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Cour administrative d'appel de Nantes, 23 avril 2002 (omissions dans le dossier de demande de permis de construire)

 

Des omissions dans le dossier de demande de permis de construire peuvent entraîner l’illégalité du permis si elles ont pu avoir une influence sur l’appréciation de l’administration, lors de l’examen de cette demande.

La circonstance que l’administration “ connaisse bien ” les lieux est sans incidence sur l’application des règles.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 19 avril 2000, présentée pour M. X., demeurant (...), par Me BOUCHERON, avocat au barreau d'Angers ;
M. X. demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-5151 du 24 février 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 4 novembre 1997 par lequel le maire d'Ecouflant a accordé à la société des courses d'Angers un permis de construire pour l'édification de trente boxes à chevaux et d'un local de bureau pour le service vétérinaire ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) de condamner, solidairement, la société des courses d'Angers et la commune d'Ecouflant à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu l'arrêté préfectoral du 20 novembre 1985 fixant le règlement sanitaire départemental du Maine-et- Loire ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2002 :
-le rapport de M. COËNT, premier conseiller,
-les observations de Me BROUIN, substituant Me BOUCHERON, avocat de M. X.,
-les observations de Me CAILLET, substituant Me PAPIN, avocat de la société des courses d'Angers,
-et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme : ( ...) - le projet architectural précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leur accès et de leurs abords ( ...) ; qu'aux termes de l'article L. 421-2 dudit code, pris pour son application : Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : ( ...) 5° Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles des prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; 6° Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ; 7° Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords ( ...) ;

Considérant que le terrain d'assiette du projet de construction de trente Aboxes de passage pour chevaux de course et d'un bureau du service vétérinaire, autorisé par l'arrêté contesté du 4 novembre 1997 du maire d'Ecouflant (Maine-et-Loire) est limité, au Sud-Ouest, par une haie plantée d'arbres qui le sépare d'une vingtaine de mètres seulement d'un lotissement à usage d'habitation comportant de nombreuses constructions ; que la notice prévue par les dispositions précitées en vue d'apprécier l'impact visuel du projet ne fait pas référence à ce lotissement ; que celui-ci n'apparaît pas davantage sur le document graphique joint à la demande de permis de construire ; que cette omission, d'un élément important de l'environnement immédiat du projet, constitue une méconnaissance des dispositions précitées même si l'une des photographies produites laisse deviner, derrière les arbres, la présence d'une ou deux habitations ; que la circonstance que l'administration aurait eu une bonne connaissance des lieux ne saurait exonérer le pétitionnaire du respect des dispositions précitées ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 153-5 du règlement sanitaire départemental de Maine-et-Loire : Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune, des cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux ne doit pas être source de nuisances pour le voisinage. Sont autorisées, sans autres contraintes vis-à-vis du voisinage, les implantations réalisées dans les conditions suivantes : - les élevages porcins à lisier implantés à plus de 100 m des immeubles d'habitation habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public ; - les autres élevages (à l'exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins) implantés à plus de 50 m des immeubles d'habitation habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public à l'exception des installations de camping à la ferme ( ...) ; que l'article 153-1 du même règlement précise : Le terme élevage s'entend à la fois pour les élevages professionnels ou pour l'entretien d'animaux ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les boxes litigieux ont pour destination d'abriter les chevaux les jours où des courses ont lieu, avant et après les épreuves, à raison d'une vingtaine de réunions hippiques annuelles ; que l'hébergement ainsi conçu pour ces animaux, bien qu'épisodique et temporaire, n'exclut nullement que leur soit distribués de la nourriture et les soins que justifient leur état physique ; qu'ainsi les bâtiments nécessaires doivent être regardés comme destinés à l'entretien d'animaux au sens des dispositions précitées ; qu'il est constant que les boxes où ces animaux séjournent dans ces conditions sont autorisés à moins de 50 mètres de plusieurs maisons d'habitation ; qu'une telle distance méconnaît les prescriptions précitées du règlement sanitaire départemental exigeant qu'elle ne soit pas inférieure à 50 mètres ; qu'il suit de là que le permis contesté a été accordé en violation desdites dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de prononcer l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 1997 par lequel le maire d'Ecouflant a délivré un permis de construire à la société des courses d'Angers ;

Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'en l'état du dossier aucun autre moyen ne paraît susceptible de fonder l'annulation prononcée par le présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que M. X., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la commune d'Ecouflant et à la société des courses d'Angers la somme que chacune d'elles demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner, solidairement, la commune d'Ecouflant et la société des courses d'Angers à verser à M. X. une somme de 1 000 euros en remboursement des frais de même nature exposés par ce dernier ;

DECIDE :

Article 1er: Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 24 février 2000 et l'arrêté du maire d'Ecouflant du 4 novembre 1997 sont annulés.
Article 2 : La commune d'Ecouflant et la société des courses d'Angers verseront, solidairement, à M. X. une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Ecouflant et de la société des courses d'Angers tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X., à la commune d'Ecouflant, à la société des courses d'Angers et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.