En l’espèce, un patient hospitalisé sous le régime de l’hospitalisation d’office le 9 février 2001 a vu cette mesure d’hospitalisation prendre fin le 24 mars 2001. Par la suite, ce patient a porté à sa mère des coups ayant entraîné la mort de celle-ci. La fille de la victime a alors intenté une action en responsabilité contre l’équipe médicale de cet établissement public de santé sur le fondement du manquement à une obligation particulière de prudence et de sécurité. La Cour de cassation a considéré que le choix de la mainlevée ne s’analysait pas comme une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence et de sécurité imposée par la loi ou les règlements mais s’inscrivait dans la part d’acte thérapeutique auquel est soumis la pathologie dont souffre ce patient. Elle relève que la levée de l’hospitalisation d’office a été précédée comme prévu par le Code de la santé publique de permission d’essai sans incident et d’un certificat médical relevant que l’état actuel du patient s’était nettement amélioré. Elle précise également que l’équipe soignante avait organisée la mainlevée de la mesure d’hospitalisation au regard de l’état du patient à la date de sa sortie et avait entouré cette décision des mesures thérapeutiques d’accompagnement adaptées. |
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 21 octobre 2008
N° de pourvoi: 07-82241 07-88753
Non publié au bulletin Irrecevabilite
M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Defrenois et Levis, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Karine, partie civile,
contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire aggravé, ont :
- le premier, en date du 27 février 2007, confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté sa demande d'actes complémentaires ;
- le second, en date du 23 octobre 2007, confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'entre le 1er et le 5 décembre 2001, Laurent X... a porté à sa mère, Gisèle Y..., à leur domicile, des coups ayant entraîné la mort ; que, par ordonnance du 4 juillet 2003, le juge d'instruction a prononcé un non-lieu à son bénéfice après avoir constaté qu'il était atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ; que, le 28 juillet 2004, Karine X..., soeur de Laurent X..., s'est constituée partie civile, contre personne non dénommée, du chef d'homicide involontaire aggravé, en soutenant que " l'équipe médicale " du centre hospitalier où son frère avait été transféré sous le régime de l'hospitalisation d'office, le 9 février 2001, avait manqué à une obligation particulière de prudence et de sécurité en mettant fin à cette mesure, le 24 mars 2001, alors qu'il était dangereux ;
En cet état ;
I- Sur le pourvoi contre l'arrêt du 27 février 2007 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 3211-11 et L. 3213-5 du code de la santé publique, 575 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, a confirmé l'ordonnance du 6 octobre 2006, par laquelle le juge d'instruction avait rejeté les demandes d'auditions et de placement du dossier médical sous scellés ouverts et avait fait partiellement droit à la dernière demande en indiquant qu'il s'agirait non pas d'une contre-expertise mais d'un complément d'expertise, confié aux mêmes experts avec les missions sollicitées par la partie civile à l'exception de la demande de la partie civile d'y assister soit elle-même soit son conseil en présence de conseiller technique ;
" aux motifs que, pour ce qui concerne la demande visant à placer sous scellés ouverts le dossier médical de Laurent X... et à permettre sa consultation par la partie civile, son avocat et ses conseillers techniques, il convient de rappeler que le dossier médical de Laurent X..., couvert par le secret médical, n'a fait l'objet, dans la présente procédure d'information, ni d'une saisie et ni d'un placement sous scellés ; que ces opérations ne se justifient pas dès lors que seul l'intéressé par l'intermédiaire du médecin de son choix ou les médecins experts désignés par le juge d'instruction sont habilités à prendre connaissance de son contenu ; qu'en l'espèce, les deux experts désignés par le juge d'instruction ont recueilli les informations contenues dans ce dossier et en ont communiqué les éléments essentiels dans leur rapport ; que c'est donc à juste titre que cette demande a été rejetée par le magistrat instructeur ; que, pour ce qui est de la demande d'audition des docteurs Z... et A..., ces auditions apparaissent peu susceptibles d'éclairer utilement le magistrat instructeur compte tenu du long laps de temps (six années) qui s'est écoulé depuis l'hospitalisation d'office de Laurent X... ;
qu'une audition des médecins reposant sur des souvenir lointains et vagues n'apporterait pas d'éléments nouveaux et ce, alors même que les constatations et les éléments de nature médicale qui ont pu être relevés par les médecins lors de la prise en charge de Laurent X..., ont été consignés par eux au dossier médical comme en attestent les documents consultés par les experts ; que l'audition des membres de l'équipe soignante ayant préparé ou accompagné les deux sorties temporaires ayant précédé la levée de l'hospitalisation d'office paraît, à supposer même que ces personnes puissent être identifiées et qu'elles se souviennent de la situation de l'intéressé, peu susceptible d'apporter des éléments d'information supplémentaires utiles à la manifestation de la vérité ; que les experts ont, dans leur rapport, rappelé une mention de l'un des comptes rendu du docteur Z... qui, au sujet des sorties d'essai (de Laurent X...) accompagnées de sa mère, ayant précédé la levée de l'hospitalisation indiquait que ces sorties s'étaient fort bien passées ; que, pour ce qui est de la demande dite de « contre expertise », le magistrat instructeur a considéré à juste titre que cette demande visait essentiellement à obtenir des informations complémentaires sur un certain nombre de questions qui n'avaient pas été posées aux experts dans la mission d'expertise initialement ordonnée ; que le magistrat instructeur a répondu à cette demande en chargeant les mêmes experts de se prononcer sur toutes les questions posées par la parties civile dans sa demande ; que c'est, en outre, à bon droit que le juge d'instruction a rappelé que les règles de procédure pénale ne prévoyaient pas que les parties civiles ou leurs avocats ou les conseillers techniques désignés par elles, assistent aux opérations d'expertise ;
" alors que, dans ses conclusions d'appel, la partie civile faisait valoir que les éléments permettant de vérifier que l'équipe médicale avait respecté les conditions légales de la délivrance des autorisations de sorties et de la levée d'hospitalisation d'office, n'avaient pas été établis par le complément d'expertise ; que la cour d'appel ne pouvait refuser de faire procéder aux différents actes demandés par la partie civile sans répondre à ce moyen péremptoire invoqué par celle-ci " ;
Attendu que le moyen, qui se borne à remettre en cause les motifs de pur fait par lesquels la chambre de l'instruction s'est déterminée, n'est pas recevable ;
II-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 23 octobre 2007 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6, 221-8 et 221-10 du code pénal, L. 3211-11 et L. 3213-5 du code de la santé publique, 575 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du 14 mai 2007, par laquelle le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise avait dit n'y avoir lieu à suivre dans la procédure suivie contre X des chefs d'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence ;
" aux motifs que, s'agissant de la levée de l'hospitalisation d'office, elle a été précédée comme prévu par le code de la santé publique de permission d'essai sans incident et d'un certificat médical daté du 12 mars lequel relève que l'état actuel du patient s'est nettement amélioré ; qu'on ne retrouve plus de phénomène hallucinatoire spontanément exprimé, que son comportement dans le service s'est amélioré, que les permissions se sont bien passées et que le patient se déclare prêt à accepter de prendre son traitement en ambulatoire et à venir en hospitalisation de jour ; qu'il lui a par ailleurs été prescrit un traitement neurologique adapté dans un état clinique stabilisé ; que, s'il est constant que le certificat a été rédigé le 21 mars, la levée de la mesure est intervenue le 24 ; qu'il ne peut être soutenu, contrairement aux énonciations du mémoire, que l'évaluation de la sortie d'essai du 21 mars n'a pas été prise en compte avant la mainlevée définitive de la mesure de placement ; que l'équipe soignante a organisé la mainlevée de la mesure d'hospitalisation au regard de l'état du patient, à la date du 24 mars, et a entouré cette décision des mesures thérapeutiques d'accompagnement adaptées ; que ce choix ne s'analyse pas comme une violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence imposée par la loi ou les règlements, mais s'inscrit dans la part d'acte thérapeutique auquel est soumis la pathologie dont souffre Laurent X... ainsi que le reconnaît la partie civile elle-même ; que, en l'absence de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit objet de la plainte ou toutes autre infraction, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée ;
" alors que, dans ses conclusions d'appel, la partie civile faisait valoir que le certificat de mainlevée définitive de l'hospitalisation, délivré le 21 mars 2001, avait été pris sans prendre en compte les résultats de l'autorisation de sortie provisoire effectuée le 21 mars et terminée vers 18 heures 30 ce même jour et cela en violation des règles du code de la santé publique sur la délivrance d'une telle mainlevée d'hospitalisation ; que la cour d'appel ne pouvait prononcer un non-lieu sans répondre à ce moyen péremptoire invoqué par la partie civile " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 27 février 2007 :
Le REJETTE ;
II-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 23 octobre 2007 :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 23 octobre 2007