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Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2010, n°09-87.375 (homicide involontaire - perte de chance - relaxe - réparation du préjudice)

En l'espèce, une femme est hospitalisée au sein d'une clinique de type 1 pour accoucher. Elle développe un syndrome rare (Hellp syndrome) et décède. En première instance, 2 médecins (le gynécologue et l'anesthésiste) sont déclarés coupables d'homicide involontaire, les juges ayant considéré que la prise en charge de la patiente a été trop tardive. La Cour d'appel de Versailles infirme cependant ce jugement au motif que le lien de causalité entre les agissements reprochés et le décès de la patiente n'est pas certain. Les juges rappellent ici que "le lien de causalité entre la mort et les maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement doit être certain et que la mort s'entend par la perte de toute chance de survie". Les juges n'ayant pu caractériser que la perte d'une chance de survie, et non la perte de toute chance de survie, du fait des fautes en cause, ils relaxent les prévenus et déboutent la partie civile des demandes indemnitaires présentées sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale. La cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles mais en ses seules dispositions civiles : elle considère donc que des médecins ne peuvent être condamnés pénalement pour homicide involontaire s'il n'est pas établi un lien de causalité certain entre les agissements qui leur sont reprochés et le décès de leur patients, ce que ne peut suffire à démontrer la seule existence de la perte d'une chance de survie. Pour autant, cette circonstance ne fait pas obstacle à la possibilité, pour la partie civile, d'obtenir réparation en application de l'article 470-1 du code de procédure pénale.

Cour de cassation
chambre criminelle


Audience publique du mercredi 3 novembre 2010


N° de pourvoi: 09-87375


Publié au bulletin

Cassation

M. Louvel (président), président

Me Balat, Me Le Prado, SCP Baraduc et Duhamel, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Stéphane X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure Marion X..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 15 septembre 2009, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de MM. Patrick Y... et Jean-Jacques Z... du chef d'homicide involontaire ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 223-6 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 470-1, 485, 512, 591, 593 du code de procédure pénale, 1382 et 1147 du code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé MM. Y... et Z... des fins de la poursuite et, en conséquence, débouté la partie civile de ses demandes ;

" aux motifs que le lien de causalité entre la mort et les « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » doit être certain et que la mort s'entend par la perte de toute chance de survie ; qu'il n'est pas contesté que la clinique du docteur A..., de niveau I, n'était équipée que pour la prise en charge des grossesses à bas risque ; qu'il est établi que la patiente a développé une complication, soit un Hellp syndrome, dont l'évolution est parfois brutale, voire foudroyante, selon les experts qui ont précisé qu'une prise en charge aussi précoce que possible en milieu spécialisé ne suffit pas toujours à éviter une évolution fatale ; que sur ces éléments, le premier collège d'experts a conclu que le retard apporté à la prise en charge de cette pathologie avait conduit à la « perte d'une chance » et le second collège à une « probable perte de chance de survie » ; que l'avis médical du professeur B..., produit par M. Y..., est en faveur d'une « perte de chance mal évaluable » d'éviter le décès, considérant même qu'en l'état des données de la science, à l'époque des faits et jusqu'en 2009, « le retard au diagnostic de Hellp syndrome ne peut pas être considéré comme la cause certaine, ni directe du décès » ; qu'il résulte de ces éléments que la certitude d'une issue mortelle, soit la perte de toute chance de survie, causée à Mme X... par les agissements de MM. Y... et Z..., n'est pas rapportée ; que le jugement du tribunal correctionnel de Versailles sera en conséquence infirmé et les deux prévenus relaxés des fins de la poursuite ;

" 1) alors que le juge correctionnel qui n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention ne peut prononcer une décision de relaxe et, partant, débouter la partie civile de ses demandes, sans avoir vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d'aucune infraction ; qu'en se bornant à énoncer que la certitude d'une issue mortelle causée à Mme X... par les agissements des docteurs Y... et Z... n'était pas rapportée, pour en déduire que le délit d'homicide involontaire qui leur était reproché n'était pas établi et qu'ils devaient donc être relaxés des fins de la poursuite, sans rechercher si les faits constatés par l'arrêt ne pouvaient recevoir une autre qualification, et notamment celle d'omission de porter secours, dès lors qu'il était établi que c'est volontairement que le docteur Z..., en dépit du contexte de gravité potentielle d'une pré-éclampsie dont il avait connaissance, avait renoncé à faire transférer la patiente vers un centre hospitalier spécialisé disposant d'un centre de réanimation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 2) et alors que, sur le fondement des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, est coupable d'homicide involontaire la personne qui, par une faute caractérisée ou qualifiée, a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ; que dès lors, en se bornant à énoncer qu'il n'était pas démontré que les agissements des deux prévenus étaient directement à l'origine du décès de Mme X..., pour en déduire qu'ils devaient être relaxés du chef d'homicide involontaire, sans rechercher si le fait d'avoir tardé à poser le diagnostic de Hellp syndrome n'avait pas, indépendamment de tout lien direct avec le décès, contribué à tout le moins à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage constitué par le décès de la patiente, ce retard n'ayant pas permis aux services de réanimation de l'hôpital Béclère d'intervenir en temps utile à un moment où l'état de la patiente n'était pas encore désespéré, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Mme X..., dont le terme de la grossesse était fixé au 27 novembre 1998, a été admise, le 14 novembre 1998, à 13 heures 15 dans une clinique, de niveau I, équipée uniquement pour la prise en charge des grossesses à bas risque ; que, présentant lors de son admission un syndrome pré-éclamptique brutal, M. Z..., médecin gynécologue, a décidé d'une césarienne, pratiquée, en urgence, à 14 h 15 ; que M. Y..., médecin anesthésiste a mis en place une surveillance infirmière renforcée et s'est déplacé à 19 heures 30, puis à une 1 heure 45, après avoir été appelé, à 19 heures pour une tachycardie, à 22 heures 30, 23 heures et 1 heure pour une baisse puis un arrêt de diurèse ; qu'au vu du résultat du bilan biologique qu'il a fait pratiquer à 3 heures 30, il a organisé le transfert de la malade dans un service hospitalier de réanimation où, arrivée le 15 novembre à 4 heures 40, elle est décédée le 18 novembre suivant ; qu'à l'issue de l'information, ces deux médecins ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, qui les a déclarés coupables d'homicide involontaire, aux motifs qu'ils avaient commis des fautes caractérisées au cours du suivi opératoire et qu'ils auraient dû décider plus tôt du transfert ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus, l'arrêt, après avoir énoncé que, selon les experts, Mme X... a développé une complication, appelée Hellp syndrome, à l'évolution parfois brutale, voire foudroyante, dont la prise en charge aussi précoce que possible en milieu spécialisé ne permet pas toujours d'éviter l'évolution fatale, retient qu'il n'est pas établi avec certitude que les agissements de MM. Y... et Z... ont fait perdre toute chance de survie à Mme X... ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine et d'où il résulte qu'il n'existe pas de relation certaine de causalité entre les agissements reprochés et le décès, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, ne saurait être accueilli ;

Mais, sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 223-6 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 470-1, 485, 512, 591, 593 du code de procédure pénale, 1382 et 1147 du code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, sur les intérêts civils, débouté M. X..., en son nom propre et ès qualités de représentant légal de sa fille mineure Marion, de toutes ses demandes indemnitaires ;

" aux motifs que sur l'action civile, la partie civile réitère ses demandes, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale ; que les docteurs F..., G... et H... dont les conclusions ont été précédemment exposées ont qualifié le préjudice entraîné par le transfert tardif en réanimation de « perte de chance » sans plus de développements, pour Mme X... ; que ces experts ont considéré que le transfert aurait dû intervenir dès le début de la surveillance postopératoire, lorsqu'est survenu l'équivalent d'une crise d'éclampsie, caractérisé par les tremblements et la cyanose des extrémités ; qu'ils sont revenus sur la qualification de cet épisode dans leur second rapport, considérant alors que les signes cliniques ne correspondaient pas à une crise convulsive, sans modifier pour autant leurs conclusions de perte de chance ; que le professeur C... et le docteur D... ont insisté sur la nécessité d'une prise en charge spécialisée du Hellp syndrome aussi précoce que possible, tout en admettant que cette précocité ne permet pas toujours d'éviter une évolution fatale ; que dans le cas de Mme X..., compte tenu de la gravité de sa pathologie, ils ne sont pas certains qu'une prise en charge plus précoce aurait permis d'éviter une évolution vers le décès, les agissements des médecins, soit un retard de diagnostic et un défaut de surveillance postopératoire, lui ayant fait perdre « une chance de prise en charge plus précoce d'une pathologie grave » ; que ces experts ont conclu que les retards à la prise en charge ont « probablement » fait perdre à la patiente une chance de survie, « sans qu'il soit pour autant possible d'affirmer avec certitude » qu'une réanimation intervenue « quelques heures plus tôt aurait permis, de façon indubitable ou au moins très probable, d'assurer la survie » ; que le professeur E... a confirmé les conclusions du professeur C... et du docteur D..., précisant que rien ne démontrait scientifiquement l'hypothèse selon laquelle une reconnaissance précoce de ce syndrome permettrait d'éviter à tout coup une issue fatale, et « pas même » une réduction de la mortalité ; que l'avis du professeur B... précise que le seul traitement efficace est l'accouchement par césarienne et que le « Hellp syndrome des suites de couche » échappe « aux thérapeutiques devenues impuissantes pour ne laisser place qu'aux mesures de réanimation classiques », à cause de son évolution propre, souvent aléatoire et mal maîtrisable ; qu'il conclut que si le retard au diagnostic a « probablement constitué une perte de chance », il est au demeurant « bien difficile de le certifier et d'évaluer l'importance exacte de cette perte de chance, compte tenu du pronostic toujours incertain des Hellp syndromes des suites de couches » ; qu'enfin, le retard au diagnostic ne peut pas être considéré comme la cause directe et certaine du décès ; qu'il résulte de ces éléments qu'il n'existe aucune certitude, quant à l'existence même d'une chance de survie de Mme X..., l'évolution propre du Hellp syndrome échappant à toute thérapeutique et ne laissant place qu'aux palliatifs de la réanimation, elle-même compromise, au vu des comptes-rendus de l'hôpital Béclère, par le caractère foudroyant et surtout quasi-simultané de tous les effets, nerveux, hépatiques et cardiaques, du Hellp syndrome ; que l'existence d'une perte de chance de survie, que les agissements ou abstentions de MM. Y... et Z... auraient entraînée, n'est donc pas établie ; qu'il en est de même quant au lien de causalité indirect, entre l'action ou l'inaction des médecins et le décès, aucune démonstration ne figurant, dans les développements des deux collèges d'experts, sur les conséquences d'une prise en charge plus précoce de quelques heures, sur les effets du Hellp syndrome, l'incertitude demeurant sur l'effet de la précocité de cette prise en charge, ainsi que décrite par le professeur E... ; enfin, l'erreur de diagnostic commise ne peut, en elle-même, être qualifiée de délibérée ou de fautive ; que les fautes reprochées à MM. Y... et Z... consistent en des carences ayant retardé le diagnostic du Hellp syndrome ; que ces carences s'analysent, pour M. Z..., dans l'absence de visite à sa patiente, une fois l'intervention terminée, à laquelle celui-ci oppose à raison, la surveillance relevant de la compétence de la sage-femme et de l'anesthésiste ; qu'il sera constaté, à cet égard, que non seulement il n'a pas été alerté par les sages-femmes et infirmières, mais qu'aucun élément en ce sens ne lui a été donné lorsqu'il a pris des nouvelles de Mme X... par téléphone, à 18 h 30 ; qu'il ne peut être reproché aux deux médecins l'absence de prise en compte des troubles de la coagulation, constamment associés à la pré-éclampsie, selon le professeur B... et ne laissant en rien présager l'apparition d'un Hellp syndrome, pas plus que le bilan hépatique, propre, non à la prééclampsie dont l'accouchement venait de régler les causes, mais au Hellp syndrome, complication rare et que rien ne laissait présager ; que sur ce point, ce bilan aurait pu être justifié par l'ictère constaté et filmé par M. X... non à 17 heures, ainsi que le tribunal l'a repris par erreur, mais plus probablement avant la seconde visite de M. Y..., à 19 heures, mais qui n'a été remarqué par aucun des six intervenants auprès de Mme X... durant l'après-midi, et pas même par M. Y... ; que le professeur B... a indiqué que la perception d'un ictère dépend de l'éclairage sous lequel il apparaît, et que rien ne permettait de soupçonner, et donc de rechercher son apparition ; que M. X..., seul à l'avoir remarqué, n'en a prévenu aucun membre du personnel de la clinique et ne l'a pas plus évoqué avec l'anesthésiste ; que l'arrêt de la diurèse, signe d'une insuffisance rénale, dont M. Y... a été informé par téléphone à 22 heures 30, est en lien avec l'apparition du Hellp syndrome, et que si le professeur C... et le docteur D... ont reproché à M. Y... sa prescription téléphonique de diurétique, sans déplacement, ils ne se sont pas plus expliqués sur l'insuffisance de la seule prescription de Lasilix ; qu'ils retiennent ainsi que les troubles graves de la coagulation, associés à l'insuffisance rénale, justifiaient alors un transfert en réanimation, d'ailleurs décidé, sans indiquer si ces troubles, ultérieurement révélés par le bilan biologique, étaient présents à ce stade ; que le défaut de diagnostic précoce du Hellp syndrome, reproché à MM. Y... et Z..., n'est donc pas lié à des carences et abstentions fautives ; que la difficulté de diagnostic du Hellp syndrome est soulignée par le professeur C... et le docteur D..., qui qualifient de « trompeuse » cette pathologie ; qu'ainsi qu'il est démontré dans l'avis du professeur B..., ces symptômes sont fréquemment atypiques, et qu'il peut encore aujourd'hui être confondu avec la micro-angiopathie thrombotique, ainsi qu'avec vingt-quatre diagnostics différentiels trompeurs, dont beaucoup peuvent également connaître une évolution rapide et fatale ; que sur ce point, il peut être observé, à partir du compte rendu d'hospitalisation de l'hôpital Béclère, que ce n'est que le 17 novembre qu'il est noté que le tableau clinique, qualifié de désespéré, évoque un Hellp syndrome, « mais également pouvant évoquer un PTT ou un SHU » ; que M. Y... a indiqué qu'il ne connaissait pas l'existence du Hellp syndrome, et que M. Z... a rencontré mais décrit comme un Hellp syndrome de fin de grossesse et non des suites de couches ; qu'il ressort de l'avis du professeur E... qu'en 1998, aucune publication en langue française à destination des anesthésistes réanimateurs et aucune recommandation n'existaient, et qu'aucune conférence de la SFAR ne s'était tenue sur le Hellp syndrome avant 2000, avec une conférence sur la réanimation des formes graves de la pré-éclampsie, à l'initiative de la société française d'anesthésie et de réanimation, en collaboration avec le collège nationale des gynécologues obstétriciens, et en décembre 2001 avec la publication des recommandations du conseil national de l'ordre des médecins ; qu'il résulte de ces éléments qu'en l'état des données de la science en 1998, aucune faute n'entache le défaut de diagnostic du Hellp syndrome des suites de couche par MM. Y... et Z... ; que les demandes de M. X... en son nom personnel et ès qualités d'administrateur légal de sa fille Marion, ne peuvent donc qu'être rejetées, en l'absence de faute, de lien de causalité avec le décès de Mme X... et de perte de chance de survie de celle-ci ;

" 1) alors que, l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine ; que la réparation de ce préjudice spécifique ne peut être exclue que lorsqu'il est établi avec certitude que cette chance n'a jamais existé ; que, dès lors, en se bornant à relever qu'il n'existait aucune certitude quant à l'existence même d'une chance de survie de Mme X..., pour en déduire que toute réparation de ce chef devait être écartée, sans rechercher si l'inexistence de toute chance de survie était établie avec certitude, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de toute base légale ;

" 2) alors que si les experts C... et D... n'ont pu affirmer de manière catégorique que les retards à la prise en charge avaient fait perdre à la patiente toute chance de survie, ils ont considéré qu'ils avaient probablement et à tout le moins fait perdre à la victime une chance de survie, le professeur B... ayant quant à lui confirmé l'existence de cette perte de chance de survie, sans pouvoir en évaluer l'importance exacte ; que, dès lors, en estimant qu'il résultait notamment de l'avis de ces experts qu'il n'existait aucune certitude quant à l'existence même d'une chance de survie de Mme X..., pour en déduire que l'indemnisation de ce préjudice devait être écartée, la cour d'appel a dénaturé les avis ainsi exprimés et entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

" 3) alors, qu'enfin, en retenant que la pathologie du Hellp syndrome était qualifiée par les experts de « trompeuse », pour en déduire que l'erreur de diagnostic imputable aux médecins n'était pas fautive, tout en relevant que les symptômes de cette pathologie pouvaient être confondus avec ceux de vingt-quatre autres diagnostics dont beaucoup peuvent également connaître une évolution rapide et fatale, ce dont il ressortait que les médecins avaient en tout état de cause omis de tenir compte de symptômes qui, à l'instar de ceux du Hellp syndrome, justifiaient pour la plupart un transfert urgent dans un service de réanimation spécialisé, transfert qui n'a pas été ordonné en temps utile, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé ce faisant l'article 1147 du code civil " ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour débouter M. X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure, Marion, de ses demandes en réparation des préjudices consécutifs à la perte de chance de survie de son épouse, présentées, à titre subsidiaire, en application de l'article 470-1 du code de procédure pénale, les juges retiennent que le retard de diagnostic ne peut être considéré comme la cause directe et certaine du décès et qu'il n'existe aucune certitude quant à l'existence d'une chance de survie ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi après avoir relevé que, compte-tenu du pronostic toujours incertain du Hellp syndrome, les retards à la prise en charge ont probablement fait perdre à la patiente une chance de survie, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, dès lors que la disparition de la probabilité d'un événement favorable constitue une perte de chance ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 septembre 2009, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application au profit de M. X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;