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Tribunal administratif de Paris, 27 septembre 2012, n°1102943/6-1 (retard de diagnostic - responsabilité médicale - perte de chance)

 

En l'espèce, M. X a été hospitalisé pour une embolie pulmonaire dans le service de cardiologie d'un établissement de santé du 23 juin au 1er juillet 2009. A cette occasion, une échographie vésico-prostatique a été réalisée le 1er juillet 2009. Le compte rendu de cet examen n'a été communiqué à l'intéressé que fin août 2009. Le 9 septembre 2010, M. X a saisi l'établissement de santé d'une demande indemnitaire. Le 22 décembre 2010, cet établissement ne contestant pas sa responsabilité a présenté à M. X une offre d'indemnisation transactionnelle que ce dernier a réfusé. Souhaitant que l'établissement de santé soit condamné à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices ayant résulté pour lui du retard de transmission des résultats de ses examens qui ont entrainé un retard de diagnostic fautif, il saisit le Tribunal administratif.

Le juge administratif reconnaît que "si l'intéressé a subi le 2 novembre 2009 une résection endoscopique prostatique dont les suites ont été simples et dépourvues de toutes complications, il résulte de l'instruction qu'en raison de l'apparition de troubles urinaires au cours du mois de juillet 2009, M. X a présenté plusieurs épisodes douloureux et a dû procéder à de nouveaux examens ; que le délai dans la transmission des résultats de l'échographie réalisée le 1er juillet 2009 a, dès lors, retardé la mise en place d'une prise en charge adaptée, qui aurait permis de limiter, voire de prévenir, les souffrances endurées par M. X au cours de l'été 2009 ; qu'au demeurant l'établissement de santé ne conteste pas sa responsabilité ; que, par suite, le délai de transmission des résultats de l'échographie du 1er juillet 2009 est à l'origine d'une perte de chance pour l'intéressé d'éviter, à tout le moins, de limiter, les troubles dans les conditions d'existence subis ; que la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est manifestement réalisé peut être évaluée, dans les circonstances de l'espèce, à 50%".

L'hôpital est condamné à verser à M. X la somme de 500 euros.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS

N° 1102943/6-1

M.X

Mme Bobko Rapporteur

Mme Guilloteau Rapporteur public

Audience du 14 septembre 2012 Lecture du 27 septembre 2012

60-04-01-01-01 C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris,
(6esection - I ère chambre)

Vu la requête, enregistrée le 22 février 2011, présentée pour M. X, demeurant au (…), par Me Cassel ; M. Gangnery demande au tribunal :

1°) de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser une somme de 3 012 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait d'un retard de diagnostic ;

2°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- l'AP-HP ne lui a transmis les résultats de ses examens médicaux que le 27 août 2009 et le 3 septembre 2009, soit près de deux mois après leur réalisation ; ce délai est constitutif d'un retard de diagnostic fautif ;

- ce retard de diagnostic a conduit à une prise en charge tardive d'un adénome prostatique et a été la cause d'un résidu post-mictionnel important et d'une vessie de lutte responsable d'épisodes rétentionnels itératifs ;

- ses préjudices se décomposent comme suit : 112 euros au titre des frais d'hospitalisation demeurés à sa charge, 2 400 euros au titre des souffrances endurées et 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

Vu la demande préalable d'indemnisation en date du 9 septembre 2010 ;

Vu la mise en demeure adressée le 13 avril 2012 à l'AP-HP en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2012, présenté par l'AP-HP qui confirme sa proposition d'indemnisation et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête ;

L'AP-HP soutient que :

- le retard de transmission du compte rendu de l'échographie prostatique a fait perdre à M. X une chance de 15% d'éviter les souffrances résultant d'une prise en charge inadaptée ;

  • M. X était asymptomatique et le premier épisode de rétention aiguë a eu lieu 20 jours après sa sortie de l'hôpital ;
  • les urologues consultés par M.X, qui ont posé le bon diagnostic même en l'absence du compte rendu de l'échographie, auraient pu lui prescrire un traitement adapté dès le 20 juillet 2009 ;
  • il n'y avait aucune indication urgente à procéder à une résection de prostate chez un patient qui venait d'être hospitalisé pour une embolie pulmonaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2012 : - le rapport de Mme Bobko, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public ;

Considérant que M.X, alors âgé de quatre-vingt-cinq ans, a été hospitalisé pour une embolie pulmonaire dans le service de cardiologie de l'hôpital (…) (AP-HP) du 23 juin au ler juillet 2009 ; qu'à cette occasion une échographie vésico-prostatique a été réalisée le 1" juillet 2009 ; que le compte rendu de cet examen n'a été communiqué à l'intéressé que fin août 2009 ; qu'au cours de la période comprise entre juillet et fin août 2009, M. Xa présenté des complications urinaires ; que l'intéressé a été hospitalisé du 1 au 5 novembre 2009, au sein du groupe hospitalier la Croix-Saint-Simon, en vue d'une résection endoscopique de la prostate ; que les suites de cette intervention ont été simples ; que, par un courrier en date du 9 septembre 2010, M. X a saisi l'AP-HP d'une demande indemnitaire ; que le 22 décembre 2010, l'AP-HP a présenté à M. X une offre d'indemnisation transactionnelle, qu'il a refusée ; que, par la présente requête, M. X demande que

l'AP-HP soit condamnée à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices ayant résulté pour lui du retard de transmission des résultats de ses examens qui ont entraîné un retard de diagnostic fautif, qu'il évalue à la somme globale de 3 012 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique « I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. » ;

Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe alors à l'hôpital doit être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant que dans le cadre de son hospitalisation pour une embolie pulmonaire, M. X a fait l'objet, le 1er juillet 2009, d'une échographie prostatique, dont les résultats ne lui ont été transmis qu'à la fin du mois d'août 2009 ; que si l'intéressé a subi le 2 novembre 2009 une résection endoscopique prostatique dont les suites ont été simples et dépourvues de toutes complications, il résulte de l'instruction qu'en raison de l'apparition de troubles urinaires au cours du mois de juillet 2009, M.X a présenté plusieurs épisodes douloureux et a dû procéder à de nouveaux examens ; que le délai dans la transmission des résultats de l'échographie réalisée le ler juillet 2009 a, dès lors, retardé la mise en place d'une prise en charge adaptée, qui aurait permis de limiter, voire de prévenir, les souffrances endurées par M. X au cours de l'été 2009 ; qu'au demeurant l'AP-HP ne conteste pas sa responsabilité ; que, par suite, le délai de transmission des résultats de l'échographie du 1" juillet 2009 est à l'origine d'une perte de chance pour l'intéressé d'éviter, à tout le moins, de limiter, les troubles dans les conditions d'existence subis ; que la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé peut être évaluée, dans les circonstances de l'espèce à 50% ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice patrimonial :

Considérant que M. X soutient qu'une somme de 112 euros serait demeurée à sa charge, au titre de son hospitalisation au centre hospitalier de Saint-Jean de Maurienne ; que toutefois, il résulte de l'instruction que cette hospitalisation a été motivée par le développement d'une complication infectieuse suite aux auto-sondages prescrits par un médecin consulté au cours du mois de juillet ; que, dès lors, cette infection n'est pas en lien direct et certain avec le délai de transmission des résultats de l'échographie de l'intéressé ; que, par suite, aucune indemnisation ne peut être mise à la charge de l'AP-HP à ce titre ;

En ce qui concerne le préjudice extrapatrimonial :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le délai de transmission des résultats de l'échographie réalisée le ler juillet 2009 à M. X a rendu nécessaire la réalisation de nouveaux examens similaires à celui pratiqué le ler juillet 2009 et a retardé la mise en place d'une prise en charge adaptée à l'état de santé de l'intéressé ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de M X en fixant à 1 000 euros le préjudice correspondant ; qu'il y a lieu, compte tenu du taux de 50% défini précédemment, de condamner l'AP-HP à verser la somme de 500 euros à M.X;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité due par I'AP-HP à M. X s'élève à la somme de 500 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'AP-HP, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M.X et non compris dans les dépens ;

DECIDE:

Article 1  : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. X une somme de 500 (cinq cents) euros.

Article 2  : En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera à M. X la somme de 1 000 (mille) euros.

Article 3  : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 :  Le présent jugement sera notifié à M. X, à la société GMF, à la Mutuelle générale environnement et territoires et à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2012, à laquelle siégeaient :

Mine Jacquier, président,

M. Rohmer, premier conseiller, Mme Bobko, conseiller.

Lu en audience publique le 27 septembre 2012.

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.