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Conseil d'Etat, 4 juillet 1990, Société d'assurances " Le Sou Médical" (Garantie des condamnations prononcées par les tribunaux judiciaires - Dommage imputable uniquement à une faute personnelle)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE D'ASSURANCES "LE SOU MEDICAL", dont le siège est 37 rue de Bellefond à Paris Cedex (75441) ; cette société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 1er octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier général de Gap soit condamné à lui verser la somme de 35 000 F en réparation du préjudice résultant pour elle de la condamnation du docteur X., dans les droits duquel elle est subrogée, à verser des indemnités aux ayants-droit de Mme Y., décédée des suites d'une intervention chirurgicale subie par elle au centre hospitalier général de Gap le 29 novembre 1977 ;
2°) condamne le centre à lui verser une somme de 41 860 F en réparation dudit préjudice, avec les intérêts et les intérêts des intérêts ainsi que le montant des dépenses engagés devant la juridiction judiciaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Mitjavile, Auditeur,
- les observations de la SCP Fortunet, Mattei-Dawance, avocat de LA SOCIETE D'ASSURANCE "LE SOU MEDICAL" et de la SCP le Prado, avocat du centre hospitalier général de Gap,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par des décisions judiciaires passées en force de chose jugée, M. X., chirurgien au centre hospitalier général de Gap, a été condamné à verser des indemnités d'un montant de 35 000 F aux ayants droit de Mme Y. en réparation du préjudice résultant pour eux du décès de celle-ci ; que la requête de la SOCIETE D'ASSURANCES "LE SOU MEDICAL" subrogée en tant qu'assureur aux droits du docteur X., tend à ce que le centre hospitalier général de Gap soit condamné à supporter la charge définitive des condamnations prononcées par l'autorité judiciaire et à rembourser les frais de procédure ;

Considérant qu'il résulte des décisions judiciaires susmentionnées que le décès de Y. est essentiellement imputable au retard apporté par M. X à pratiquer l'intervention chirurgicale destinée a réparer les blessures qui avaient provoqué l'hospitalisation de l'intéressée au centre hospitalier général de Gap dans la nuit du 28 au 29 novembre 1977 ; que ce retard a pour seule cause le refus de M. X. de se déplacer au chevet de la patiente alors qu'il se trouvait de garde à domicile et avait été appelé à deux reprises par l'interne du service qui avait souligné l'état inquiétant de Mme Y., blessée par balle à l'abdomen ; que si, pour qualifier la faute commise par M. X. le tribunal administratif s'est fondé sur l'existence des faits tels qu'ils avaient été constatés par le juge pénal au soutien de la condamnation prononcée par celui-ci contre le chirurgien, le tribunal n'a nullement reconnu l'autorité de la chose jugée à l'appréciation juridique portée sur le caractère détachable de cette faute par la Cour d'appel de Grenoble ;

Considérant que la contribution finale de l'administration hospitalière et du médecin hospitalier, à la charge de réparation accordée à la victime doit être réglée par le juge administratif compte tenu de l'existence et de la gravité des fautes respectives de l'agent et du service ; et que, par voie de conséquence, la circonstance que M. X. se trouvait en service lorsqu'il a commis la faute personnelle qui lui est reprochée ne saurait, par elle seule, ouvrir à la société qui lui est subrogée, le droit d'être garantie des indemnités qu'elle a versées aux ayants-droit de Mme Y. ;

Considérant que le choix d'assurer la nuit le service de garde de chirurgie à domicile et non au sein de l'établissement ne constitue pas une faute dans l'organisation du service public hospitalier ; qu'aucune faute n'a été commise tant lors de l'admission de Mme Y. à l'hôpital que dans la surveillance et les soins qui lui ont été donnés dans la nuit du 28 au 29 novembre 1977 par l'interne de garde au service des urgences ; que le dommage est imputable au refus de M. X. de se rendre au chevet de la patiente et de pratiquer sur celle-ci les actes chirurgicaux qui lui incombaient ; qu'eu égard à la nature et à la gravité de la faute personnelle ainsi commise, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a laissé à M. X. l'entière charge des condamnations prononcées au pénal et a rejeté la demande de cette société ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE D'ASSURANCES "LE SOU MEDICAL" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'ASSURANCES "LE SOU MEDICAL", au centre hospitalier général de Gap et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.