Cour de discipline budgétaire et financière
2nde section
Arrêt du 15 décembre 2006,
Centre hospitalier d'Ambert
N° 156-532
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
Siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre Ier du livre III relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 24 janvier 2002, enregistrée le 31 janvier 2002 au ministère public près la Cour, par laquelle la chambre régionale des comptes d'Auvergne a déféré à la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités supposées dans la gestion du Centre hospitalier d'Ambert (Puy-de-Dôme) ;
Vu le réquisitoire du Procureur général prés la Cour des comptes, en date du 13 janvier 2003, saisissant le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière desdites irrégularités ;
Vu la décision du 31 janvier 2003 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Stéphane Israël, auditeur à la Cour des comptes ;
Vu la lettre recommandée en date du 1er mars 2005 par laquelle le Procureur général a avisé M. X..., ancien directeur du centre hospitalier d'Ambert, de sa mise en cause, dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code susvisé, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu le réquisitoire complémentaire du Procureur général en date du 4 juillet 2005 ;
Vu la lettre recommandée en date du 4 juillet 2005 du Procureur général transmettant M. X... le réquisitoire complémentaire, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 21 juin 2006, transmettant au Procureur général le dossier de l'affaire, après dépôt du rapport d'instruction, conformément aux dispositions de l'article précité ;
Vu la lettre du Procureur général en date du 30 juin 2006 informant le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision de poursuivre la procédure, en application de l'art. L. 314-4 du code susvisé ;
Vu les lettres du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 4 juillet 2006 transmettant le dossier au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la santé et des solidarités en application de l'article L. 314-5 du même code, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu l'avis du ministre de la santé et des solidarités en date du 3 août 2006 ;
Vu la lettre du 28 août 2006 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis au Procureur général le dossier de l'affaire, conformément à l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du Procureur général en date du 7 septembre 2006 renvoyant M. X... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l'article L. 314-6 du code susvisé ;
Vu la lettre recommandée du greffier suppléant de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 7 septembre 2006, avisant M. X... de la possibilité de prendre connaissance du dossier de l'affaire, dans les conditions prévues à l'article L. 314-8 du code susvisé, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la lettre recommandée de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 21 septembre 2006, citant M. X... à comparaître devant la Cour, ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu le mémoire en défense présenté par Maître Fouré pour M. X..., déposé et enregistré le 3 novembre 2006 au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d'audition et le rapport d'instruction de M. Israël ;
Entendu le rapporteur, M. Israël, résumant son rapport écrit ;
Entendu le Procureur général en ses conclusions ;
Entendu en sa plaidoirie Maître Fouré, et en ses explications et observations M. X..., l'intéressé et son conseil ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la Cour
Considérant que le Centre hospitalier d'Ambert, établissement public local de santé, est soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes d'Auvergne ;
Considérant qu'en conséquence, M. X..., directeur dudit centre hospitalier au moment des faits, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière au titre de l'article L. 312-1-1-c du code des juridictions financières, lequel vise tout représentant, administrateur ou agent des organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale des comptes ;
Sur l'absence d'avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Considérant que l'absence de réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la demande d'avis formulée le 4 juillet 2006, dans le délai d'un mois qui lui avait été imparti, ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
1. Sur le versement de primes pour gardes et astreintes à certains préposés de l'établissement
Sur la prescription
Considérant qu'en vertu de l'article L. 314-2 du code des juridictions financières, la Cour ne peut être saisie après l'expiration d'un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l'application des sanctions prévues par les articles L. 313-1 et suivants dudit code ; qu'en l'espèce, le déféré de la chambre régionale des comptes d'Auvergne a été enregistré au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 31 janvier 2002 ; qu'ainsi la Cour est valablement saisie, s'agissant du versement de primes pour gardes et astreintes, de tous faits postérieurs au 31 janvier 1997 ;
Sur les faits
Considérant que, entre février 1997 et mars 2001, les treize praticiens spécialistes du centre hospitalier ont été rémunérés, au titre de leurs astreintes, sur tout ou partie de la période susvisée, selon un régime forfaitaire égal au plafond fixé par l'arrêté du 15 février 1973 modifié ou proche de lui, et non sur la base des services réellement effectués ;
Considérant que, au cours de la même période, ces versements sont intervenus en l'absence des divers documents ou pièces justificatives dont la tenue était pourtant imposée par l'arrêté du 15 février 1973 modifié ; que faisaient en particulier défaut le tableau mensuel général de service prévu par l'article 12 de cet arrêté, le carnet à double feuillet destiné à retracer les gardes à domicile prévu par l'article 17 ainsi que l'état récapitulatif des participations au service de garde prévu par l'article 18 ; que l'absence de ces pièces était de nature à empêcher d'une part tout contrôle de l'ordonnateur sur la réalité du service fait, alors qu'il doit la certifier sous sa responsabilité en application de l'article 7 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, et d'autre part tout contrôle du comptable sur la validité de la créance ; que seul était tenu le tableau mensuel nominatif de participation au service de garde retraçant les gardes et astreintes prévues pour le mois suivant ;
Considérant qu'il a été mis un terme à la rémunération forfaitaire des astreintes à compter du mois d'avril 2001 ; que, cependant, le carnet à double feuillet prévu par l'article 17 de l'arrêté du 15 février 1973 puis l'article 20 de l'arrêté du 14 septembre 2001 n'a été mis en place qu'au printemps 2005 ;
Considérant en outre que la totalité des astreintes à domicile effectuées par les médecins spécialistes a été classée comme relevant de la catégorie des astreintes opérationnelles, alors que cette qualification devrait être réservée, en application de l'article 15 de l'arrêté du 15 février 1973 modifié et de l'article 17-2-A de l'arrêté du 14 septembre 2001, aux disciplines qui exigent une présence médicale constante ; que cette méconnaissance des règles s'est poursuivie après 2001 ;
Considérant que l'ensemble de ces irrégularités tombe sous le coup de l'infraction prévue par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières, Ies règles d'exécution des dépenses du centre hospitalier ayant été méconnues ;
Considérant en revanche qu'il ne résulte pas de l'instruction que la rémunération due aux médecins eût été sensiblement différente si la réglementation avait été respectée, de sorte qu'il n'est pas établi avec certitude que ces irrégularités ont de surcroît conduit à l'octroi d'un avantage injustifié à autrui au préjudice de l'établissement, au sens de l'infraction prévue à l'article L. 313-6 du code des juridictions financières ;
Sur les responsabilités
Considérant que, en méconnaissance des obligations qui lui incombaient en matière d'organisation de ses services, M. X..., directeur du centre du 20 janvier 1997 au 2 janvier 2004, a laissé perdurer une pratique initiée par son prédécesseur, en la généralisant alors que son successeur y a mis fin ; qu'en sa qualité d'ordonnateur, il a ainsi systématisé au profit des médecins spécialistes une modalité de rémunération des astreintes qui est contraire aux prescriptions réglementaires résultant de l'arrêté du 15 février 1973 modifié, et qui, en l'absence de contrôle précis du service fait, ne se conforme pas aux règles générales de la comptabilité publique ;
Considérant qu'il ressort de ce qui précède que M. X... doit être tenu pour responsable des irrégularités précitées, au titre de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant toutefois que ces errements ont été inspirés par le souci d'attirer et retenir des praticiens dans un établissement géographiquement excentré afin d'assurer le bon fonctionnement du service public hospitalier dans une zone souffrant d'une pénurie de médecins ; que le schéma régional d'organisation des soins (SROS), applicable au centre hospitalier d'Ambert au moment des faits lui assignait des objectifs ambitieux de maintien d'un plateau technique complet et de continuité du service ; que dans ce contexte difficile, M. X... a cherché à améliorer le service public dont il était en charge et à respecter les objectifs qui lui étaient assignés par le SROS ; que des irrégularités analogues ont d'ailleurs été constatées dans d'autres centres hospitaliers de la région ;
Considérant qu'il n'est toutefois pas totalement établi que l'objectif de continuité et de bon fonctionnement du service public hospitalier, prévu notamment par les articles L. 6111-1, L. 6111-2 et L. 6112-2 du code de la santé publique, n'aurait pas pu être atteint dans le respect des règles ; qu'en outre M. X... n'a pas informé le conseil d'administration ni ses tutelles des difficultés auxquelles il devait faire face ; que l'évolution ultérieure de la réglementation qui a autorisé un mode de rémunération forfaitaire des astreintes est sans incidence sur l'existence des irrégularités précitées et de la responsabilité de l'ordonnateur ; que l'ensemble de ces éléments s'oppose à ce que les circonstances invoquées par M. X... puissent revêtir le caractère d'une excuse absolutoire ;
Considérant en revanche que le contexte difficile de l'établissement et la nécessité d'assurer la continuité du service public hospitalier constituent des circonstances atténuantes de responsabilité ; qu'il en va de même des efforts entrepris par M. X... pour améliorer, à partir de 2001, les procédures de suivi du service fait, tout comme des qualités professionnelles de l'intéressé, reconnues par sa hiérarchie ;
2. Sur l'attribution d'une double rémunération à un médecin mis à la disposition de l'hôpital par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand
Sur la prescription
Considérant qu'en vertu de l'article L. 314-2 du code des juridictions financières, la Cour ne peut être saisie après l'expiration d'un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l'application des sanctions prévues par les articles L. 313-1 et suivants dudit code ;
Considérant que les faits concernant la rémunération d'un praticien mis à disposition du centre hospitalier d'Ambert par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, qui n'étaient pas mentionnés par le réquisitoire introductif du Procureur général du 13 janvier 2003, sont apparus en cours d'instruction et ont fait l'objet d'un réquisitoire complémentaire du procureur général en date du 4 juillet 2005 ; que c'est ce réquisitoire complémentaire qui a saisi la Cour de ces faits et qui doit être retenu comme acte interruptif de la prescription ; qu'ainsi la Cour est valablement saisie, pour ces agissements, dès lors qu'ils sont postérieurs au 4 juillet 2000 ;
Sur les faits
Considérant que, en vertu d'une convention en date du 21 janvier 2000, un agent du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, le docteur Y..., a été mis à la disposition du centre hospitalier d'Ambert à raison de deux demi-journées par semaine ; qu'aux termes de l'article 2 de ce contrat, le centre hospitalier d'Ambert s'engageait à rembourser au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la partie correspondante du traitement et des charges afférents à l'activité de M. Y... ; qu'en application de cette clause, le centre hospitalier d'Ambert a versé à son cocontractant une somme totale de 58 219,01 euros entre juillet 2000 et le premier trimestre 2004, période non prescrite ;
Considérant que, outre ces dépenses et la prise en charge des frais de déplacement de l'intéressé, le centre hospitalier d'Ambert a versé à celui-ci, à compter du mois de décembre 1999, des traitements mensuels complémentaires auxquels s'ajoutent des cotisations sociales ; que ces traitements bruts cumulés entre juillet 2000 et février 2004 atteignent 26 933,93 euros, auxquels s'ajoutent des cotisations sociales patronales à hauteur de 11 064,51 euros ;
Considérant que la rémunération ainsi accordée par le centre hospitalier d'Ambert à M. Y... ne trouve pas sa source dans un contrat ou dans une décision exécutoire ; que ces versements directs ne correspondaient pas à des prestations supplémentaires qui n'auraient pas déjà été couvertes par la rémunération que versait le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à M. Y... ;
Considérant que la prise en charge d'une telle dépense est contraire aux règles d'exécution des dépenses du centre hospitalier d'Ambert au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que les reversements auxquels procède actuellement le bénéficiaire à l'initiative du successeur de M. X... ne font pas disparaître cette irrégularité ;
Sur les responsabilités
Considérant toutefois qu'il ne résulte pas de l'instruction que la double rémunération accordée à cet agent résulterait d'une violation intentionnelle de la réglementation ; que l'ordonnancement était préparé par deux services distincts, concernant d'une part la rémunération indue incluse dans un mandat collectif non nominatif, et d'autre part les remboursements de frais prévus par la convention de mise à disposition, ce qui rendait plus difficile tout recoupement ;
Considérant dès lors que les paiements irréguliers en cause trouvent leur origine dans une erreur involontaire de gestion certes critiquable, mais qui n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de M. X... ;
Sur le montant de l'amende
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances particulières de l'espèce en infligeant une amende de cinq cents euros à M. X... ;
Sur la publication
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 314-20 du code des juridictions financières, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française.
ARRÊTE:
Article 1er : M. X... est condamné à une amende de 500 Euros (cinq cents euros).
Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section, le dix novembre deux mille six, par M. Fouquet, président de la section des finances du Conseil d'État, président ; MM. Ménéménis et Pinault, conseillers d'État ; MM. Mayaud et Duchadeuil, conseillers maîtres à la Cour des comptes.