per-opératoires, des contraintes techniques ou anatomiques pourraient l'obliger à modifier le déroulement de l'intervention au mieux de mes intérêts. Si j'estime ces informations insuffisantes pour obtenir des précisions afin de prendre une décision éclairée, il faut contacter le secrétariat du service afin de solliciter une nouvelle consultation ou encore prendre un autre avis médical ou chirurgical " ; que ce document a été signé par M. Y. " qui reconnaît avoir pris connaissance des informations du docteur Z. , des interventions qu'il souhaitait, de l'ensemble des documents présents dans le dossier d'hospitalisation " ;

5. Considérant que les termes dans lesquels ce document est rédigé ne démontrent pas, il est vrai, qu'une information exhaustive sur les risques auxquels s'exposait M. Y. lui a été délivrée ; qu'ils sont toutefois de nature à démontrer qu'un entretien a eu lieu avant l'intervention, au cours duquel M. Y. a été mis à même d'interroger le praticien qui allait l'opérer afin de prendre une décision éclairée ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que M. Y.  était suivi par le même chirurgien depuis le mois de juillet 2006 et qu'il l'avait vu en consultation en décembre 2006, en janvier 2007, en février, en mars, en juin, en octobre, en décembre 2007 ; qu'une intervention prévue début janvier 2008 avait été déprogrammée pour un problème de matériel ; qu'une nouvelle intervention avait été envisagée en février 2008, puis déprogrammée en raison de l'indisponibilité de M. Y. et qu'une nouvelle consultation a eu lieu le 16 mai 2008 ; que les nombreuses consultations qui ont précédé l'intervention litigieuse, le long délai qui s'est écoulé entre la première d'entre elle et la réalisation de l'intervention démontrent le soin qui a été apporté par l'hôpital et le chirurgien pour analyser, avec M.Y., l'ensemble des éléments de nature à fonder un choix éclairé ; que ces éléments, corroborés par le document signé par l'intéressé la veille de l'opération, établissent qu'il a reçu toute l'information nécessaire sur l'objectif, les conséquences et les risques prévisibles de cette intervention ; qu'il en résulte que le centre hospitalier X. est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait méconnu les prescriptions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aucune faute médicale n'a été commise lors des interventions chirurgicales effectuées les 5 décembre 2005 et 4 juin 2008 au centre hospitalier X.  ; que M. Y. n'a d'ailleurs invoqué ni en première instance ni en appel d'autre manquement que celui tiré du manquement à l'obligation d'information qui pèse sur l'hôpital ; que, par ailleurs, l'instruction ne fait pas apparaître d'incapacité temporaire de travail résultant de l'intervention, met en évidence un taux d'incapacité permanente inférieur à 24 %, montre que M. Y. avait cessé d'exercer son activité professionnelle dès 2005 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la complication dont M. Y.  a été victime ait occasionné des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence, au sens du 2° de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ; que les conditions auxquelles les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et de l'article D. 1142-1 du même code subordonnent la prise en charge des aléas thérapeutiques au titre de la solidarité nationale n'étaient, ainsi, pas remplies ; qu'il en résulte que M. Y. n'est pas fondé à demander une réévaluation des indemnisations prononcées en sa faveur ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier X.  est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à réparer les préjudices que M. Y. a subis dans les suites de l'intervention chirurgicale réalisée en juin 2008 et que ce dernier n'est pas fondé à demander une réévaluation des sommes allouées ;
 

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative les frais d'expertise sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ; que les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 900 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon en date du 11 septembre 2009 doivent être mis à la charge de M.Y.  ;
 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier X.  qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie tenue aux dépens, verse à M. Y. une quelconque somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 mai 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Y. devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 900 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon en date du 11 septembre 2009 sont mis à la charge définitive de M.Y.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier X, à M. Y., à la caisse primaire d'assurance maladie A, à la caisse primaire d'assurance maladie B et au régime social des indépendants C.