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Cour administrative d’appel de Nancy, 26 février 2009, n°07NC00181 (Service public hospitalier – ONIAM – Recours subrogatoire) 

La cour administrative d’appel indique, dans cet arrêt, que lorsque le service hospitalier est responsable d’une faute médicale, l’ONIAM est en droit de demander le remboursement des sommes qu’il a été condamné de verser à un patient. En l’espèce, une patiente a présenté un syndrome inflammatoire huit jours après un double pontage coronarien réalisé au sein d’un centre hospitalier universitaire (CHU). Les prélèvements effectués ont mis en évidence la présence de staphylocoques dorés. Elle est décédée quelques mois plus tard des conséquences d’une hémorragie cataclysmique survenue pendant une intervention chirurgicale après avoir été admise en urgence au sein du même centre hospitalier. A la suite de l'avis rendu par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) et du refus de l’assureur du CHU de procéder à l'indemnisation mise à sa charge, l'ONIAM, substitué à l'assureur en vertu des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, a conclu avec l’époux de la défunte, un protocole transactionnel et a procédé à l'indemnisation de ce dernier. Par la suite, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU au remboursement des sommes qu’il a lui-même verser à l’ayant droit de la patiente. La cour considère quant à elle qu’il est établi que ce décès est la conséquence d'une infection postopératoire qui avait été initialement estimée peu profonde mais qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'antibiothérapie n'a pas été adaptée et n'a pas été reconsidérée malgré la persistance du syndrome inflammatoire et des douleurs sternales. De plus, l'état clinique de la patiente aurait dû faire l'objet d'un suivi postopératoire plus précis et d'une prise en charge plus active impliquant des investigations qui auraient permis de déceler l'infection profonde. La sous-évaluation du facteur infectieux et l'absence d'adaptation de la stratégie d'antibiothérapie constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'hôpital. L'ONIAM est ainsi fondé à demander sa condamnation.

Cour Administrative d'Appel de Nancy

N° 07NC00181
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre - formation à 3
M. VINCENT, président
M. Michel BRUMEAUX, rapporteur
M. COLLIER, commissaire du gouvernement
UETTWILLER GRELON GOUT CANAT & ASSOCIES -SCP-, avocat

lecture du jeudi 26 février 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2007 au greffe de la Cour, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, dont le siège est Tour Galliéni II, 36 avenue du général de Gaulle à Bagnolet (93170), par Me Welsch ; l' OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201420-0501531 du 21 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Besançon à lui verser la somme de 20 680,44 euros qu'il a réglée à M. X, la somme de 1 200 euros en remboursement des frais d'expertise et la somme de 3 102,07 euros correspondant à 15 % de l'indemnité payée en lieu et place de l'assureur du centre hospitalier universitaire de Besançon ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à lui verser lesdites sommes ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- qu'il est subrogé, à concurrence de 20 680, 44 euros, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage en application des dispositions de l'article
L. 1142-15 du code de la santé publique ; que les dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne concernent que les infections nosocomiales contractées depuis le 1er janvier 2003 et ne sont pas applicables pour l'infection dont Mme X a été victime en mars 2002 ;

- que le rapport d'expertise a relevé que le suivi post-opératoire de Mme X avait été insuffisant par la sous-estimation de l'infection et une sous-évaluation vers une médiastinite ; que l'état fragile de la patiente aurait dû entraîner un suivi plus attentif ; que l'organisation et le fonctionnement du service ont été défectueux, empêchant une prise en charge correcte de l'infection ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2007, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Besançon par Me Le Prado ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que l'article 1142-1 du code de la santé publique trouve à s'appliquer à la présente affaire ;

- que les soins et le suivi de Mme X lors de ses hospitalisations successives ont été effectués selon les règles de l'art ; que les symptômes de la médiastinite ont été masqués ;

- que, s'agissant d'une infection endogène, la responsabilité de plein droit au titre de la loi du 4 mars 2002 n'a pas lieu de s'appliquer ;

Vu, enregistrés les 9 octobre 2007, 11 août 2008 et 5 janvier 2009, les mémoires présentés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ;

Vu la correspondance en date du 17 novembre 2008 par laquelle le greffe de la Cour a invité la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône à régulariser ses mémoires en recourant au ministère d'un mandataire mentionné à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 17 novembre 2008 portant clôture de l'instruction de la présente instance au 7 janvier 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2009 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, alors âgée de soixante-dix ans, a présenté un syndrome inflammatoire huit jours après un double pontage coronarien réalisé le 22 mars 2002 au centre hospitalier universitaire de Besançon, et que les prélèvements opérés ont mis en évidence la présence de staphylocoques dorés ; qu'elle devait décéder le 14 juin 2002 des conséquences d'une hémorragie cataclysmique survenue pendant l'intervention chirurgicale après avoir été admise en urgence au même centre hospitalier à la suite d'un bilan inflammatoire alarmant ;

Considérant qu'à la suite de l'avis rendu par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux le 27 septembre 2004 et du refus de la société hospitalière d'assurance mutuelle, assureur du centre hospitalier universitaire de Besançon, de procéder à l'indemnisation mise à sa charge, l'ONIAM, substitué à l'assureur en vertu des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, a conclu le 9 juin 2005 avec M. X, époux de la défunte, un protocole transactionnel et procédé à l'indemnisation de ce dernier à concurrence de 20 680,44 euros ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser cette somme ainsi qu'une somme de 1 200 euros en remboursement des frais d'expertise encourus en cours de procédure devant la commission régionale et une somme de 3 102,07 euros correspondant aux 15 % de cette indemnité prévue en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre en application de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique en estimant, d'une part, que le centre hospitalier universitaire de Besançon n'avait commis aucune faute, d'autre part, que l'indemnisation ainsi accordée aux ayants droit de la victime devait demeurer à sa charge en application des règles relatives à la solidarité nationale ;

Sur l'obligation au titre de la solidarité nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2002 : Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ; que ces dispositions, distinctes de celles qui résultaient de la loi du 4 mars 2002, ont créé un nouveau régime de prise en charge par la solidarité nationale des dommages résultant des infections nosocomiales, à la seule condition qu'elles aient entraîné un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % ou le décès du patient ; qu'il ne résulte ni des termes de la loi du 30 décembre 2002 ni de ses travaux préparatoires que le législateur ait entendu conférer à ces nouvelles dispositions une portée rétroactive, en sorte que ce nouveau régime n'est entré en vigueur qu'à la publication de cette loi au Journal officiel le 1er janvier 2003 ; que ces dispositions ne s'appliquent, dès lors, qu'aux conséquences dommageables des infections nosocomiales consécutives à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 1er janvier 2003 ; que, par suite, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'obligation au titre de la solidarité nationale s'appliquait au présent litige relatif à une infection nosocomiale survenue en mars 2002 et que l'indemnité versée aux ayants droit de la victime devait ainsi demeurer à sa charge sur ce fondement ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon :

Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...) ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ... ; qu'agissant en tant que subrogé dans les droits de M. X contre la personne responsable du dommage en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable, l'ONIAM recherche la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon en invoquant les dispositions susrappelées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise que, cinq jours après l'intervention chirurgicale, un prélèvement sur la cicatrice sternale de Mme X a isolé un staphylocoque et que, dès le 28 mars 2002, la patiente s'est plainte de douleurs sternales alors qu'elle avait été transférée dans un centre de rééducation ; que, le 31 mars 2002, un écoulement de la cicatrice apparaissait avec lâchage des points de suture et les analyses confirmaient la présence d'un staphylocoque, déclenchant une antibiothérapie par voie orale ; que l'intéressée ayant été admise à nouveau le 3 avril 2002 au centre hospitalier universitaire de Besançon, ce dernier a alors procédé à un lavage de l'infection du tissu sous anesthésie locale ; que si le bilan inflammatoire s'est temporairement stabilisé, les douleurs sternales n'ont pas disparu et les prélèvements opérés durant le mois d'avril 2002 ont régulièrement isolé un staphylocoque doré, justifiant le maintien de l'antibiothérapie et la poursuite de son hospitalisation jusqu'au 27 avril 2002 ; que, malgré une cicatrisation superficielle satisfaisante, l'intéressée a présenté le 8 mai 2002 à la sortie du centre de rééducation un bilan indiquant une reprise du syndrome inflammatoire, confirmée par un bilan établi le 6 juin 2002 ; qu'à la suite du constat de la tuméfaction de la cicatrice par son médecin traitant, Mme X a été à nouveau admise en urgence au centre hospitalier universitaire de Besançon où, opérée le 14 juin 2002, elle devait, comme il a été dit ci-dessus, décéder d'une hémorragie à la suite de l'excision de l'abcès causé par la médiastinite à staphylocoque doré dont elle était atteinte ;

Considérant qu'il est établi que ce décès est la conséquence d'une infection post-opératoire qui avait été initialement estimée peu profonde ; qu'il résulte cependant de l'instruction que l'antibiothérapie n'a pas été adaptée et n'a pas été reconsidérée malgré la persistance du syndrome inflammatoire et des douleurs sternales ; que l'état clinique de la patiente, âgée, diabétique, souffrant d'une surcharge pondérale et d'hypertension, aurait dû faire l'objet d'un suivi post-opératoire plus précis et d'une prise en charge plus active impliquant des investigations qui auraient permis de déceler l'infection profonde ; qu'ainsi, le suivi post-opératoire de Mme X doit être regardé comme insuffisant par la sous-estimation de la nature, de la localisation de l'infection alors qu'elle demeurait porteuse de staphylocoques et que la cicatrisation, malgré une amélioration temporaire, était inflammatoire ; que la sous-évaluation du facteur infectieux et l'absence d'adaptation de la stratégie d'antibiothérapie constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'hôpital ; que, par suite, l'ONIAM est fondé à demander sa condamnation à lui verser la somme de 20 680,44 euros correspondant au montant de la somme versée à M. X, majorée de 3 102,07 euros correspondant aux 15 % de l'indemnité allouée que le juge, saisi comme ici dans le cadre de la subrogation, peut accorder en cas de refus de l'assureur en application de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique ainsi que des frais, s'élevant à 1 200 euros, de l'expertise diligentée par la commission régionale d'indemnisation et de conciliation, soit au total une somme de 24 982,51 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que l'ONIAM a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme susrappelée de 24 982,51 euros à compter du 16 septembre 2005, date de sa demande préalable ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés à peine d'irrecevabilité par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 ... ; que la requête de l'ONIAM et, par voie de conséquence, les mémoires produits par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône dans l'instance introduite par ce dernier doivent ainsi, à peine d'irrecevabilité, être présentés par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en dépit de l'invitation adressée à cet effet le 17 novembre 2008 par le greffe de la Cour, dont elle a accusé réception le 19 novembre 2008, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône n'a pas régularisé les mémoires produits dans la présente instance ; qu'il s'ensuit que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Besançon doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon les frais de l'expertise ordonnée par jugement avant-dire droit du tribunal, taxés et liquidés à la somme de 2 644 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'ONIAM :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ONIAM et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Besançon est condamné à verser à l'ONIAM une indemnité de 24 982,51 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2005.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 2 644 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Besançon versera à l'ONIAM une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, au centre hospitalier universitaire de Besançon, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône et à M. Daniel X.