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Tribunal administratif de Poitiers, 18 septembre 2013, n° 1201348 (Personnel médical - Temps de travail - Règlement intérieur - Obligations de service - Continuité des soins - Trop perçus de rémunération - Régularisation – Justification – Tableaux de service)

M. X., praticien hospitalier exerçant en temps continu et à temps plein au sein du service des urgences du centre hospitalier intercommunal (CHI) Y., a réalisé, au cours des trois quadrimestres de 2011, "respectivement 632,3 heures, 643 heures et 552 heures de travail effectif". Estimant que ses obligations de service s'élevaient à 666 heures, la direction lui a indiqué par courrier d'avril 2012, "qu'il n'avait pas accompli son temps de travail à hauteur de 170,7 heures", le constituant "redevable d'une somme de 5 420,28 euros". Le requérant demande l'annulation de cette décision, et du  « Guide de gestion du temps de travail des médecins et pharmaciens » sur le fondement duquel elle a été prise.

Rendue le même jour que la décision rejetant les recours en annulation de sept praticiens de cet établissement, dont M. X., contre ce Guide, le Tribunal rejette sa demande aux fins d'annulation du Guide, sur les mêmes fondements.

Toutefois, le Tribunal retient "qu'alors que M. X. soutient qu'aucun manquement ne lui est imputable au motif qu'il s'est conformé aux obligations définies par ces tableaux [de service], le CHI Y. se borne à produire des courriers adressés au requérant par lesquels il l'informait qu'il n'avait pas réalisé ses obligations de service au cours d'un quadrimestre donné et « l'invitait à régulariser sa situation » ; que, dans ces circonstances, le centre hospitalier n'établit pas que l'intéressé s'est soustrait aux obligations qui lui avaient été initialement fixées et qu'ainsi il pouvait opérer une retenue sur son traitement pour service non fait".

Le Tribunal prononce donc l'annulation de la décision d'avril 2012 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Y. a informé M. X. qu'il était redevable d'un trop-perçu de salaires.

 

 

Tribunal administratif

de Poitiers

 

N° 1201348

 

M. X.

 

M. Lacassagne

Rapporteur

 

M. Jaehnert

Rapporteur public

 

Audience du 4 septembre 2013

Lecture du 18 septembre 2013

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, sous le n° 1201348, présentée pour M. X., domicilié…, par Me Berrada, avocat ;

M. X. demande au tribunal :

1 °) de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle de savoir si le règlement intérieur du centre hospitalier intercommunal Y., en tant qu'il fixe à 48 heures par semaine les obligations de service des praticiens hospitaliers exerçant en temps médical continu, est conforme à la directive n° 9311041CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour ;

2°) d'annuler la décision du 26 avril 2012 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Y. l'a informé qu'il était redevable d'un trop-perçu de salaires d'un montant de 5 420,28 euros ainsi que le règlement intérieur de l'établissement ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier intercommunal Y. de mettre le règlement intérieur en conformité sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la notification du jugement ;

 

Le requérant soutient :

- s'agissant de la légalité interne de la décision du 26 avril 2012, que, pour apprécier le respect de ses obligations de service au cours de l'année 2001, le directeur du centre hospitalier ne pouvait se fonder sur le guide du temps de travail sans en faire une application illégalement rétroactive, celui-ci n'ayant été adopté qu'en juin 2011 ; qu'en toute hypothèse, le requérant a accompli l'intégralité de ses obligations de service prévues au tableau mensuel nominatif, celui-ci fixant, aux termes de la circulaire du 6 mai 2003, les obligations des intéressés ; que, comme le chef de pôle des urgences l'a indiqué, les obligations de service des médecins urgentistes sont fixées à 1 820 heures annuelles et il en a accompli davantage ; que le directeur du centre hospitalier ne tirait d'aucun texte la possibilité de fixer ces obligations à 1 996,8 heures ;

 

- s'agissant de l'exception d'illégalité du règlement intérieur :

* que le règlement intérieur méconnaît la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993, le « cadrage national relatif à l'aménagement du temps de travail des médecins, pharmaciens et odontologistes hospitaliers », l'article R. 6152-27 du code de la santé publique et la circulaire DHOS du 6 mai 2003 en tant que ces dispositions fixent le temps de travail des praticiens hospitaliers urgentistes entre 35 et 48 heures hebdomadaires réparties en 10 demi-journées et qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer une quelconque durée moyenne ou légale de travail ; que la durée de 48 heures constitue un plafond qui intègre, selon l'article 6 (le la directive, les heures supplémentaires ;

* que la détermination ab initio d'une durée annuelle de temps de travail de 1 996,8 heures est entachée d'erreur de droit en ce que cette durée doit découler du tableau de service général destiné à définir l'organisation annuelle prévisionnelle des activités et le besoin de temps de présence médicale ; qu'elle contrevient au « cadrage national » et à la circulaire susmentionnés ; que le Conseil constitutionnel a censuré une disposition législative prévoyant des expérimentations relatives à l'annualisation du temps de travail des praticiens hospitaliers travaillant à temps partiel dans les collectivités d'outre-mer ; que les bulletins de salaire sont établis sur une base de 35 heures hebdomadaires, soit 151,67 heures mensuelles, alors que les dispositions contestées du règlement intérieur conduisent à fixer à 208 heures mensuelles les obligations de service, ce qui exclut les intéressés du bénéfice de la loi sur la réduction du temps de travail ;

* que l'obligation de reverser un trop-perçu de rémunération, déterminé sur la base d'une obligation annuelle de service de 1996,8 heures, méconnait la circulaire précitée du 6 mai 2003, conduit les intéressés à dépasser la limite hebdomadaire et exige d'eux un service de 208 heures mensuelles ;

 

Vu la mise en demeure adressée le 30 août 2012 au centre hospitalier intercommunal Y. ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2012, présenté par le centre hospitalier intercommunal Y. qui conclut au rejet de la requête ;

Le centre hospitalier fait valoir :

- s'agissant de l'opposabilité du guide et de la réalisation des obligations de service : que le guide n'a fait que reprendre les textes législatifs et réglementaires applicables depuis 2003 et n'a donc pas mis en place de règle nouvelle, de sorte que son application dès le 1er janvier 2011 ne viole pas le principe de non rétroactivité des actes administratifs ; qu'il résulte de la circulaire du 6 mai 2003, et notamment de l'institution de régularisations quadrimestrielles et annuelles, que le temps de travail d'un praticien hospitalier en service à organisation médicale en temps continu est de 48 heures hebdomadaires et que la circonstance que l'intéressé a effectué le temps prévu par le tableau de service ne suffit pas à attester qu'il a rempli ses obligations de service ; que le requérant a été averti à plusieurs occasions du déficit de temps de travail accompli au cours de l'année 2011 ;

- s'agissant de la fixation à 48 heures hebdomadaires de l'obligation de service des praticiens exerçant en temps continu : que la directive 2003/88ICE du 4 novembre 2003 prévoit, dans son article 22, la nécessité d'un accord du salarié pour travailler au-delà de 48 heures hebdomadaires, ce qu'appliquent la législation française et le centre hospitalier ; que le cadrage national, qui ne s'écarte pas de la directive, ne saurait prévaloir sur les textes réglementaires postérieurs ; que l'article R. 6152-27 du code de la santé publique se borne à limiter à 48 heures hebdomadaires les obligations de service et à autoriser au-delà un temps de travail additionnel, sur la base du volontariat ; que la circulaire du 6 mai 2003 fixe les obligations de service du requérant à 48 heures hebdomadaires ; que la circonstance que le guide empêcherait le recours aux heures supplémentaires, d'une part, est inopérante au regard du présent litige et, d'autre part, manque en droit ; qu'aucune disposition n'interdit l'annualisation du temps de travail, alors même qu'un contrôle de celui-ci est effectué sur la base d'un quadrimestre ; que l'obligation annuelle a été régulièrement déterminée sans prise en compte des périodes de congés ; que la décision du Conseil constitutionnel n'apporte rien à la solution du présent litige ; que le temps de travail étant déterminé par la circulaire du 6 mai 2003 et le guide, le requérant ne peut soutenir que son temps de travail pourrait évoluer entre 35 et 48 heures sans conséquence sur sa rémunération, alors d'ailleurs que, comme il bénéficie de 19 jours de RTT, ses obligations de service hebdomadaires ne peuvent être inférieures à 39 heures ; que le requérant n'a accompli, en 2011, que 76 gardes de 24 heures, contre 83 pour ses collègues ; que la mention du nombre d'heures de travail portée sur le bulletin de salaire n'a d'autre utilité que d'indiquer que l'intéressé est employé à temps plein ; que les praticiens concernés bénéficient de tous leurs jours de congés et de RTT de sorte que leur volume horaire annuel de service est de 1 996,8 heures, soit 166,4 heures par mois, et non 208 heures mensuelles ; que le temps de travail additionnel demeure optionnel et possible au-delà de 48 heures par semaine ; que la régularisation en cas de non réalisation du temps de travail annuel est conforme à la circulaire du 6 mai 2003 ;

 

Vu l'ordonnance en date du 27 février 2013 fixant la clôture d'instruction au 27 mars 2013 ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2013, présenté pour M. X., par Me Berrada, avocat, qui conclut aux mêmes fins que la requête et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Le requérant maintient ses précédents moyens et ajoute que, dans la mesure où l'article 6 de la directive 93/104ICE limite à 48 heures le temps de travail incluant les heures supplémentaires, les obligations de service en dehors de ces heures doivent nécessairement être inférieures à 48 heures ; que, dès lors que les textes ne fixent aucune durée minimum de travail, la retenue sur salaire est dépourvue de fondement ; qu'il n'est pas possible de comparer le temps de travail des praticiens exerçant en temps discontinu avec celui des praticiens exerçant en temps continu qui sont soumis à des obligations statutaires et des contraintes d'organisation différentes ; que la somme réclamée est entachée d'erreur de liquidation, le directeur du centre hospitalier s'étant fondé sur la valorisation des plages additionnelles de jour alors qu'il lui reproche de ne pas avoir rempli ses obligations de service à hauteur de 170,7 heures ; qu'aucun manquement n'est imputable au requérant qui s'est conformé aux obligations de service définies par les tableaux mensuels de présence et de garde ; qu'il ne se trouve pas dans la même situation statutaire que ses collègues du service des urgences, de sorte que le principe d'égalité ne lui est pas opposable ;

 

Vu l'ordonnance en date du 25 mars 2013 rouvrant l'instruction jusqu'au 25 avril 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 avril 2013, présenté par le centre hospitalier intercommunal Y. qui conclut comme précédemment ;

Le centre hospitalier maintient ses précédentes observations et ajoute que la fixation à 48 heures hebdomadaires des obligations de service est antérieure au guide de 2011 puisqu'elle apparaît dans une note du chef de service des urgences du 2 juillet 2008 ; qu'en se fondant sur la rémunération indiciaire perçue par le requérant au titre de l'année 2011, le reversement demandé aurait dû être 7 331,49 euros et non 5 420,58 euros ; que le Conseil d'Etat a admis, dans une décision de 2005, la possibilité de fixer la durée maximale à 48 heures hebdomadaires et d'effectuer des plages de temps de travail additionnel au-delà, sur la base du volontariat ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été renvoyée en formation collégiale par le magistrat délégué ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2013

-  le rapport de M. Lacassagne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jaehnert, rapporteur public ;

- et les observations de :

Me Berrada, avocat au barreau de Bordeaux, représentant M. X. ;

M. Z., directeur adjoint chargé de la direction de la clientèle, des finances et de l'informatique, représentant le centre hospitalier intercommunal Y. ;

 

1. Considérant que M. X., praticien hospitalier exerçant en temps continu et à temps plein au sein du service des urgences du centre hospitalier intercommunal (CHI) Y., a réalisé, au cours des trois quadrimestres de 2011, respectivement 632,3 heures, 643 heures et 552 heures de travail effectif ; que le centre hospitalier, estimant que ses obligations de service au cours de ces périodes s'établissaient à 666 heures, lui a, par courrier du 26 avril 2012, indiqué qu'il n'avait pas accompli son temps de travail à hauteur de 170,7 heures et l'a constitué redevable d'une somme de 5 420,28 euros ; que le requérant demande l'annulation de cette décision et du « Guide de gestion du temps de travail des médecins et pharmaciens » sur le fondement duquel elle a été prise ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la légalité du « Guide de gestion du temps de travail des médecins et pharmaciens » :

2. Considérant que le requérant doit être regardé comme ne contestant le guide litigieux qu'en tant qu'il fixe une obligation de service hebdomadaire de 48 heures et qu'il prévoit que, si un praticien n'a pas réalisé son temps de travail théorique annuel et ne souhaite pas le rattraper par des vacations supplémentaires, la régularisation du trop-perçu de rémunération intervient sur la première paye suivant le mois de constatation ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article 2, 9e"3e alinéa, de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique que les médecins, odontologistes et pharmaciens des établissements publics de santé ne sont pas soumis aux dispositions du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales mais que leur statut est établi par voie réglementaire ; qu'aux ternies de l'article R. 6152-27 du même code, pris pour l'application de l'article L. 6152-1 : « Le service hebdomadaire est fixé à dix dent/ journées, sans que la durée de travail puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. (...) / Lorsque l'activité médicale est organisée en temps continu, l'obligation de service hebdomadaire du praticien est, par dérogation au premier (1linéa, calculée en heures, en moyenne sur une période de quatre mois, et ne peut dépasser quarante-huit heures. / Le praticien peut accomplir, sur 1a base du volontariat au-delà de ses obligations de service hebdomadaires, un temps de travail additionnel donnant lieu soit à récupération, soit au versement d'indemnités de participation à la continuité des soins et, le cas échéant, d'indemnités de temps de travail additionnel (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 6152-26 : « (...) Les modalités selon lesquelles les praticiens régis par la présente section accomplissent leurs obligations de service sont précisées par le règlement intérieur de l'établissement. / Afin d'assurer la continuité des soins, 1 'organisation du temps de présence médicale, pharmaceutique et odontologique établie en ,fonction des caractéristiques propres aux dl ffel'entes structures est arrêtée annuellement par le directeur d'établissement après avis de la commission médicale d'établissement. Un tableau de service nominatif établi sur cette base, est arrêté mensuellement par le directeur sur proposition du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, (le l'unité, fonctionnelle ou d'une autre structure interne. » ; que la détennination du règlement incombe, conformément au 13° de l'article L. 6143-7 du même code, au directeur de l'établissement ;

4. Considérant qu'en arrêtant le « Guide de gestion du temps de travail des médecins et pharmaciens », le directeur du CHI Y. a, en vertu des compétences qui lui sont dévolues par le 13° de l'article L. 6143-7 et l'article R. 6152-26 du code de la santé publique, déterminé la durée du temps de travail et les modalités d'accomplissement des obligations de service des praticiens hospitaliers, afin d'assurer la continuité des soins ;

 

S'agissant de la fixation des obligations de service hebdomadaires :

5. Considérant que le requérant doit être regardé comme critiquant les dispositions litigieuses du règlement intérieur pour le motif que le directeur de l'établissement ne pouvait les astreindre à une obligation de service de 48 heures hebdomadaires ;

6. Considérant, en premier lieu, que la directive 931104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, invoquée par le requérant, a été abrogée par I'effet de l'article 27 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; qu'à supposer même que le requérant ait entendu soulever le moyen tiré de ce que le règlement intérieur méconnaitrait l'article 6 de cette dernière directive, les dispositions de celui-ci ont pour seul objet de fixer à 48 heures hebdomadaires la durée maximale du travail, et ne déterminent ni durée normale hebdomadaire, ni durée maximale mensuelle ; que M. X. ne peut utilement prétendre que la durée fixée par le règlement intérieur le conduirait à réaliser des heures supplémentaires contre sa volonté et sans nécessité de service dès lors qu'il résulte du 111 du règlement intérieur litigieux que le seul temps de travail qu'il peut lui être proposé de réaliser au-delà de ses obligations de service est le « temps de travail additionnel », effectué sur la base du volontariat et ouvrant droit soit à récupération soit à une rémunération spécifique ; qu'en outre, aux termes des dispositions de l'article 22 de la directive du 4 novembre 2003, qui reprennent celles de l'article 18 de la directive du 23 novembre 1993, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de quarante-huit heures est possible dès lors que le travailleur a donné son accord à un tel dépassement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le directeur du centre hospitalier n'était pas tenu de fixer les obligations hebdomadaires de service du requérant à un niveau inférieur à la durée maximale hebdomadaire du travail déterminée par la directive du 4 novembre 2003 ; que, par suite, et sans qu'il soit en tout état de cause nécessaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur ce point, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit donc être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 6152-27 précité du code de la santé publique se borne à fixer, pour les praticiens affectés à des services organisés en temps continu, une obligation de service qui ne peut excéder 48 heures mensuelles en moyenne sur quatre mois et à ouvrir la faculté, aux praticiens volontaires, de réaliser un temps de travail additionnel ; que, pour les raisons qui ont été exposées au point 6 ci-dessus, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, que M. X. prétend que les dispositions contestées du règlement intérieur conduisent à fixer à 208 heures mensuelles ses obligations de service ce qui l'exclut du bénéfice de la loi sur la réduction du temps de travail ; que, toutefois, sans qu'il y ait lieu de rechercher quelle durée mensuelle de ses obligations de service résulte des dispositions critiquées du règlement intérieur, l'intéressé bénéficie, aux termes du 2° de l'article R. 6152-35 du code de la santé publique d'un congé au titre de la réduction du temps de travail dans les conditions définies à l'article R. 6152-801 du même code ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

10. Considérant, enfin, que, d'une part, le « cadrage national relatif à l'aménagement du temps de travail des médecins, pharmaciens et odontologistes hospitaliers » constitue un protocole conclu entre les ministres chargés de l'emploi et de la solidarité et de la santé et des organisations syndicales de praticiens hospitaliers ; que, par suite, la méconnaissance de ses stipulations ne peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ; que, d'autre part, la circulaire du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées du 6 mai 2003, qui n'a pas été publiée sur le site prévu par le décret du 8 décembre 2008 et doit, de ce fait, être réputée abrogée à compter du mai 2009, ne peut, en tout état de cause, pas davantage être invoquée ; qu'enfin, la circonstance que les bulletins de salaire des praticiens hospitaliers exerçant en temps continu mentionneraient une durée de travail différente de celle résultant du règlement intérieur est sans incidence sur la légalité de celui-ci ;

 

S'agissant des modalités de régularisation des trop-perçus de rémunération :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 6152-23 du code de la santé publique : « Les praticiens perçoivent, après service fait, attesté par le tableau mensuel de service réalisé (...) : / 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés (...) ; / 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret. » ; qu'aux termes de l'article D. 6152-23-1 : «Les indemnités et allocations mentionnées au 2° de I 'article R. 6152-23 sont : / 1 ° Des indemnités de participation à la permanence des soins ou de réalisation de périodes de travail au-delà des obligations de service hebdomadaires / a) Des , rndennlités de sujétion correspondant au temps de travail effectué, clams le cadre des obligations de service hebdomadaires, la nuit, le samedi (1près-midi, le dimanche et les jours fériés ; / b) Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires ; / c) Des indemnités correspondant aux astreintes et aux déplacements auxquels elles peuvent donner lieu. / Les indemnités mentionnées aux deux alinéas précédents sont versées lorsque, selon le choix du praticien, le temps de travail additionnel, les astreintes et les déplacements ne foret pas l'objet d'une récupération (..) » ;

12. Considérant que M. X. conteste le règlement intérieur litigieux en ce qu'il dispose, dans son III : « (...) A l'issue du dernier quadrimestre de l'année, (...) si un praticien n'a pas réalisé son temps de travail théorique annuel (1 996,8 heures), et s'il ne souhaite pas rattraper ce temps par des vacations supplémentaires, le trop-perçu de l'année n-1 est prélevé sur lam'entière paye suivant le mois de constatation (...) » ;

13. Considérant, en premier lieu, que, comme indiqué au point 10 ci-dessus, le requérant ne peut utilement se prévaloir ni des termes du « cadrage national relatif à l'aménagement du temps de travail des médecins, pharmaciens et odontologistes hospitaliers » ni de ceux de la circulaire du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées du 6 mai 2003 ;

14. Considérant, en second lieu, que M. X. conteste les dispositions précitées du règlement intérieur au motif qu'elles procèdent à une régularisation annuelle des sommes versées au titre de la rémunération principale ; que les agents n'ont droit à rémunération qu'après service fait et l'autorité administrative est tenue de faire procéder au reversement des éléments de rémunération qui leur ont été versés à tort ; que, par suite, et dès lors qu'il résulte de ce qui a été jugé plus haut que le directeur du CHI Y. pouvait légalement fixer à 48 heures hebdomadaires les obligations de service des praticiens hospitalier exerçant en temps continu, le requérant n'est pas fondé à prétendre qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne sanctionne le non-accomplissement par un praticien hospitalier d'un temps de travail de 48 heures ; qu'en outre, le service des praticiens hospitaliers est défini au moyen d'un tableau de service arrêté par le directeur à titre prévisionnel avant sa période d'application puis arrêté comme état des services faits compte tenu d'éventuelles modifications ; que, dans ces circonstances, la détermination du temps de travail effectué est susceptible d'erreurs de liquidation qui ne sont pas créatrices de droit et appellent une régularisation ; que, celle-ci pouvant intervenir à tout moment dans la limite de la prescription du reversement de l'indu, M. X. n'est pas fondé à contester le règlement intérieur en tant qu'il prévoit une régularisation annuelle ;

15, Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et en tout état de cause, que M. X. n'est pas fondé à demander l'annulation du règlement intérieur ; que l'exception d'illégalité de ce règlement, soulevée par le requérant à l'encontre de la décision du 26 avril 2012, doit également être écartée ;

 

En ce qui concerne les vices propres de la décision du 26 avril 2012 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article 1 l de l'arrêté du 30 avril 2003: «Le tableau de service nominatif mensuel répartit les sujétions résultant de la participation il la permanence des soins par roulement entre les praticiens (...) et notamment celles attachées à la mise en place du repos quotidien et du repos de sécurité selon les dispositions respectives applicables aux différentes catégories (le personnels. / Ce tableau est arrêté avant le 20 de chaque mois, pour le mois suivant, par le directeur, sur proposition du chef de service (...) conformément à l'organisation du temps de présence médicale, pharmaceutique e! odontologique arrêtée annuellement par le directeur après avis de la commission médicale d'établissement. / Ce tableau comporte l'indication détaillée des périodes de temps de travail de jour et de nuit et d'astreinte à domicile, en précisant à chaque .fois le nom et la qualité du praticien qui en est chargé (..). Ce tableau est notifié aux chefs de service ( ..) concernés (...). Il est affiché dans les services (...) concernés. / Le directeur de l'établissement communique à chaque praticien l'extrait du tableau le concernant ( ..) » ;

17. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au directeur du centre hospitalier d'arrêter le tableau nominatif fixant les obligations mensuelles des praticiens ; qu'alors que M. X. soutient qu'aucun manquement ne lui est imputable au motif qu'il s'est conformé aux obligations définies par ces tableaux, le CHI Y. se borne à produire des courriers adressés au requérant par lesquels il l'informait qu'il n'avait pas réalisé ses obligations de service au cours d'un quadrimestre donné et « l'invitait à régulariser sa situation » ; que, dans ces circonstances, le centre hospitalier n'établit pas que l'intéressé s'est soustrait aux obligations qui lui avaient été initialement fixées et qu'ainsi il pouvait opérer une retenue sur son traitement pour service non fait ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. est fondé à demander l'annulation de la décision du 26 avril 2012 ;

 

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte

19.  Considérant que, eu égard à ses motifs, le présent jugement d'annulation n'implique pas que le directeur du centre hospitalier intercommunal Y. procède à une modification du règlement intérieur ; que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de M. X. doivent, par suite, être rejetées ;

 

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal Y. le versement à M. X. d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

 

DECIDE :

Article 1er: La décision du 26 avril 2012 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Y. a informé M. X. qu'il était redevable d'un trop-perçu de salaires est annulée.

Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal Y. versera à M. X. une somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X. est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. X. et au centre hospitalier intercommunal Y.