Par cet arrêt, l’assemblé plénière de la Cour de cassation a estimé que les jours de récupération acquis par un salarié au titre d’un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail et qui représentent la contrepartie des heures de travail qu’il a exécutées en sus de l’horairelégal ou de l’horaire convenu, ne peuvent être assimilés aux congés payés d’ancienneté auxquels il a droit en sus de ses congés légaux annuels. |
Cour de cassation
Assemblée plénière
Audience publique du vendredi 24 octobre 2008
N° de pourvoi: 07-42799
Publié au bulletin Cassation
M. Lamanda (premier président), président
SCP Gatineau, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par le Syndicat Syser CFDT de l'Hérault, venant aux droits du Syndicat commerce et services CFDT de l'Hérault, dont le siège est 474 allée Henri II de Montmorency, 34000 Montpellier,
contre l'arrêt rendu le 6 février 2007 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant au Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies Cogitis, dont le siège est 153 rue du Professeur Louis Viala, 34090 Montpellier cedex 02,
défendeur à la cassation ;
Le Syndicat commerce et service de l'Hérault CFDT s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile) en date du 13 mai 2002 ;
Cet arrêt a été cassé le 23 février 2005 par la chambre sociale de la Cour de cassation ;
La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Nîmes qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 6 février 2007 dans le même sens que la cour d'appel de Montpellier par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, M. le premier président a, par ordonnance du 22 février 2008, renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière ;
Le demandeur invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat du Syndicat Syser CFDT de l'Hérault ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, avocat du Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies Cogitis ;
Le rapport écrit de Mme Bardy, conseiller, et l'avis écrit de M. Duplat, premier avocat général, ont été mis à la dispositions des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 10 octobre 2008, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, M. Weber, Mmes Favre, Collomp, MM. Bargue, Gillet, Pelletier, présidents, Mme Bardy, conseiller rapporteur, MM. Joly, Peyrat, Lesueur de Givry, Mme Tric, MM. Gridel, Barthélemy, Falcone, Gérard, Finidori, Pronier, Mme Feydeau, conseillers, M. Duplat, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de Mme Bardy, conseiller, assisté de Mme Zylberberg, auditeur au service de documentation et d'études, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, de la SCP Gatineau, l'avis de M. Duplat, premier avocat général, auquel les parties invitées à le faire, ont répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 132-1 devenu L. 2221-2 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu qu'en cas de concours d'instruments conventionnels collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en matière de référé sur renvoi après cassation, que le 28 juin 1999, le Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies "Cogitis" a conclu deux accords d'entreprise "indissolublement liés l'un à l'autre", dont l'un réduisait le temps de travail de 39 heures à 33 heures en contrepartie de l'attribution de journées de récupération de temps de travail et l'autre fixait le nombre des jours de congés payés annuels ordinaires à 25 jours ouvrés par an ; que, faisant valoir que la convention collective dont l'article 23 prévoyait une augmentation du congé annuel légal en fonction de l'ancienneté du salarié, était plus favorable que ces accords, le syndicat commerce et services de l'Hérault CFDT a demandé la condamnation de l'employeur à en faire application dans l'entreprise ;
Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient qu'en cas de concours de conventions collectives, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être appliqué, que le caractère plus avantageux devait être apprécié globalement pour l'ensemble du personnel, avantage par avantage, qu'en l'espèce, les signataires des accords collectifs du 28 juin 1999 avaient estimé que la modification du nombre de jours de congés annuels participait à l'équilibre de leurs conventions, que le salarié était libre d'user à sa guise du temps rémunéré non ouvré, ce temps disponible ayant le même objet et procédant de la même cause, peu important qu'il soit attribué sous la qualification de jour de récupération ou jour de congés, que la comparaison entre les avantages démontrait que les salariés, même les plus anciens, bénéficieraient globalement d'un temps rémunéré non ouvré plus important que par le passé, qu'il s'agisse de jours de récupération ou de jours de congés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les jours de récupération, qui sont acquis par le salarié au titre d'un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail et représentent la contrepartie des heures de travail qu'il a exécutées en sus de l'horaire légal ou de l'horaire convenu, n'ont ni la même cause ni le même objet que les congés payés d'ancienneté auxquels il a droit, en sus de ses congés légaux annuels, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne le Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies Cogitis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies Cogitis, le condamne à payer la somme de 2 500 euros au Syndicat Syser CFDT de l'Hérault ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille huit.
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour le syndicat Syser CFDT de l'Hérault.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le syndicat SYSER CFDT de l'HERAULT, venant aux droits du syndicat commerce et service CFDT de l'HERAULT, de ses demandes tendant à ce que soit déclaré applicable au personnel COGITIS l'article 23 de la convention collective nationale SYNTEC du 15 décembre 1987, depuis le 1er octobre 1999, les congés d'ancienneté prévus par cet article devant s'ajouter aux congés ordinaires fixés par l'accord du 28 juin 1999, et tendant à ce que le syndicat mixte COGITIS soit condamné sous astreinte à appliquer les articles 12 et 13 de l'accord du 28 juin 1999 en tenant compte des congés d'ancienneté prévus par cet article.
AUX MOTIFS QUE l'alinéa 1er de l'article L.132-23 du Code du travail, dont la rédaction n'a pas été modifiée par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, dispose que : «La convention ou les accords d'entreprise ou d'établissements peuvent adapter les dispositions des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. La convention ou les accords peuvent comporter des dispositions nouvelles et des clauses plus favorables aux salariés» ; qu'en cas de concours de conventions collectives, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé ; que le caractère plus avantageux doit être apprécié globalement pour l'ensemble du personnel avantage par avantage ; que le préambule et l'article 1 de l'accord du 28 juin 1999 concernant les congés annuels stipulent que : « La SIAGE a signé le 16 décembre 1988 avec son délégué syndical un accord d'entreprise sur les congés annuels. La conclusion d'un nouvel accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail est indissolublement liée à l'adoption de nouvelles dispositions relatives aux congés annuels. Le présent accord annule et remplace donc l'accord d'entreprise du 28 décembre 1988. Etant lié à l'accord sur l'aménagement réduction du temps de travail, cet accord est applicable à partir du 1er octobre 1999, sous réserve d'application à cette date de cet accord RTT (…). Il est conclu comme l'accord RTT pour une durée indéterminée en étant indissolublement lié à celui-ci (aucune dénonciation ne pouvant concerner un de ces accords sans l'autre)» ; que les parties ont ainsi estimé que la modification du nombre de jours de congés annuels participait à l'équilibre de leurs conventions ; que dès lors que le salarié est libre d'user à sa guise du temps rémunéré non ouvré, ce temps disponible a le même objet et procède de la même cause, peu important qu'il lui soit attribué sous la qualification de jours de récupération ou de jours de congés ; que la comparaison de l'avantage résultant de l'application des accords du 28 juin 1999 démontre que même pour les salariés les plus anciens, le nombre de jours non ouvrés rémunérés est nettement plus élevé que dans le cas de l'application de l'accord de branche et de la convention SYNTEC ; qu'ainsi, sauf à ce que le juge du fond dise qu'un jour non ouvré rémunéré ne constitue pas le même avantage pour un salarié selon qu'il le tient du temps de récupération ou du temps de congé annuel, le syndicat CFDT ne fait pas la démonstration que le refus d'application de l'article 23 de la convention SYNTEC constitue un trouble manifestement illicite ; que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté ses demandes.
ET AUX MOTIFS adoptés QUE le protocole d'accord du 28 juin 1999 concernant les congés annuels et les jours fériés contient un préambule ainsi rédigé : « La SIAGE a signé le 16 décembre 1988 avec son délégué syndical un accord d'entreprise sur les congés annuels. La conclusion d'un nouvel accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail est indissolublement liée à l'adoption de nouvelles dispositions relatives aux congés annuels. Le présent accord annule et remplace donc l'accord d'entreprise du 28 16 décembre 1988 ; que l'article 1er ajoute : «Etant lié à l'accord sur l'aménagement réduction du temps de travail, cet accord est applicable à partir du 1er octobre 1999, sous réserve d'application à cette date de cet accord RTT… Il est conclu comme l'accord RTT pour une durée indéterminée en étant indissolublement lié à celui-ci (aucune dénonciation ne pouvant concerner un de ces accords sans l'autre)» ; qu'il en résulte que l'accord sur les congés annuels ne peut être envisagé séparément de l'accord sur l'ARTT ; que la lecture du préambule ne permet pas de considérer que le lien entre les deux accords soit limité à leur entrée en vigueur et à leur durée ; que la dénonciation de l'accord précédent du 16 décembre 1988 ne pouvait se justifier qu'en prenant en considération la situation résultant des deux accords combinés du 28 juin 1999 ; qu'une telle dénonciation n'aurait jamais été consentie par le délégué syndical si elle n'avait pas été compensée par la situation globalement plus favorable obtenue au titre de l'ARTT ; qu'il n'est pas déterminant que deux accords différents aient été signés le même jour, aucune des parties n'ayant été en mesure à l'audience de préciser de manière convaincante le motif d'un tel dispositif qui semble reproduire simplement ce qui existait auparavant ; que s'il est vrai qu'à défaut de cumul, la comparaison de la nouvelle situation avec la situation antérieure doit s'effectuer avantage par avantage pour vérifier si elle est plus favorable, il n'apparaît pas que procèdent à cet égard d'une négociation de nature différente la durée du travail et celle plus spécifique des congés annuels ; que l'acceptation d'une réduction de 35 à 25 jours de ces derniers a d'ailleurs été consentie par l'organisation syndicale signataire en considération d'une diminution de la durée quotidienne de travail à 33 heures et des droits à récupération qui en résultaient, dès lors que la journée de travail restait fixée à 8 heures ; qu'il n'existe aucun motif de considérer qu'échappe à cette appréciation d'ensemble et que doit être analysé comme un avantage de nature différente le point plus spécifique de la bonification des congés annuels en considération de l'ancienneté de chaque salarié ; qu'il était donc possible pour les parties de ne pas réintroduire cette bonification le 28 juin 1999, en dépit de la dénonciation de l'accord du 16 décembre 1988 ; qu'elles n'aient pas expressément écarté l'application du titre IV de la convention SYNTEC ne suffit pas a démontrer le bien fondé de l'argumentation du syndicat CFDT ; que cette convention n'a été appliquée au sein de l'entreprise que pendant la courte période d'un an qui a séparé son adoption de l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise du 16 décembre 1988 ; que ce dernier accord s'appliquait en revanche depuis dix ans lorsqu'ont été entreprises les négociations sur l'ARTT et qu'il a pu être omis de faire figurer à cet égard dans les conventions du 28 juin 1999 une clause spécifique, quelle qu'en soit la teneur, sans qu'il y ait lieu d'en tirer des déductions définitives sur la commune intention des parties lors de leur négociation ; qu'en l'absence de toute production de document de part ou d'autre permettant de préciser cette commune intention ; qu'il ne peut être estimé qu'il soit justifié d'un trouble manifestement illicite du seul fait de la non application d'une bonification de congés liée à l'ancienneté ; qu'il suit que les prétentions du syndicat CFDT ne peuvent être accueillies en référé.
ALORS QUE, au cas où deux conventions collectives ou accords collectifs sont applicables, il convient de n'appliquer que le plus avantageux d'entre eux, le caractère plus avantageux devant être apprécié globalement, pour l'ensemble du personnel, avantage par avantage ; qu'après avoir justement rappelé ce principe, la Cour d'appel a cru pouvoir retenir, pour débouter le syndicat de ses demandes, que «dès lors que le salarié est libre d'user à sa guise du temps rémunéré non ouvré, ce temps disponible a le même objet et procède de la même cause, peu important qu'il lui soit attribué sous la qualification de jours de récupération ou de jours de congés» ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel qui a pris en considération des jours de récupération ayant un objet autre que l'avantage revendiqué, a violé l'article L.132-23 du Code du travail dans sa rédaction alors en vigueur et le principe fondamental, en droit du travail, selon lequel en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application.