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Cour de cassation, première chambre civile, 12 juin 2012, n° 11-18327 (Responsabilité médicale – Obligation d’information - Médecin – Expression de la volonté)

Par cette décision, la Cour de cassation confirme son revirement de jurisprudence relatif à l’obligation d’information du médecin et plus particulièrement concernant la réparation du préjudicie en cas de défaut d’information. Elle réaffirme ainsi que le défaut d’information constitue en soi une atteinte préjudiciable au principe du respect de la personne humaine et d’intégrité du corps humain et que le non-respect par un médecin de ce devoir « dont il est tenu envers son patient, cause à celui auquel cette information était légalement due un préjudice (…) que le juge ne peut laisser sans réparation ».

 Mots clés : Responsabilité médicale – Obligation d’information  - Médecin – Expression de la volonté

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 12 juin 2012
N° de pourvoi: 11-18327

 

Publié au bulletin Cassation partielle

M. Charruault (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Richard, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause, sur leur demande, M. X... et la société Pfizer Holding France, venant aux droits de la société Wyeth Pharmaceutical France ;

Sur le moyen unique :

Vu les principes du respect de la dignité de la personne humaine et d'intégrité du corps humain, ensemble l'article 1382 du code civil ;

Attendu que le non-respect par un médecin du devoir d'information dont il est tenu envers son patient, cause à celui auquel cette information était légalement due un préjudice qu'en vertu du texte susvisé le juge ne peut laisser sans réparation ;

Attendu que pour rejeter les demandes en dommages-intérêts de M. Y... à l'encontre de M. Z..., médecin rhumatologue, qui lui avait administré en 1988 une injection intra-discale d'Hexatrione pour soulager des douleurs lombaires, à laquelle il imputait une calcification ayant rendu nécessaire une intervention chirurgicale, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas démontré en l'espèce que, mieux informé, M. Y... aurait refusé la technique proposée et préféré la chirurgie, le traitement médical classique ayant échoué et cette technique étant alors sans risque connu et réputée apporter fréquemment un soulagement réel ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. Z... n'établissait pas avoir informé M. Y... que le traitement prescrit, quoique pratiqué couramment et sans risque connu, n'était pas conforme aux indications prévues par l'autorisation de mise sur le marché, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations, desquelles il résultait que M. Y..., ainsi privé de la faculté de donner un consentement éclairé, avait nécessairement subi un préjudice, les conséquences légales qui en découlaient ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. Y... fondée sur la méconnaissance par M. Z... de son devoir d'information, l'arrêt rendu le 28 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. Z... à payer à la SCP Thouin-Palat et Boucard la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Patrice Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR : débouté Monsieur Patrice Y... de la demande de dommages-intérêts qu'il avait formée à l'encontre du docteur Patrick Z... ;

AUX MOTIFS QUE : « M. Z... n'établit pas avoir apporté les informations utiles pour que M. Y... prenne conscience que le traitement proposé, quoique pratiqué couramment et sans risque connu, ne bénéficiait pas d'une autorisation de mise sur le marché et puisse y donner un consentement éclairé ; que la violation de l'obligation d'information incombant au praticien ne peut être sanctionnée qu'autant qu'il en résulte un préjudice ; qu'il n'est pas démontré en l'espèce, que mieux informé, M. Y... aurait refusé la technique proposée et préféré la chirurgie, alors même que le traitement médical classique avait échoué et que la technique proposée était alors sans risque connu et réputée apporter fréquemment un soulagement réel ; que c'est par des motifs qui doivent être approuvés que le premier juge a débouté M. Y... » (arrêt p.5 § 10 à 13 et p.6 § 1 et 2) ;

ALORS QUE : le non-respect par un médecin du devoir d'information dont il est débiteur envers son patient, cause à celui auquel cette information était légalement due un préjudice qu'en vertu de l'article 1382 du code civil le juge ne peut laisser sans réparation ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles 16 et 16-3 du même code.

 

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes du 28 avril 2010