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Cour administrative d'appel de Marseille, 18 octobre 2001, Ministre de l'emploi et de la solidarité (contamination par l'amiante - responsabilité de l'Etat)

Abstrat :

La Cour administrative d'appel de Marseille confirme le 18 octobre 2001 les jugements du TA de Marseille (30 mai 2000) relatifs à une contamination professionnelle par l'amiante.

La Cour administrative d'appel retient la responsabilité de l'Etat pour une période de près de 40 années (de 1957 à 1946). En s'abstenant de prendre toutes mesures de protection à l'encontre des salariés, mais aussi en raison du retard dans la transposition de normes européennes protectrices, l'inaction de l'Etat est analysée comme une faute de nature à fonder sa responsabilité.

Dès lors, le lien de causalité entre la faute de l'Etat et les décès des salariés est parfaitement établi.

Cour Administrative d'appel de Marseille
Ministre de l'emploi et de la solidarité
Arrêt du 18 octobre 2001

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 juillet 2000 sous le n° 00MA01665, par la Ministre de l'emploi et de la solidarité, qui demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 97-5978 en date du 30 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables résultant du décès de M. X. et ordonné une expertise sur le préjudice subi ;

2) de rejeter la demande des Consorts X. ;

Sur la responsabilité de l’Etat

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que le risque pour une personne de développer une affection respiratoire à la suite de l’inhalation de fibres d’amiante a été mis en évidence, en France, en 1906, dans un rapport établi par un inspecteur du travail ; que ce risque a été précisé en 1930 par l’établissement d’une relation entre l’importance de l’exposition à l’amiante et l’augmentation du risque de développer une pathologie respiratoire ; que dès 1931, la Grande Bretagne a pris des dispositions pour limiter l’exposition professionnelle aux fibres d’amiante ; que les pouvoirs publics français ont créé en 1945 un tableau spécifique aux affections respiratoires liées à l’amiante dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles, tableau qui a fait l’objet de modifications ultérieures, dès 1950 notamment, par l’inscription successive de nouvelles affections ; qu’en 1946, aux Etats-Unis, des recommandations ont été formulées par “l’American Collège of Governmental Industrials hygiénists” pour limiter l’inhalation de ce matériau ; que le caractère cancérigène de l’amiante a été mis en évidence, en Angleterre, dès le milieu des années 50 ; qu’ainsi, dès cette époque, les pouvoirs publics ne pouvaient plus ignorer que l’exposition professionnelle aux fibres d’amiante présentait des risques sérieux pour la santé des personnes concernées ; que si la Ministre de l'emploi et de la solidarité soutient que la législation et la réglementation de l’époque relatives aux conditions de travail et notamment les dispositions imposées aux employeurs fixant les normes définissant la teneur maximale en poussières de l’air dans les locaux professionnels étaient suffisantes pour limiter le risque de développer une maladie consécutive à une exposition à de la poussière d’amiante, elle n’apporte aucun élément permettant d’établir que les dites mesures pouvaient être regardées comme adaptées au risque ainsi encouru en l’état des connaissances scientifiques de l’époque ; que l’Etat, qui n’a d’ailleurs diligenté aucune étude pour compléter et préciser les études sectorielles disponibles, n’a pris aucune mesure destinée à prévenir le risque résultant d’une exposition professionnelle aux poussières d’amiante avant 1977 et ne justifie pas ainsi avoir satisfait à ses obligations en matière de protection de la santé publique et notamment en ce qui concerne la sécurité des travailleurs ; que la Ministre de l'emploi et de la solidarité ne saurait utilement se prévaloir ni du retard avec lequel d’autres Etats ont réagi face à ce problème ni de la difficulté de procéder à l’époque des fait en litige à une étude de grande ampleur sur le risque représenté par l’amiante, dont il n’est pas établi quelle aurait été impossible ; qu’il suit de là que c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée du fait de ses carences dans la prévention des risques liés à l’exposition professionnelle aux poussières d’amiante

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des conclusions du rapport d’expertise joint au dossier, que l’affection respiratoire qui a provoqué le décès de M. X., survenu le 2 juin 1997, est due à l’inhalation par ce dernier de poussières d’amiante auxquelles il a été exposé dans le cadre de son activité professionnelle pour le compte de la Société Y. puis de la Société Z., entre 1957 et 1973 ; que par suite, le lien de causalité entre la faute de l'Etat et le décès de M. X. est établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la Ministre de l'emploi et de la solidarité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a retenu la responsabilité de l'Etat s'agissant du préjudice résultant du décès de M. X. ;