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Tribunal Administratif de Melun, 11 mars 2003(suspension temporaire - licenciement - vice de forme - réintégration juridique mais non effective)

 

1. FAITS :

Le 20 décembre 1999, le directeur de l’AP-HP a suspendu pour une durée d’un mois un agent contractuel.

Par une lettre en date du 7 janvier 2000 reçue le 13 janvier 2000, l’agent est convoqué le 14 janvier 2000 pour un entretien préalable.

Le même jour, le licenciement de cet agent est prononcé pour faute grave.

Il n’a communication de son dossier que le 2 février 2000.

L’agent demande l’annulation de la suspension prononcée à son encontre et l’annulation de son licenciement ainsi que sa réintégration.

2. DECISION DES JUGES DU FOND :

- Concernant l’annulation de la suspension temporaire : le Tribunal administratif de Melun considère que la décision de suspension a été signée par une autorité incompétente. En effet, l’arrêté de délégation de signature du 19 octobre 1999 donnant compétence à l’autorité qui a signé la suspension, n’avait pas été publié à la date du prononcé de ladite suspension.

- Concernant l’annulation du licenciement : les juges du fond estiment qu’il y a un vice de procédure, l’agent contractuel n’ayant pu exercer ses droits de la défense (communication de son dossier en temps utile ; impossibilité de se faire représenter). Le Tribunal administratif de Melun prononce donc l’annulation du licenciement pour procédure irrégulière.

- Concernant l’injonction de réintégration : l’annulation de la décision de licenciement implique nécessairement une réintégration juridique de l’agent mais non effective.

En l’espèce, une nouvelle procédure de licenciement régulière peut en effet être à nouveau effectué par l’AP-HP. Dans ce cas, “ en l’absence de service fait ”, l’agent contractuel licencié ne peut prétendre au rappel de son traitement mais a toutefois la possibilité de demander la réparation de son préjudice éventuellement subi du fait de son éviction.

L’agent concerné a également droit aux prestations de sécurité sociale et de retraite ouvertes pour la période d’éviction.

Pour autant sa demande de réintégration effective dans ses fonctions est rejetée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2001 au greffe du tribunal administratif de Melun, présentée pour M. X demeurant (…), par Me Hélène Lipietz, avocat ; M. X  demande que le Tribunal :
- annule pour excès de pouvoir, d’une part, la décision en date du 20 décembre 1999 par laquelle le directeur de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris l’a suspendu de ses fonctions d’animateur scolaire non titulaire pour une durée d’un mois, d’autre part, la décision du 14 janvier 2000 par laquelle le directeur de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris l’a licencié pour faute grave à compter du 19janvier 2000 ;
- enjoigne à l’Assistance publique - hôpitaux de Paris de le réintégrer au 14janvier 2000, et de lui verser la différence entre les salaires qu’il aurait dû percevoir et les sommes qu’il a perçues durant son chômage avec intérêts moratoires, ainsi que le paiement aux organismes sociaux des cotisations correspondantes ;
- condamne l’Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser personnellement à la SELARL ACACCIA la somme de 1 644,50 euros au titre de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les décisions attaquées ;
Vu la décision du bureau d’aide juridictionnelle de Melun en date du 19 mai 2000, admettant M. P. au bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance portant clôture d’instruction au 4 novembre 2002 ;
Vu la modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu la loi n° 91-647 du 10juillet 1991, relative à l’aide juridique ;
Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 modifié, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86 33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience qui a eu lieu le 11 février 2003

Après avoir entendu :
- le rapport de M. BONHOMME, conseiller ;
- et les conclusions de M. SALVI, commissaire du Gouvernement ;

Après en avoir délibéré dans la formation ci-dessus indiquée ;

- Sur la demande d’annulation de la suspension, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que M. X soutient sans être contredit que l’arrêt du 19 octobre 1999, par lequel le directeur général de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris a donné notamment délégation de signature à M. Y directeur adjoint à l’hôpital Chenevier, n’a pas été publié; qu’au surplus ledit acte ne mentionne pas les matières faisant l’objet de la délégation ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que la décision attaquée du 20 décembre 1999 le suspendant de ses fonctions, signée par M. Y directeur des ressources humaines de l’hôpital Albert Chenevier, émane d’une autorité incompétente ; qu’ainsi elle doit être annulée ;

- Sur la demande d’annulation du licenciement, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête:

Considérant qu’aux termes de l’article 40 du décret du 6 février 1991 susvisé: “ Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité signataire du contrat. / L ‘agent contractuel à l’encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. Il a également droit de se faire assister par les défenseurs de son choix. / L ‘intéressé doit être informé par écrit de la procédure engagée et des droits qui lui sont reconnus ” ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X d’abord recruté à durée déterminée, a conclu le 27 mars 1997 un contrat à durée indéterminée avec l’Assistance publique - hôpitaux de Paris pour exercer les fonctions d’animateur scolaire à compter du 1er avril 1997 ; que par lettre du 7 janvier 2000, reçue par l’intéressé le 13 janvier 2000, l’administration a convoqué M. X pour un entretien le 14 janvier 2000 et lui a précisé qu’une procédure de licenciement pour faute grave était engagée à son encontre, qu’une lecture des rapports relatifs à cette affaire lui serait faite et qu’il avait la possibilité de se faire accompagner de la personne de son choix ; que le licenciement est intervenu le jour même de l’entretien, soit le 14 janvier 2000; que dans ces conditions M.X. n’a pas été mis à même d’exercer son droit à obtenir communication de son dossier en temps utile; que l’intéressé soutient d’ailleurs sans être contredit qu’il n’a obtenu la communication de son dossier complet que par courrier de l’hôpital du 2 février 2000 ; qu’ainsi, le requérant est fondé à soutenir que son licenciement est intervenu selon une procédure irrégulière ; que, par suite, la décision du 14 janvier 2000 doit être annulée ;

- Sur la demande d’injonction:

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative "Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution”;

Considérant, en premier lieu, que l’annulation de la décision attaquée du 14janvier 2000 prononçant le licenciement de M.X  implique nécessairement la réintégration juridique de l’intéressé à la date de son éviction; que, toutefois le requérant, en l’absence de service fait, ne peut prétendre au rappel de son traitement mais est seulement fondé à demander à l’Assistance publique - hôpitaux de Paris la réparation du préjudice éventuellement subi du fait de son éviction; qu’en l’espèce, compte tenu du comportement agressif de l’intéressé avec les enfants, l’administration pouvait, sans erreur manifeste d’appréciation, prononcer son licenciement ; que, dans ces conditions, M. X ne saurait prétendre à l’octroi d’une indemnité en réparation du préjudice que lui aurait causé cette mesure ; que la demande présentée en ce sens doit, dès lors, être rejetée ;

Considérant, en deuxième lieu, que la réintégration juridique du requérant implique nécessairement que ses droits aux prestations de sécurité sociale et de retraite soient ouverts ; que, dès lors, il y a lieu de condamner l’Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser aux caisses de sécurité sociale et de retraite les cotisations afférentes aux périodes pendant lesquelles M. P. a été irrégulièrement évincé ;

Considérant, en troisième lieu, que l’annulation de la décision de licenciement de M. X  pour vice de procédure ne fait pas obstacle à ce que l’Assistance publique - hôpitaux de Paris engage à nouveau, dans des conditions régulières, une procédure disciplinaire et licencie à nouveau l’intéressé à une date qui ne saurait être antérieure à celle de la notification de cette nouvelle décision ; que, par suite, la demande de réintégration effective du requérant dans ses fonctions d’animateur doit être rejetée ;

- Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative “Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu ‘il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n'y a pas lieu à cette condamnation ” ; que l’article 43 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée autorise le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues par les dispositions précitées, la partie perdante au paiement d’une somme au titre des frais qu’il a exposés ; que l’article 37 de la même loi dispose: “(..) L ‘avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à i ‘article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge ” ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu’au paiement des seuls frais qu’il a personnellement exposés, à l’exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle confiée à son avocat, mais que l’avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu’il aurait réclamée à son client, si ce dernier n’avait eu l’aide juridictionnelle, à charge pour l’avocat qui poursuit, en, cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que l’avocat du requérant demande la condamnation de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative une somme égale au montant des frais exposés qu’il aurait réclamée à son client si ce dernier n’avait bénéficié d’une aide juridictionnelle partielle ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à sa demande à concurrence de 800 euros, sous réserve qu’il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle ;

Par ces motifs,

DECIDE:
Article 1er : La décision en date du 20 décembre 1999, par laquelle le directeur de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris a suspendu M. X  de ses fonctions d’animateur scolaire pour une durée d’un mois, est annulée.
Article 2: La décision en date du 14 janvier 2000, par laquelle le directeur de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris a licencié M. X pour faute grave à compter du 19 janvier 2000, est annulée.
Article 3 :Il est enjoint à l’Assistance publique - hôpitaux de Paris de prononcer la réintégration juridique de M.X à la date de son éviction irrégulière et de régulariser sa situation au regard des cotisations de sécurité sociale et de retraite au cours de la période d’éviction irrégulière.
Article 4 : L’Assistance publique - hôpitaux de Paris versera à la S.E.L.A.R.L. ACACCIA une somme de huit cents euros (800 €) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à raison de la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. X et à l’Assistance publique - hôpitaux de Paris.