Cet arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy est intéressant dans la mesure où il est rare qu’une décision jurisprudentielle concerne l’utilisation d’un logement de fonction. En l’espèce, le directeur d’un centre gériatrique a réquisitionné un logement de fonction afin de l’affecter sans titre à une association qu’il préside et a également réquisitionné le trésorier afin de le forcer à payer les redevances d’eau, de gaz et d’électricité. Le Conseil d’Etat juge que ce directeur d’hôpital n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le ministre de la santé et des solidarités lui a infligé la sanction d’exclusion temporaire de 24 mois avec sursis de 23 mois. Il relève que cette sanction est notamment fondé sur le fait que ce directeur a « enfreint les règles statutaires relatives au logement de fonction allant jusqu'à réquisitionner le trésorier pour le paiement des redevances pour l'occupation sans droit ni titre d'un logement de fonction et n'a pas respecté les règles déontologiques de la profession en prenant seul une décision au profit d'une association dont il était le président sans en assurer une transparence suffisante ».
N° 09NC01227
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre - formation à 3
M. VINCENT, président
M. Thierry TROTTIER, rapporteur
M. COLLIER, commissaire du gouvernement
lecture du mercredi 10 novembre 2010
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 août 2009, présentée pour le CENTRE NATIONAL DE GESTION DES PRATICIENS HOSPITALIERS ET DES PERSONNELS DE DIRECTION DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIERE, dont le siège est 21 rue Leblanc à Paris Cedex 15 (75737), représenté par sa directrice générale en exercice ;
Le CENTRE NATIONAL DE GESTION DES PRATICIENS HOSPITALIERS ET DES PERSONNELS DE DIRECTION DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIERE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701562 en date du 23 juin 2009 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé la décision du 13 mars 2007 du ministre de la santé et des solidarités infligeant à M. A la sanction d'exclusion temporaire de 24 mois avec un sursis de 23 mois ;
2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne démontrant pas en quoi l'intervention de la secrétaire de séance, Mme B, est venue influencer l'avis émis par le conseil de discipline ;
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en jugeant que Mme B a pris la parole pour contredire les arguments apportés par M. A ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que M. A a été mis en demeure de produire ses observations en défense ;
Vu l'ordonnance en date du 26 juillet 2010 fixant la clôture de l'instruction au 27 août 2010 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2010 :
- le rapport de M. Trottier, président,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Considérant qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline, réuni le 7 février 2007 afin de donner son avis sur les faits reprochés à M. A, que la présidente du conseil de discipline a autorisé Mme B, chef de bureau chargée du personnel de direction et exerçant les fonctions de secrétaire de séance du conseil de discipline, à apporter des précisions sur la recherche par M. A d'un nouveau logement ; que les propos de Mme B, qui au demeurant ne sauraient être regardés comme manifestant une animosité personnelle à l'égard de M. A ou faisant preuve de partialité, n'ont pas été de nature à influer sur le sens des votes émis par le conseil de discipline ; qu'ainsi, cette intervention ne saurait avoir vicié la procédure suivie devant cet organisme ; que, par suite, le CENTRE NATIONAL DE GESTION DES PRATICIENS HOSPITALIERS ET DES PERSONNELS DE DIRECTION DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 13 mars 2007 infligeant à M. A la sanction d'exclusion temporaire de 24 mois avec sursis de 23 mois, le Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que cette décision avait été prise au terme d'une procédure irrégulière ;
Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif d'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'avis de la commission administrative paritaire nationale qui s'est réunie en formation disciplinaire n'ait pas été signé par tous ses membres est sans incidence sur sa légalité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si à l'expiration de ce délai aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions ;
Considérant que lesdites dispositions, qui ont imparti à l'administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire, ont pour objet de limiter les conséquences de la suspension ; qu'aucun texte n'enferme en revanche l'exercice de l'action disciplinaire dans un délai déterminé ; que M. A, qui a fait l'objet d'une mesure de suspension, en vertu d'un arrêté du ministre du 21 juillet 2006, n'est fondé à soutenir ni que l'expiration du délai de quatre mois faisait obstacle à la saisine du conseil de discipline, ni qu'une sanction disciplinaire ne pouvait légalement lui être infligée après l'expiration de ce délai ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le ministre de la santé et des solidarité, aurait méconnu les délais fixés par ledit article doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l'ampliation de la décision du 13 mars 2007 infligeant la sanction litigieuse aurait été signée par un agent contractuel ne disposant pas d'une habilitation est sans incidence sur la régularité de la décision elle-même ;
Considérant, en quatrième lieu, que la sanction en litige est notamment fondée sur les faits que M. A, exerçant auparavant les fonctions de directeur du centre gériatrique J.F. Desaint-Jean au Havre, a enfreint les règles statutaires relatives au logement de fonction allant jusqu'à réquisitionner le trésorier pour le paiement des redevances pour l'occupation sans droit ni titre d'un logement de fonction et n'a pas respecté les règles déontologiques de la profession en prenant seul une décision au profit d'une association dont il était le président sans en assurer une transparence suffisante ; que ces faits, dont l'exposé fait l'objet d'une motivation suffisante et dont la matérialité est établie, sont de nature à justifier une sanction ; qu'ainsi, si le ministre de la santé et des solidarités a, par ailleurs, mentionné des insuffisances professionnelles dans sa gestion de l'établissement tout en reconnaissant les difficultés rencontrées , ce motif est, en tout état de cause, surabondant ; qu'ainsi les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de ce que les faits susrappelés ne seraient pas de nature à justifier une sanction doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 13 mars 2007 par lequel le ministre de la santé et des solidarités lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de 24 mois avec sursis de 23 mois ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 juin 2009 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision en date du 13 mars 2007 du ministre de la santé et des solidarités présentées devant le Tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE NATIONAL DE GESTION DES PRATICIENS HOSPITALIERS ET DES PERSONNELS DE DIRECTION DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIERE et à M. Emmanuel A.