Un préfet a prononcé par arrêté une hospitalisation d’office dans un établissement de santé mentionné à l’article L. 3222-1 du Code de la santé publique. Le TA de Nancy a annulé cet arrêté au motif que le certificat médical accompagnant l’arrêté ne pouvait émaner d’un médecin de l’établissement. Ce certificat médical avait en l’espèce été établi par le médecin au service d’accueil des urgences de cet établissement. Dès lors, le préfet a interjeté appel et la CAA de Nancy a fait droit à sa demande en considérant qu’il ne résulte pas des dispositions de l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique que le certificat médical circonstancié au vu duquel le représentant de l’Etat prononce par arrêté une hospitalisation d’office ne puisse émaner d’un médecin de l’établissement accueillant la malade, dès lors que ce dernier n’exerce pas la spécialité de psychiatre. |
Cour Administrative d'Appel de Nancy
N° 06NC01639
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre - formation à 3
M. COMMENVILLE, président
M. Pascal DEVILLERS, rapporteur
M. WALLERICH, commissaire du gouvernement
SCP MAYET DERVIEUX PERRAULT, avocat
lecture du lundi 7 janvier 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2006, présentée pour le PREFET DE LA MEUSE ; le PREFET DE LA MEUSE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600491 en date du 10 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de M. Y, sa décision en date du 26 septembre 2005 ayant prononcé son hospitalisation d'office au centre hospitalier de Verdun à compter du 23 septembre 2005 et condamné l'Etat à verser à son conseil, Me Mayet, une somme de 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Nancy ;
3°) d'ordonner à Me Mayet de restituer la somme de 500 euros devant lui être versée au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit, l'article L. 3213-1 du code de la santé publique n'implique, ni que le médecin délivrant le certificat médical circonstancié soit un psychiatre, ni qu'il ne puisse émaner d'un médecin non-psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade ; le législateur a seulement entendu éviter que le médecin délivrant le certificat soit le psychiatre en charge du suivi de la personne internée ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2007, présenté pour M. Pierre Y, demeurant ..., par Me Mayet ; il conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat soit condamné à verser à son conseil, la SCP d'avocats Mayet Dervieux Perrault, qui renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Il soutient que :
- la disparition rétroactive de l'arrêté municipal d'hospitalisation provisoire entraîne nécessairement celle de l'arrêté préfectoral qui a suivi ;
- l'arrêté du préfet visait un certificat médical signé du Dr Z, psychiatre du centre hospitalier d'accueil, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, et l'autre certificat médical visé émanait d'un médecin généraliste et non d'un psychiatre ;
- l'arrêté d'hospitalisation provisoire du maire était caduc le 26 septembre 2005 et le préfet était donc tardif à prononcer son hospitalisation d'office ;
- l'arrêté préfectoral n'est pas motivé ; aucun des deux certificats médicaux n'était joint et le préfet ne s'en est pas approprié le contenu ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le courrier du président de la quatrième chambre de la Cour en date du 27 novembre 2007 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'un moyen d'ordre public était susceptible de fonder la décision de la Cour ;
Vu le mémoire du préfet de la Meuse, enregistré le 4 décembre 2007, présenté en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la Cour ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 9 mars 2007, admettant M. Y au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 62-1987 du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2007 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,
- les observations de Me Ramalho, avocate de M. Y,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique : «A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au représentant de l'Etat dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement. Ces arrêtés ainsi que ceux qui sont pris en application des articles L. 3213-2, L. 3213-4 à L. 3213-7 et les sorties effectuées en application de l'article L. 3211-11 sont inscrits sur un registre semblable à celui qui est prescrit par l'article L. 3212-11, dont toutes les dispositions sont applicables aux personnes hospitalisées d'office» ;
que l'article L. 3213-2 du même code dispose : «En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures.» ;
Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions précitées du code de la santé publique que le certificat médical circonstancié au vu duquel le représentant de l'Etat prononce par arrêté une hospitalisation d'office ne puisse émaner d'un médecin de l'établissement accueillant le malade, dès lors qu'il n'y exerce pas la spécialité de psychiatre ; que le PREFET DE LA MEUSE est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont censuré pour erreur de droit son arrêté en date du 26 septembre 2005, ayant prononcé l'hospitalisation d'office de M. Y au centre hospitalier de Verdun, au motif qu'il avait été adopté au vu du certificat médical établi le 23 septembre 2005 par le Dr Jacqueline A, médecin au service d'accueil des urgences de cet établissement ;
Considérant qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas non plus des dispositions précitées du code de la santé publique que la décision d'hospitalisation d'office que prend le préfet sur le fondement de l'article L. 3213-1 soit subordonnée à l'intervention préalable d'une décision provisoire prise par le maire sur le fondement de l'article L. 3213-2 dudit code ; que, dès lors, la circonstance que la décision du 23 septembre 2005 par laquelle le maire de la commune de Verdun a prononcé le placement d'urgence de M. Y dans les services psychiatriques de l'hôpital Désandrouins à Verdun fût caduque à la date à laquelle la décision du préfet a été adoptée, et celle que, par jugement également en date du 10 octobre 2006, le Tribunal administratif de Nancy en ait prononcé l'annulation, sont sans influence sur la légalité de l'arrêté du 26 septembre 2005 du PREFET DE LA MEUSE ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte tant des dispositions précitées de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique que de celles de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée que l'autorité administrative, lorsqu'elle prononce ou maintient l'hospitalisation d'office d'une personne, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure ; que l'arrêté du 26 septembre 2005 par lequel le PREFET DE LA MEUSE a prononcé l'hospitalisation d'office de M. Y mentionne, après avoir visé les avis médicaux, que les troubles dont est affecté l'intéressé se traduisent par des troubles graves du comportement, notamment des troubles délirants aigus avec menaces de mort, qui compromettent la sûreté des personnes et nécessitent des soins ; qu'ainsi, cet arrêté était suffisamment motivé au regard des dispositions précitées, alors même qu'aucun certificat médical n'y aurait été annexé ; que le moyen tiré du défaut de motivation de l'acte attaqué doit, dès lors, être écarté ;
Considérant, enfin, que si l'arrêté du préfet vise également un certificat médical «24 H» signé du Dr Z, psychiatre du centre hospitalier d'accueil, il ressort des pièces du dossier que ce certificat médical, qui n'a été établi que postérieurement à l'admission de l'intéressé dans le service psychiatrique de l'hôpital, ne constitue pas le certificat médical circonstancié concluant à la nécessité de l'hospitalisation d'office au vu duquel le représentant de l'Etat a décidé l'internement de M. Y ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA MEUSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. Y ;
Sur les conclusions du préfet tendant à obtenir au profit de l'Etat le remboursement de la somme versée au conseil de M. Y au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance :
Considérant que le préfet, qui tient du décret du 29 décembre 1962 le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le remboursement des sommes mises en première instance à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'est pas recevable à demander à la Cour d'ordonner la restitution des sommes ainsi versées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Me Mayet demande au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 10 octobre 2006 est annulé et la demande présentée devant ledit tribunal par M. Y est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA MEUSE et les conclusions du conseil de M. Y tendant à l'application de l'article des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et à M. Pierre Y.
Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.