En l’espèce, un patient a subi un drainage pleural sous anesthésie locale dans les suites d’une greffe hépatique. Ce patient a alors saisi le tribunal administratif en invoquant le fait d’avoir ressenti d’importantes douleurs lors des ponctions qui n’auraient pas été prises en considération par l’équipe médicale et soutenait que cette intervention aurait dû être pratiquée sous anesthésie générale. Par ce jugement, le tribunal a considéré que le geste du praticien lors de la mise en place du drain pleural, lequel a été réalisé sans que soient administrés de manière adaptée les antalgiques nécessaires compte tenu de la douleur ressentie et exprimée par le patient, est constitutif d’une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.
5ème Chambre
N°0801555
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. X
M. Sorin
Conseiller rapporteur
Mme Blin
Rapporteur public
Audience du 1er décembre 2010
Lecture du 12 janvier 2011
Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2008, présentée pour M. X, demeurant (...)
; M. X demande au tribunal :
- de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser la somme de 20 000 € en réparation des conséquences dommageables de l’intervention réalisée à l’hôpital Pellegrin le 7 avril 2006 ;
- de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Bordeaux la somme de 1 500 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu le mémoire, enregistré le 24 avril 2008, présenté par la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde qui indique n’avoir aucune créance à faire valoir dans la présente instance ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 août 2008, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, par Me Lief, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à une réduction des prétentions indemnitaires de M. X à une somme maximale de 1 000 € ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 6 août 2007 portant taxation des frais et honoraires de l’expertise ordonnée en référé le 26 mars 2007 à la somme de 446,80 € ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 18 novembre 2009 ;
Vu la demande préalable présentée par M. S le 10 janvier 2008 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2010 :
- le rapport de M. Sorin, premier conseiller ;
- les observations de Me Desporte, substituant Me Landete, pour M. X ;
- les observations de Me Gravelier pour le centre hospitalier universitaire de Bordeaux ;
- et les conclusions de Mme Blin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Landete pour M. X et à Me Gravelier pour le centre hospitalier universitaire de Bordeaux ;
Considérant que le 7 avril 2006 M. X, alors âgé de 50 ans, a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Bordeaux pour y subir un drainage pleural ; qu’à l’occasion de cette intervention, lors de la pose du drain, M. X indique avoir ressenti d’importantes douleurs qui n’auraient pas été prises en considération par l’équipe médicale ; que M. X demande au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à réparer les conséquences dommageables de ce traumatisme qu’il impute à un acte médical fautif ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expertise médicale ordonnée en référé, que l’intervention litigieuse réalisée le 7 avril 2006 au sein du service d’imagerie médicale de l’hôpital Pellegrin du centre hospitalier universitaire de Bordeaux a conduit à la pose d’un drain et à la réalisation de deux ponctions dans le but d’évacuer le liquide pleural qui s’était formé à la suite de la greffe hépatique dont M. X avait bénéficié en février de la même année ; que si M. X soutient que cette intervention, pratiquée sous anesthésie locale, aurait dû être réalisée sous anesthésie générale, le rapport d’expertise précise que l’anesthésie générale n’est habituellement jamais utilisée lors de la mise en place d’un drain pleural qui constitue « un geste médical bref et peu invasif pour lequel une anesthésie générale apparaîtrait disproportionnée » ; que l’expert ajoute que, dans les circonstances de l’espèce, l’anesthésie locale administrée à M. X a été réalisée conformément aux règles de l’art ; que, par suite, la circonstance que lors de la consultation pré-anesthésique réalisée le 6 avril 2006, le praticien anesthésiste ait pu indiquer que le recours à une anesthésie générale pouvait être envisagé, n’est pas en elle-même de nature à révéler une faute médicale dans la prise en charge de M. X ; que toutefois, l’intéressé soutient avoir ressenti et signalé d’importantes douleurs lors de la pose du drain pleural sans que l’équipe médicale ne prenne en compte ses doléances pourtant clairement manifestées ; que l’expert retient ainsi comme vraisemblable le fait que « l’utilisation des antalgiques, à ce moment là, n’ait pas été à la hauteur de ce que ressentait le patient » ; que d’ailleurs le médecin responsable du service d’imagerie médicale a reconnu, lors d’une réunion de conciliation réalisée le 6 septembre 2006, que la prescription antidouleur de M. X avait été insuffisante ; qu’ainsi, le geste du praticien lors de la mise en place du drain pleural, lequel a été réalisé sans que soient administrés de manière adaptée les antalgiques nécessaires compte tenu de la douleur ressentie et exprimée par M. X, est constitutif d’une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Bordeaux ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à demander l’indemnisation du préjudice résultant de l’insuffisante prise en charge de sa douleur lors de l’intervention litigieuse ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que pour évaluer son préjudice indemnisable, M. X ne saurait se prévaloir de la reconnaissance par l’expert d’un taux d’incapacité permanente partielle de 10 % dès lors que celui-ci est sans lien direct avec le drainage pleural objet du présent litige ; qu’il ressort, en effet, du rapport d’expertise que ce taux d’incapacité permanente partielle concerne les seules séquelles respiratoires consécutives à l’hémopneumothorax dont l’intéressé avait été victime dans les suites de la greffe hépatique réalisée en février 2006 ; qu’en outre, il résulte de l’instruction que le préjudice esthétique retenu par l’expert dans son rapport vise uniquement la cicatrice résultant d’une intervention de thoracotomie qui avait été pratiquée antérieurement aux ponctions pleurales en cause du 7 avril 2006 et pour laquelle M. X n’a pas entendu rechercher la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Bordeaux dans le présent litige ; que, par suite, M. X n’est pas fondé à solliciter une indemnisation au titre de ces deux chefs de préjudice ;
Considérant, en second lieu, que le rapport d’expertise a évalué les souffrances physiques de M. X à 2 sur une échelle de 7 ; qu’il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser la somme de 1 000 € ;
Sur les frais d’expertise :
Considérant que les frais de l’expertise, liquidés et taxés à la somme de 446,80 €, sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Bordeaux ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à verser à M. X une somme de 1 000 € au titre des frais qu’il a exposés, non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Bordeaux est condamné à verser à M. X une indemnité de 1 000 €.
Article 2 : Les frais de l’expertise, liquidés et taxés à la somme de 446,80 €, sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Bordeaux.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Bordeaux versera à M. X une somme de 1 000 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. X, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde et au centre hospitalier universitaire de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2010, à laquelle siégeaient :
Mme Roca, président,
M. Sorin, premier conseiller,
Mme Brouard-Lucas, premier conseiller,
Lu en audience publique le12 janvier 2011.