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Cour administrative de Paris, 20 septembre 2006, Affaire M. (information des obligés alimentaires des conséquences financières et engagement de paiement)

La circonstance qu’un engagement de paiement ait été ou non souscrit est sans incidence sur l’obligation légale des obligés alimentaires résultant de l’article L.6145-11 du code de la santé publique et des articles du code civil.

Par ailleurs, la preuve doit pouvoir être rapportée par l’établissement hospitalier que les obligés alimentaires ont bien été informés des conséquences financières d’un passage en unité de soins longue durée.
En l’espèce, la lettre simple ne suffit pas à rapporter une telle preuve

Conseil pratique : Il est indispensable que l’hôpital informe expressément la famille des conditions d’hébergement et modalités financières avant toute décision de transfert d’un patient dans un service long séjour :
- soit en lui adressant par lettre recommandée avec accusé réception, le dossier d’admission et la notice d’information,
- soit lors d’un entretien au terme duquel la famille devra valider par écrit l’ensemble des informations.
A défaut, la responsabilité de l’établissement est engagée et la dette risque de devenir irrecouvrable contre les obligés.

« [...] Les dispositions de l’article R.716-9-1 du code de la santé publique n’ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet de placer l’hospitalisé, qui a la qualité d’un usager d’un service public administratif, dans une situation contractuelle.
La double circonstance que l’engagement prévu à l’article R.716-9-1 du code de la santé publique n’a pas été souscrit et que les exposantes n’ont pas été averties du changement de tarif qu’entraînait le transfert de la patiente en unité de soins longue durée, est sans incidence que l’obligation de payer le prix de l’hébergement correspondant à la période d’hospitalisation et sur le droit de l’établissement concerné de réclamer, sur le fondement de l’article L.6145-11 du code de la santé publique, le paiement des frais occasionnés. […]
L’AP-HP n’apporte pas la preuve que les requérantes, qui n’ont d’ailleurs jamais été invitées à souscrire l’engagement prévu à l’article R.716-9-1 du code de la santé publique, auraient été informées des conséquences financières du transfert avant le mois d’émission des avis, alors qu’aucune circonstance particulière ne faisait obstacle à cette information. Cette carence est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’AP-HP ».

Cour Administrative d'Appel de Paris
Statuant au contentieux
N° 03PA04728
Inédit au Recueil Lebon

M. Christian BOULANGER, Rapporteur
Mme FOLSCHEID, Commissaire du gouvernement
Mme CARTAL, Président
FALALA
Lecture du 20 septembre 2006
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée les 22 et 23 décembre 2003, présentée pour Mme Dominique X, demeurant ..., pour Mme Marie-Elisabeth X demeurant ... et pour Mme Chantal Z demeurant « Les Farjaults » à
Menetou Ratel (18300), par Me Falala ; les exposantes demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté pour partie leurs demandes tendant à « l'annulation des commandements de payer » en date du 18 octobre 1999 émis à leur encontre par le trésorier-payeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris pour le règlement des frais d'hospitalisation en long séjour de leur mère, Mme Christiane X aujourd'hui décédée ;
2°) à titre principal, de les décharger de l'intégralité des sommes mises à leur charge par lesdits commandements ;
3°) subsidiairement, de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à chacune d'elles à titre de dommages et intérêts une somme équivalente à celle restant à leur charge et à tout le moins une somme de 5 797, 84 euros ;
4°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à chacune d'elles la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2006 :
- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,
- les observations de Me Falala, pour les consorts X,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Dominique X, Mme Marie-Elisabeth X et Mme Chantal Y demandent à la cour d'annuler le jugement du 21 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté pour partie leurs demandes tendant à « l'annulation des commandements de payer » une somme de 17 393, 58 euros, frais de poursuite compris, émis par le trésorier-payeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris le 18 octobre 1999, pour le paiement des frais occasionnés par l'hospitalisation en long séjour au sein de l'hôpital Joffre-Dupuytren de Draveil de leur mère, Mme Christiane X aujourd'hui décédée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative « Les jugements sont motivés. » ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci précise les motifs de droit et de fait, justifiant la satisfaction partielle accordée aux demandes des intéressées ; que les premiers juges n'ont omis de statuer sur aucun des moyens soulevés et n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties ; qu'il résulte de l'instruction que les requérantes n'ont pas contesté au cours de la procédure diligentée par l'administration, leur qualité d'héritières de leur mère en laquelle elles étaient expressément appelées à payer les sommes en litige ; qu'elles n'ont d'ailleurs pas donné suite à la demande que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris leur avait adressée le 19 mai 1999 visant à ce que lui soit transmise, le cas échéant, une copie d'un acte de renonciation à la succession de leur mère ; que les exposantes ne faisant état d'aucun élément de nature à faire naître un doute sur leur qualité d'ayants droits de leur mère et en l'absence de difficulté sérieuse sur l'existence et l'étendue de leur obligation, le Tribunal administratif de Paris a pu, dès lors, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, statuer sur le bien-fondé de la créance de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, sans surseoir à statuer pour question préjudicielle ; que contrairement à ce que soutiennent les exposantes, en répondant « qu'il résulte de l'instruction que c'est en qualité d'héritières de leur mère que les requérantes se sont vu réclamer les sommes litigieuses par les commandements de payer contestés » et en en concluant qu'il n'y avait pas lieu de saisir le juge judiciaire, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen soulevé devant lui ; que les premiers juges ont ainsi respecté l'obligation de motivation exigée par les dispositions de l'article L. 9 précité ;
Sur le bien fondé des commandements de payer :

Considérant que Mme X, hospitalisée depuis le 21 octobre 1987 dans une unité de moyen séjour de l'hôpital Joffre-Dupuytren de Draveil, a été placée dans une unité de long séjour au sein du même hôpital à compter du 18 février 1988 jusqu'à sa sortie le 21 décembre suivant ; que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a engagé une procédure de recouvrement à l'encontre de ses trois filles d'une créance d'un montant total de 17 393, 58 euros, frais de poursuite compris, correspondant aux frais d'hébergement en long séjour de Mme X pendant la période sus indiquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 714-38 du code de la santé publique, devenu L. 6145-11 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : « Les établissements publics de santé peuvent toujours exercer leurs recours, s'il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil. » et qu'aux termes de l'article R. 716-9-1 du même code, résultant du décret du 31 juillet 1992 : « Dans le cas où les frais de séjour des malades ne sont pas susceptibles d'être pris en charge soit par les services de l'aide médicale, soit par un organisme d'assurance maladie (...) les intéressés, ou, à défaut leur famille ou un tiers responsable, souscrivent un engagement d'acquitter les frais de toute nature afférents au régime choisi ( ) » ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article R. 716-9-1 n'ont pas pour objet et ne peuvent avoir légalement pour effet de placer l'hospitalisé, qui a la qualité d'usager d'un service public administratif, dans une situation contractuelle ; qu'ainsi, la double circonstance que l'engagement prévu à l'article R. 716-9-1 du code de la santé publique n'a pas été souscrit et que Mme Christiane X et les exposantes n'ont pas été averties du changement de tarif qu'entraînait le transfert de la patiente en unité de long séjour sont sans incidence sur l'obligation de payer le prix d'hébergement correspondant à la période d'hospitalisation en unité de long séjour et sur le droit de l'établissement concerné de réclamer, sur le fondement de l'article
L. 714-38 précité, le paiement des frais occasionnés par le séjour de Mme Christiane X dans l'unité de long séjour à l'hôpital Joffre-Dupuytren ;
Sur les conclusions relatives à la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris :

Considérant que le transfert de Mme X dans une unité de long séjour a eu pour conséquence une augmentation très importante des dépenses d'hospitalisation qui devaient en tout état de cause rester à sa charge ; que contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne résulte pas de l'instruction que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris aurait fait preuve d'un manque de diligence à recouvrer sa créance du vivant de Mme X, constitutif d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
Mais considérant que si l'administration se prévaut d'un courrier en date du 8 février 1988 destiné selon elle à informer les consorts X du passage de leur mère en hospitalisation de long séjour, elle n'établit pas l'avoir effectivement adressé aux intéressées lesquelles contestent en avoir été destinataires ; que la circonstance, à la supposer même établie, que les requérantes auraient elles-mêmes saisi la commission d'aide sociale d'un dossier de demande de prise en charge de ces frais d'hébergement, demande qui a été rejetée par la commission le 25 avril 1988, n'est pas à elle seule de nature à établir que les conséquences financières du transfert dont s'agit auraient été connues des consorts X avant l'envoi par l'administration d'avis émis et rendus exécutoires le 29 octobre 1988, faisant état de sommes à payer au titre de l'hébergement de long séjour de Mme X, soit moins de deux mois avant la sortie de l'intéressée de l'hôpital ; que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris n'apporte ainsi pas la preuve que Mme X ou les requérantes, qui n'ont d'ailleurs jamais été invitées à souscrire l'engagement prévu à l'article R. 716-9-1 du code de la santé publique susvisé, auraient été informées des conséquences financières du transfert avant le mois d'octobre 1988, alors qu'aucune circonstance particulière ne faisait obstacle à cette information ; que cette carence est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de ces fautes en laissant à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la moitié de la somme de 17 393, 58 euros réclamée aux consorts X au titre des frais de l'hébergement de leur mère soit 8 696, 79 euros ;
Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter tant les conclusions des exposantes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que celles présentées sur le même fondement par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;

D E C I D E :
Article 1er : Mme Dominique X, Mme Marie-Elisabeth X et Mme Chantal Z sont déchargées à concurrence de 8 696, 79 euros des sommes à elle réclamées par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts X est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.