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Cour administrative d’appel de Marseille, 19 mai 2008, n°07MA00457 (Hospitalisation d’office – Destruction matérielle des pièces relatives à l’internement d’office)

Par décision du 16 mai 1990, un maire a ordonné à titre provisoire l’internement d’urgence en hôpital psychiatrique d’un patient et le préfet, par décision du 17 mai 1990, a ordonné son internement d’office. Par un jugement datant de 1993, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions comme étant insuffisamment motivées. Par lettres, ce patient a demandé au maire ainsi qu’au commissaire principal de cette ville de détruire les pièces relatives à cet internement d’office. La cour administrative d’appel considère que les décisions ordonnant l’internement d’office de cette personne, qui ont été annulées, sont réputées n’être jamais intervenues. Toutefois, les jugements d’annulations des décisions administratives n’impliquent pas par principe que l’administration doive procéder à la destruction matérielle des documents qui sont le support de ces décisions ou qui en font mention. Au cas particulier, il ne ressort pas non plus du dispositif ou des motifs du jugement que les administrations devaient détruire les documents relatifs à l’internement d’office du patient.

Cour Administrative d'Appel de Marseille

N° 07MA00457
Inédit au recueil Lebon

5ème chambre - formation à 3
M. MOUSSARON, président
M. Richard MOUSSARON, rapporteur
Mme PAIX, commissaire du gouvernement
VAILLANT, avocat

lecture du lundi 19 mai 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 12 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 07MA00457, présentée par Me Vaillant, avocat, pour M. Giovanni X, élisant domicile ... ; M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance n°0401885-0401886 du 4 décembre 2006 par laquelle la présidente de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Marseille a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses demandes tendant à l'annulation des refus implicites du commissaire principal d'Aix-en-Provence et du maire d'Aix-en-Provence de procéder à la destruction matérielle des arrêtés des 16 et 17 mai 1990 prononçant son internement d'office ainsi que des autres pièces relatives à cet internement, notamment du procès-verbal n° 716/1 du 15 mai 1990 ;

2°/ d'annuler les décisions implicites ci-dessus mentionnées du commissaire principal d'Aix-en-Provence et du maire d'Aix-en-Provence ;

3°/ d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône et au maire d'Aix-en-Provence de détruire les arrêtés des 16 et 17 mai 1990 prononçant son internement d'office ainsi que les autres pièces relatives à cet internement, notamment le procès-verbal n° 716/1 du 15 mai 1990, dans le délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir à peine de 76 euros d'astreinte par jour de retard ;

4°/ de condamner l'Etat et la ville d'Aix-en-Provence à lui verser, chacun, une somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 avril 2008 :

- le rapport de M. Moussaron, président ;

- les observations de Me Ibanez substituant Me Debeaurain, avocat de la commune d'Aix en Provence ;
- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision du 16 mai 1990, le maire d'Aix-en-Provence a ordonné à titre provisoire l'internement d'urgence en hôpital psychiatrique de M. X ; que, par décision du 17 mai 1990, le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné son internement d'office ; que, par jugement définitif du 9 novembre 1993, le Tribunal administratif de Marseille a annulé ces deux décisions comme insuffisamment motivées ; que, par lettres du 10 octobre 2003, M. X a demandé au maire d'Aix-en-Provence ainsi qu'au commissaire principal de cette ville de détruire les pièces relatives à cet internement d'office ; que, le Tribunal administratif de Marseille ayant été saisi du rejet implicite de ces demandes, l'ordonnance attaquée a décliné la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que, pour faire appel de l'ordonnance susvisée, M. X, qui réside en Suède, disposait du délai de deux mois prévu par l'article R.811-2 du code de justice administrative et courant de la notification de cette décision, augmenté en vertu de l'article R.421-7 du délai de distance prévu par l'article 643 du nouveau code de procédure civile ; qu'ainsi, compte tenu de ce qu'il a accusé réception le 11 décembre 2006 de la notification de l'ordonnance attaquée, la requête d'appel enregistrée le 12 février 2007 n'est pas tardive ;

Considérant que si l'autorité judiciaire est seule compétente tant pour apprécier la nécessité d'une mesure d'hospitalisation d'office en hôpital psychiatrique que pour statuer sur les éventuelles conséquences dommageables d'une telle décision, le litige soumis par M. X, relatif à la légalité des décisions du maire d'Aix-en-Provence et du commissaire principal d'Aix-en-Provence refusant de détruire les documents concernant son hospitalisation d'office, qui ne relève de la compétence des juridictions judiciaires en vertu d'aucune disposition législative ni d'aucun principe général, présente un caractère administratif ; que, par suite, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Marseille a décliné la compétence des juridictions administratives pour statuer sur ce litige ; qu'il y a lieu d'annuler cette ordonnance, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant que les décisions des 16 et 17 mai 1990 ordonnant l'internement d'office de M. X, qui ont été annulées comme il a été dit ci-dessus par jugement du 9 novembre 1993, sont réputées n'être jamais intervenues ; que toutefois les jugements d'annulation des décisions administratives n'impliquent pas par principe que l'administration doive procéder à la destruction matérielle des documents qui sont le support de ces décisions ou qui en font mention ; qu'au cas particulier il ne ressort pas non plus du dispositif ou des motifs du jugement du 9 novembre 1993 que les administrations devraient détruire les documents relatifs à l'internement d'office de M. X ; que, par suite, alors même que M. X fait valoir que la conservation de ces documents est susceptible d'altérer ses rapports avec l'administration, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le jugement du 9 novembre 1993 implique nécessairement la destruction de ces documents ;

Considérant que le moyen tiré du principe d'égalité n'est pas assorti de suffisamment de précisions pour que la cour puisse en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les demandes de M. X tendant à l'annulation des décisions du maire d'Aix-en-Provence et du commissaire principal d'Aix-en-Provence portant refus implicite de destruction des documents relatifs à son hospitalisation d'office ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la ville d'Aix-en-Provence, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner de ce chef M. X à verser à la ville d'Aix-en-Provence une somme de 1 500 euros ;

D É C ID E :

Article 1er : L'ordonnance susvisée du 4 décembre 2006 est annulée.

Article 2 : Les demandes présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille ensemble les conclusions qu'il a présentées devant la cour administrative d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. X versera à la ville d'Aix-en-Provence une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Giovanni X, à la ville d'Aix-en-Provence, et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.