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Cour administrative d’appel de Nancy, 26 février 2009, n° 07NC00691 (Responsabilité sans faute – Produits défectueux – Fabricant – Service public hospitalier)

La cour administrative d’appel de Nancy indique par cet arrêt que, sans préjudice d’éventuels recours en garantie contre le fabricant du produit ou de l’appareil défectueux, le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise, et ce sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le fabricant de matériel en cause peut être identifié, ce régime spécial de responsabilité étant distinct du régime général de responsabilité du fait des produits défectueux dont les principes résultent de la directive communautaire n° 85-374 du 25 juillet 1985, actuellement transposée en droit interne par les articles 1386-1 et suivants du code civil. Elle souligne que son existence est compatible avec les objectifs de ladite directive, dont l'article 13 dispose qu'elle ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre d'un régime spécial de responsabilité préexistant. La cour considère ainsi qu’un centre hospitalier universitaire n’est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en consacrant sa responsabilité aux lieu et place de celle du fabricant à raison des conséquences dommageables pour un patient du fonctionnement défectueux du matelas chauffant utilisé lors de l'intervention chirurgicale subie par ce dernier dans cet établissement.

LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE NANCY
3ème chambre

07NC00691

Lecture du 26 février 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 juin 2007, complétée par mémoire enregistré le 17 août 2007, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0500521 du 27 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l’a condamné à indemniser M. X des préjudices qu’il a subis lors de l’intervention chirurgicale pratiquée le 3 octobre 2000 en raison du fonctionnement défectueux d’un matelas chauffant ;

2°) de rejeter la demande formée par M. X devant le tribunal ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant sa responsabilité alors que la directive européenne du 25 juillet 1985 prévoit la responsabilité du producteur du matériel défectueux ; la responsabilité sans faute de l’utilisateur ne peut être engagée qu’à titre subsidiaire, si le producteur du matériel défectueux est inconnu ; le tribunal ne pouvait appliquer de manière distincte le régime de responsabilité issu de l’article L. 1142-1-I du code de la santé publique, qui n’est qu’une illustration du régime général de responsabilité sans faute issu de la directive du 25 juillet 1985 transposée aux articles 1386-1 et suivants du code civil ; le droit communautaire s’imposait ; la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué que la responsabilité du producteur du matériel défectueux s’appliquait même à l’hôpital public ; l’article 13 de la directive ne permet pas d’instaurer un régime spécial de responsabilité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 29 septembre 2008, présenté pour la caisse primaire d’assurance maladie du Jura par la SELARL Paraiso & Maillot, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON à lui verser une somme de 941 euros au titre de l’indemnité de gestion prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le CHU appelant est responsable des dommages causés par le matériel défectueux qu’il a utilisé et dont il avait la garde conformément aux dispositions de l’article 1384 du code civil ;

Vu la lettre en date du 10 juin 2008 par laquelle le président de la troisième chambre de la Cour a mis en demeure M. X de produire ses conclusions dans un délai d’un mois ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la responsabilité sans faute du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement, qui au surplus n'est pas assorti de précisions suffisantes, manque en fait et doit être écarté ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, sans préjudice d’éventuels recours en garantie contre le fabricant du produit ou de l’appareil défectueux, le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise, et ce sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le fabricant de matériel en cause peut être identifié, ce régime spécial de responsabilité étant distinct du régime général de responsabilité du fait des produits défectueux dont les principes résultent de la directive communautaire n° 85/374 du 25 juillet 1985, actuellement transposée en droit interne par les articles 1386-1 et suivants du code civil ; que son existence est compatible avec les objectifs de ladite directive, dont l'article 13 dispose qu'elle ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre d'un régime spécial de responsabilité préexistant ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON n’est pas fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Besançon aurait commis une erreur de droit en consacrant sa responsabilité aux lieu et place de celle du fabricant à raison des conséquences dommageables pour M. X du fonctionnement défectueux du matelas chauffant utilisé lors de l'intervention chirurgicale subie par ce dernier dans cet établissement ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura tendant au versement de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « (..) En contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d’assurance maladie à laquelle est affilié l’assuré social victime de l’accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d’un montant maximum de 910 euros et d’un montant minimum de 91 euros. (..) » ; qu’aux termes de l’article 1 de l’arrêté du 7 décembre 2007 relatif aux montants de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : « Les montants maximum et minimum de l’indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 941 € et à 94 € à compter du 1er janvier 2008 » ;

Considérant que la caisse primaire d’assurance maladie du Jura, qui a obtenu la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON à lui verser la somme sollicitée de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire susrappelée, demande à nouveau à hauteur d’appel la condamnation de l’hôpital appelant à lui verser une somme au titre de l’indemnité de gestion prévue par les dispositions précitées de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors qu’elle a obtenu intégralement satisfaction devant le tribunal et ne soutient pas avoir exposé de nouveaux débours, ses conclusions ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON la somme que demande la caisse primaire d’assurance maladie du Jura au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie du Jura tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, à M. X et à la caisse primaire d’assurance maladie du Jura.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2009 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ; M. Vincent, Président.