En cas de surcharge des urgences, l'absence de transfert vers un autre établissement est un manuqement à l'obligation de soin. |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 18 avril et 28 juin 1995, présentés pour Mme X ., demeurant (...), par Me FABRE, avocat ; Mme X. demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier René Dubos de Pontoise soit condamné à lui verser la somme de 1.000.000 F en réparation du préjudice subi par elle à raison des fautes commises lors de ses hospitalisations dans ledit centre et 2.500 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de condamner le centre hospitalier précité à lui verser la somme de 200.000 F en réparation de son préjudice soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et la somme de 162.000 F en réparation de son préjudice personnel, ainsi que 15.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 1996 :
- le rapport de Mme MILLE, conseiller,
- les observations du cabinet FABRE, avocat, pour Mme X. et celles de Me DAO SYNAVE, avocat, substituant Me Emmanuel SYNAVE, avocat, pour le centre hospitalier René Dubos,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, le 6 février 1991, Mme X., alors âgée de 57 ans et présentant un état de grande agitation, a été conduite en ambulance au service des urgences psychiatriques du centre hospitalier René Dubos de Pontoise où elle a été hospitalisée à la demande de son médecin ; qu'après une attente prolongée, elle a été installée dans une salle annexe du service des urgences médicales puis placée dans une chambre d'isolement pour la nuit ; qu'à son réveil le lendemain matin, a été diagnostiquée une fracture du col du fémur qui a motivé son transfert dans le service de chirurgie orthopédique où elle a été opérée le 11 février 1991 ; qu'une seconde fracture du fémur s'étant cependant produite quelques jours plus tard, elle a subi une nouvelle intervention chirurgicale le 20 février dans le même service ; qu'à la suite d'une visite de contrôle effectuée deux mois plus tard, une troisième opération a été pratiquée le 19 avril 1991 ; que son état ne s'améliorant pas, Mme X. a finalement quitté, en juin 1991, le centre hospitalier René Dubos pour subir, dans un autre établissement, la pose d'une prothèse de hanche ; que Mme X. et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise demandent l'annulation du jugement susvisé par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande d'indemnisation ;
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier René Dubos pour la période antérieure au 11 février 1991 :
Sur le manquement à une obligation de soin :
Considérant, d'une part, que si Mme X soutient que le centre hospitalier de Pontoise a commis une faute en la faisant attendre plusieurs heures avant son admission au service des urgences psychiatriques qui était surchargé, au lieu de la transférer dans un autre hôpital, il ne résulte pas de l'instruction que cette faute, à la supposer établie, ait entraîné un préjudice particulier, ni aggravé le préjudice corporel dont elle demande réparation ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que Mme X., qui avait déjà été conduite à ce même hôpital deux jours auparavant pour une fracture du nez et avait refusé de se laisser soigner, est arrivée sur un brancard le 6 février 1991 pour une hospitalisation à indication psychiatrique, ne se plaignant d'aucune douleur particulière ; que, dans ces circonstances, en pratiquant le jour même un examen neuro-psychiatrique sans procéder à un bilan général de l'état de santé de la patiente, le service hospitalier n'a pas commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement René Dubos ;
Sur le défaut de surveillance :
Considérant que si Mme X. soutient que la fracture du col du fémur diagnostiquée le 7 février 1991 n'a pu se produire qu'à la faveur d'un défaut de surveillance de la part du personnel hospitalier durant la nuit passée en chambre d'isolement, il n'est pas établi que cette fracture se soit produite dans l'enceinte de l'hôpital ; qu'en effet, il résulte de l'instruction qu'avant son admission, l'intéressée, en proie à une grande agitation, avait été victime de plusieurs chutes dont celle ayant causé sa fracture du nez, lesquelles auraient pu provoquer l'accident litigieux sans que Mme X., eu égard à son état psychologique, se plaigne d'une douleur particulière, alors surtout qu'elle avait été transférée sur un brancard vers le centre hospitalier ; que, contrairement à ce que soutient la caisse primaire d'assurance maladie, la circonstance qu'aucun bilan général de l'intéressée n'ait été effectué à son admission, ne saurait obliger l'hôpital à apporter la preuve de l'existence d'une fracture au moment de l'admission ; que, de même, la constatation de la fracture ne saurait révéler par elle-même qu'elle aurait eu lieu dans l'enceinte hospitalière dès lors qu'il n'est pas certain que Mme X. ne s'était pas blessée avant son hospitalisation ; qu'il s'ensuit qu'aucune faute dans l'organisation du service ne peut être imputée au centre hospitalier René Dubos ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme X. et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise relatives à la période d'hospitalisation antérieure au 11 février 1991 doivent être rejetées ;
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier René Dubos pour la période postérieure au 11 février 1991 :
Sur les conclusions de Mme X. :
Considérant que Mme X. entend obtenir la condamnation du centre hospitalier René Dubos à raison du retard affectant l'intervention chirurgicale du 11 février 1991, du sous-équipement de la salle de douches qui serait à l'origine de l'intervention du 20 février suivant, de la pose défectueuse, ce même jour, des clous de Ender qui aurait été la cause de la détérioration de l'articulation coxo-fémorale de l'intéressée et de la faute médicale commise dans l'indication de ces clous dès lors qu'il est apparu que seule une prothèse pouvait remédier aux souffrances de Mme X. ;
Considérant cependant que les conclusions présentées par Mme X. devant la cour, et tendant à l'indemnisation du préjudice qui résulterait selon elle des conséquences dommageables des faits et agissements rappelés ci-dessus, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise :
Considérant que ces conclusions, formulées dans le cadre d'un appel provoqué, sont irrecevables en raison de l'irrecevabilité susindiquée des conclusions de l'appel principal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme X. et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise relatives à la période d'hospitalisation postérieure au 11 février 1991 doivent être rejetées ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que Mme X. et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise succombent dans la présente instance ; que, dès lors, leurs conclusions tendant à obtenir le remboursement des frais exposés par elles dans le cadre de la présente instance doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise sont rejetées.
Titrage : 54-08-01-02-01 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS NOUVELLES
54-08-01-02-04 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - APPEL PROVOQUE
60-02-01-01-01-02-05 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - ABSENCE DE FAUTE - SURVEILLANCE
60-03-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES
Textes cités :
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1.