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Tribunal administratif d'Amiens, 7 juin 2007, n° 0501953 (Personnel - Accident du travail - Suicide)

Un aide soignant exerçant au sein d’un centre hospitalier universitaire s’est suicidé sur son lieu de travail et pendant ses horaires de service. Sa veuve saisit le TA d’Amiens aux fins d’annulation de la décision de refus du directeur du CHU de reconnaître l’imputabilité au service du suicide de son époux.
Le TA a rejeté la requête en considérant que le suicide de cet aide soignant ne pouvait être regardé en l’espèce comme ayant constitué un accident du travail. De plus, au regard des éléments du dossier, il ne pouvait être d’établi que l’état dépressif dont souffrait ce dernier, trouvait son unique cause dans ses conditions de travail et que sa dépression aurait été déclenchée ou se serait aggravée par son arrivée au sein de cet établissement.

Le Tribunal administratif d'Amiens
(1ère Chambre)

0501953

Mme X

M. RIVAUX,
président

Mme HAUDIER
Rapporteur

M. GASPON
Commissaire du gouvernement

Audience du 24 mai 2007
Lecture du 7 juin 2007

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2005, présentée, pour Mme X, demeurant (...), par Me QUENNEHEN ;

Mme X demande au tribunal :

- d’annuler la décision en date du 25 mai 2005 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire d’Amiens a refusé de reconnaître le suicide de son mari comme étant imputable au service ;

- de condamner le centre hospitalier d’Amiens à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2005, présenté pour le centre hospitalier universitaire d'Amiens par Me LEROUX-LEPAGE par lequel il conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le centre hospitalier de Corbie soit condamné à le garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mai 2007, présenté pour le centre hospitalier de Corbie par lequel il conclut au rejet de l'appel en garantie présenté par le centre hospitalier universitaire d'Amiens et à la condamnation dudit établissement à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2007, présenté pour Mme X par Me QUENNEHEN, par lequel elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et demande, en outre, au Tribunal de condamner les parties défenderesses à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 ;

- le rapport de Mme HAUDIER ;

- les observations de Me QUENNEHEN, avocat au barreau d’Amiens, représentant Mme X, Me CAHITTE, avocat au barreau d’Amiens, pour la SCP DEVAUCHELLE COTTIGNIES LEROUX-LEPAGE CAHITTE, représentant le centre hospitalier unversitaire d’Amiens et Me HOLIN, avocat au barreau d’Amiens, pour la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE, représentant le centre hospitalier de Corbie ;

- et les conclusions de M. GASPON, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, aide soignant au sein du service d’Urologie 2 du centre hospitalier universitaire d’Amiens depuis le 1er septembre 2003, s’est suicidé le 18 mai 2004 ; que, suite à l’avis défavorable de la commission de réforme hospitalière qui s’est réunie le 19 mai 2005, le directeur du centre hospitalier d’Amiens a refusé, par une décision en date du 25 mai 2005,de reconnaître l’imputabilité au service du suicide de M. X ; que la requête présentée par la veuve de l’agent, Mme X , doit être regardée comme tendant à l’annulation de cette dernière décision ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée comporte les éléments de fait qui en constituent le fondement ; que si elle ne mentionne pas que le suicide de M. X a eu lieu sur son lieu et pendant ses horaires de travail cette circonstance ne permet pas de la regarder comme étant insuffisamment motivée ;

Sur la légalité interne :

Considérant, d’une part, que s’il est constant que M. X a mis fin à ses jours sur son lieu de travail et pendant ses horaires de service, cette circonstance n’est pas, à elle seule, de nature à établir en l’espèce que cet acte est, en conséquence, nécessairement imputable au service ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que M. X souffrait d’un état dépressif depuis plusieurs années, qu’un traitement lui avait été prescrit par son médecin traitant pendant quatre années et qu’il était suivi par un psychiatre depuis le mois de juillet 2000 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l’intéressé n’avait pas informé l’établissement hospitalier de son état et des raisons qui l’avaient amené à demander sa mutation et à quitter le centre hospitalier de Corbie où il exerçait ses fonctions depuis 1993 ; qu’il n’avait pas plus donné de telles informations au médecin du service de médecine préventive lors de la visite médicale prévue à l’occasion de sa mutation, qui a eu lieu le 18 août 2003 ; que, par ailleurs, il est établi par les pièces du dossier que les conditions d’aménagement de son travail au sein du service urologie du centre hospitalier d’Amiens ont été aussi satisfaisantes que possible, l’établissement ayant notamment cherché à prendre en compte les contraintes matérielles de M. X; que la circonstance que, lors de son arrivée au sein de ce nouveau service, il lui a été conseillé de suivre une remise à niveau, ne permet pas d’établir l’existence d’un climat de harcèlement moral ou même de tension ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier et n’est d’ailleurs pas allégué qu’un événement particulier ait eu lieu lors de son service avant le passage à l’acte de M. X et ait été de nature à justifier celui-ci ; que, dès lors, le suicide de M. X ne peut être regardé, en l’espèce, comme ayant constitué un accident du travail ;

Considérant, d’autre part, que la requérante soutient également et à titre subsidiaire que le suicide de son époux est imputable au service dès lors qu’il trouve sa cause déterminante dans une maladie contractée lors du service ; qu’elle produit à l’appui de ses allégations des certificats médicaux établis par le médecin traitant de l’intéressé et par son psychiatre ; que toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, lesdits certificats et notamment celui établi par le psychiatre, ne permettent pas de considérer que l’état dépressif dont souffrait M. X trouvait son unique cause dans ses conditions de travail et que la dépression de l’intéressé aurait été déclenchée ou se serait aggravée par son arrivée au sein du centre hospitalier d’Amiens ;

Considérant, enfin, que si Mme X fait également valoir que le médecin traitant indique que son mari était victime de harcèlement moral alors qu’il exerçait ses fonctions au sein du centre hospitalier de Corbie et qu’il s’y était vu imposer des horaires et des conditions de travail particulièrement difficiles, aucune des autres pièces du dossier et notamment le rapport du cadre de santé de l’établissement établi en novembre 2005 et la lettre en date du 19 avril 2006, par laquelle le substitut du procureur de la République du tribunal de grande instance d’Amiens a informé Mme X du classement sans suite de sa plainte, ne sont de nature à établir que le suicide de M. X ait eu pour cause déterminante un état maladif se rattachant au service ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le suicide de M. X ne peut être regardé comme étant imputable au service ; que, par suite, les conclusions à fin d’annulation présentées par Mme X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire Amiens ou du centre hospitalier de Corbie, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par Mme X , au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en l’espèce, de rejeter les conclusions présentées par le centre hospitalier de Corbie sur le fondement des dispositions précitées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée présentée par Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Corbie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme X, au centre hospitalier universitaire Amiens et au centre hospitalier de Corbie.