Une élève infirmière de troisième année a fait dans un premier temps l'objet, par une décision de la directrice de l'Institut de formation en soins infirmiers, d'une suspension de stage à compter du 16 juin 2008 puis d'une exclusion définitive de l'Institut de formation, par une décision du 29 juillet 2008. Elle demande au juge d'annuler cette décision. Le jugement rendu rejette les uns après les autres ses arguments de contestation, et notamment son argument relatif à la discrimination dont la requérante supposait avoir fait l'objet : "considérant que si le jury qui a eu à statuer sur l'épreuve pratique complémentaire effectuée par la requérante a souligné que le fort accent de l'intéressée ainsi que la rapidité avec laquelle ses exposés étaient formulés les rendaient difficilement compréhensibles, il ressort des pièces du dossier, et notamment des appréciations formulées au cours du stage effectué en 2006 au sein du service de gériatrie faisant état des problèmes d'expression orale de la requérante, qu'il s'est borné, dans le cadre de l'appréciation globale effectuée sur les aptitudes de la requérante, à faire état de cet accent en tant qu'il a rendu la présentation de l'intéressée incompréhensible et non en tant qu'il aurait révélé l'origine de celle-ci ; que, par suite, cette référence à un accent n'entache pas l'avis rendu d'un détournement de pouvoir lié aux origines de la requérante".
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS
(Sème Section - 2ème Chambre) Rapporteur public
Audience du 16 décembre 2010 Lecture du 22 décembre 2010
30-02-05-07
- d'annuler la décision en date du 29 juillet 2008 par laquelle la directrice de l'Institut de formation en soins infirmiers l'a définitivement exclue de l'Institut ;
- de mettre à la charge de l'Assistance publique—Hôpitaux de Paris la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu l'arrêté du 30 mars 1992 relatif aux conditions de fonctionnement des centres de formation en soins infirmiers ;
Vu l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
Vu l'arrêté du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 18 mars 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2010 ; - le rapport de M. Dubois ;
- les conclusions de M. Huc, rapporteur public ;
Considérant que Mme B, élève de troisième année au sein de l'Institut de formation en soins hospitaliers de l'hôpital a fait l'objet, par une décision de la directrice de l'Institut, d'une suspension du stage qu'elle effectuait au service d'urologie à compter du 16 juin 2008 ; que, par une décision du 29 juillet 2008, la directrice l'a exclue définitivement du centre de formation ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que la décision comporte la mention des voies et délais de recours et mentionne expressément la possibilité de former un recours gracieux ; que par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'absence de mention suffisante des voies et délais de recours manque en fait ;
Considérant que la décision querellée mentionne l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007 susvisé et comporte les éléments de fait tirés de ce qu'au cours de l'évaluation pratique complémentaire effectuée à la demande du conseil pédagogique de l'institut, l'intéressée a commis des erreurs dans la dispensation des traitements et a fait preuve d'incapacité à identifier les problèmes majeurs des patients ; que, par suite, la décision querellée est suffisamment motivée en fait et en droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de l'arrêté susvisé du 21 avril 2007 : « Le conseil pédagogique est notamment consulté pour avis sur : / 6. Les situations individuelles : (...) / d) Etudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge. Dans ce cas, le conseil pédagogique peut proposer une des possibilités suivantes : alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou le soumettre à une évaluation théorique et/ou pratique complémentaire en situation simulée au sein de l'institut selon des modalités fixées par le conseil. A l'issue de cette évaluation, le directeur de l'institut décide de la poursuite de la formation ou de l'exclusion définitive de l'institut de formation ; / (...) / La décision prise par le directeur de l'institut de formation est notifiée par écrit à l'étudiant, dans un délai maximal de cinq jours après la réunion du conseil pédagogique » ;
Considérant qu'il ne résulte pas de ces dispositions que la décision d'exclusion de 1-institut de formation aurait dû intervenir dans un délai de cinq jours à compter de l'avis formulé par le conseil pédagogique ; qu'il ressort des pièces du dossier que par une décision 3 juillet 2008 notifiée en main propre le jour même à l'intéressée, la directrice de l'institut a informé Mme B de l'avis émis le 30 juin 2008 par le conseil pédagogique décidant de la soumettre à une évaluation pratique complémentaire ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions susmentionnées ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la décision décidant de soumettre Mme B a une épreuve complémentaire le 21 juillet 2008, lui a été notifiée le 3 juillet 2008 ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision du 1 1 juillet notifiée le 18 juillet n'a fait que préciser les spécialités sur lesquelles porterait l'épreuve ; que, dès lors, et en tout état de cause, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été avertie trop tardivement pour pouvoir préparer l'épreuve à laquelle elle était convoquée ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle la directrice de l'institut en soins infirmiers a exclu l'intéressée de la formation a été prise au motif que l'étudiante s'est trompée dans la dispensation des traitements et s'est montrée incapable d'identifier les problèmes majeurs des patients ; que cette épreuve complémentaire pratique a été justifiée par l'erreur commise par l'étudiante au cours de son stage en urologie, consistant à procéder à une ablation de sonde vésicale chez un patient pour lequel il lui avait été demandé de retirer des traces de colle sur l'abdomen, ablation susceptible d'entrainer une incontinence totale et définitive du patient, si l'infirmière en charge de l'encadrement, à qui l'intéressée n'avait de surcroît pas immédiatement transmis son soin, n'était pas intervenue ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait qui entacherait la décision ne peut qu'être écarté ;
Considérant que la requérante fait valoir qu'elle a obtenu des appréciations favorables pendant sa formation à l'institut, des bonnes notes au cours de la mise en situation professionnelle organisée en 2007 et qu'elle est titulaire du diplôme d'Etat d'infirmier tunisien ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle a obtenu une note de 6,08 dans le cadre de la mise en situation professionnelle de 2007 au cours de laquelle elle a effectuée sa troisième année, qu'elle a au demeurant redoublée ; que les observations formulées au cours des stages effectués en 2006 dans le service de gériatrie et en 2007 dans le service de pédiatrie font état respectivement de ce que son niveau actuel ne correspond pas à celui d'une élève de deuxième année et d'un manque de connaissances; que si elle allègue l'insuffisance d'encadrement, elle ne l'établit pas ; que, dès lors, et eu égard aux motifs susmentionnés de la décision attaquée, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation, à le supposer invoqué, commise par la directrice de l'institut de formation en soins hospitaliers doit être écarté ;
Considérant que si le jury qui a eu à statuer sur l'épreuve pratique complémentaire effectuée par la requérante a souligné que le fort accent de l'intéressée ainsi que la rapidité avec laquelle ses exposés étaient formulés les rendaient difficilement compréhensibles, il ressort des pièces du dossier, et notamment des appréciations foi iliulées au cours du stage effectué en 2006 au sein du service de gériatrie faisant état des problèmes d'expression orale de la requérante, qu'il s'est borné, dans le cadre de l'appréciation globale effectuée sur les aptitudes de la requérante, à faire état de cet accent en tant qu'il a rendu la présentation de l'intéressée incompréhensible et non en tant qu'il aurait révélé l'origine de celle-ci ; que, par suite, cette référence à un accent n'entache pas l'avis rendu d'un détournement de pouvoir lié aux origines de la requérante ;
Considérant que si la requérante fait valoir qu'elle n'a pas été évaluée sur toutes ses compétences, elle n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé ;
Considérant que si la requérante soutient que la composition du jury n'a pas obéi à
« usage » voulant que soient présents des médecins spécialistes accompagnés de formateurs, elle n'invoque au soutien d'une telle argumentation aucune règle de droit susceptible de faire regarder la composition du jury comme irrégulière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers a exclu Mme B de la scolarité doivent être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
Considérant qu'en l'absence de toute illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions aux fins d'indemnisation de la requérante ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme B au titre des frais non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article l: La requête de Mme A. B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A.B et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2010, à laquelle siégeaient :
M. Laurent, président,
Mme Thibau-Lévêque, premier conseiller,
M. Dubois, conseiller,
Lu en audience publique le 22 décembre 2010.