RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Cour d’Appel de Versailles, 6ème chambre, a rendu l’arrêt suivant, après que la cause a été débattue en audience publique le TROIS JUIN DEUX MILLE DEUX devant Monsieur SOMMER, Conseiller, chargé(e) du rapport, en application de l’article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, les parties présentes ne s’y étant pas opposées, assisté(e) de Melle AUBERT, Greffier.
FAITS. PROCÉDURE. DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
Statuant sur l’appel régulièrement formé par M. X. d’un jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre, section activités diverses, en date du 13 septembre 2001, dans un litige l’opposant à l’assistance publique hôpitaux de Paris - APHP - et qui, sur la demande de M. X. en “réintégration sous astreinte, indemnité de requalication, indemnité de précarité, indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, indemnité de licenciement, indemnité de congés payés, indemnité de préavis, remise de docements”, a :
Débouté M. X. de l’ensemble de ses demandes
EXPOSE DES FAITS
Pour l’exposé des faits la Cour retient pour éléments constants :
M. X. a été engagé par l’APHP, en qualité de d’agent de sécurité et de gardiennage, suivant contrat emploi-solidarité à durée déterminée du 7 février au 6 août 2000, renouvelé du 7 août 2000 au 6 février 2001 ; I’APHP a mis fin à ce contrat de travail ; l’ APHP est un établissement public qui emploie plus de onze personnes et qui dispose d’institutions représentatives du personnel;
PRETENTIONS DES PARTIES
M. X. , par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l’audience, conclut:
• à l’infirmation de la décision attaquée
• à la requalification de ses contrats de travail
• à sa réintégration dans l’entreprise sous astreinte de 2000 € par jour de retard
• à la condamnation de l’APHP à lui payer les sommes de:
1671,94 € à titre d’indemnité de requalification
668,78 € à titre d’indemnité de précarité
6687,76 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
557,31 € au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
224,57 € à titre d’indemnité de congés payés
557,31 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
55,73 € au titre des congés payés sur préavis
55,73 € au ttre de l’indemnité de licenciement
5000 € à titre de dommages intérêts pour entrave à l’intégration professionnelle
557,31 € à titre de prime de service
100 € à titre de supplément familial
avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2001
3000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;
• à la remise, sous astreinte de 200 € par jour de retard, d’une lettre de licenciement, d’un certificat de travail et d’une attestation ASSEDIC conforme.
Il expose qu’il a été recruté par deux contrats qu’il n’a pas signés et qui ont été établis en contravention avec les règles régissant les conditions de recours aux contrats emploi solidarité et en violation des dispositions relatives aux contrats à durée déterminée ; M. X. en déduit qu’il convient de requalifier ces contrats en un contrat à durée indéterminée à temps plein et d’en tirer les conséquences au regard de la rupture du contrat, qui est intervenue de façon irrégulière ; il précise que, reconnu travailleur handicapé, il n’a pas bénéficié de la priorité d’embauche à laquelle peuvent prétendre les personnes handicapées, qu’il a été empêché de préparer et de présenter utilement le concours de la filière “ouvrier” et qu’il a été privé des avantages du protocole d’accord AP-HP du 16 septembre 1998 en faveur des travailleurs handicapés et de la résorption de l’emploi précaire.
L’APHP, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l’audience conclut :
• à l’incompétence de la juridiction saisie pour statuer sur la légalité du recours à un contrat emploi solidarité et sur les demandes tendant au paiement de dommages intérêts pour entrave à l’intégration professionnelle, de prime de service et de supplément familial, au profit du tribunal administratif de Versailles
• à la confirmation de la décision entreprise
• au débouté de l’ensemble des demandes de M. X.
Elle fait valoir, à titre principal, qu’en contestant la légalité du recours au contrat emploi solidarité, M. X. met en cause la légalité de la convention conclue entre l’Etat et l’APHP, les 31janvier et 21juillet 2000 et qu’il n’appartient pas à l’autorité judiciaire de connaître des litiges nés de la conclusion, de l’exécution et de la rupture de tels contrats ; elle ajoute qu’en tout état de cause, le recours à une telle convention entrait dans les prévisions du code du travail; I’APHP soutient que le moyen tiré de l’inobservation du formalisme imposé en matière de contrat à durée déterminée ne saurait davantage prospérer, en raison notamment de la spécificité de ces contrats, conclus sur la base d’une convention passée avec l’autorité administrative dans des conditions exclusives d’une requalification en contrat à durée indéterminée; à titre subsidiaire, l’APHP indique que le juge, judiciaire est incompétent pour statuer sur les demandes tendant au paiement de dommages intérêts pour entrave à l’intégration professionnelle, qui relève de la responsabilité administrative d’un établissement public et des demandes de primes de service et de supplément familial, ainsi qu’au rejet ou à la réduction des autres prétentions de M. X. ; elle demande que soit écarté des débats le protocole d’accord conclu le 28 avril 2000 par l’APHP et les représentations syndicales, produit après l’audience et qui, selon elle, n’a pas fait l’objet d’une discussion contradictoire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour, conformément à l’article articles 455 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience ainsi qu’à leurs prétentions orales telles qu’elles sont rappelées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la demande de requalification des contrats de travail:
Considérant que M. X. a été engagé par l’APHP, dans le cadre de deux contrats emploi solidarité successifs, conclus sur la base de conventions conclues entre l’APHP et l'Etat, les 31janvier 2000, pour la période du 7 février 2000 au 6 août 2000, et 21juillet 2000, pour la période du 7 août 2000 au 6 février 2001, en qualité d’agent de sécurité et de gardiennage ; que M. X.. ne discute pas avoir effectué les travaux que ces conventions prévoyaient;
Considérant qu’il résulte des articles L.322.4.7 et L.322.4.8 du code du travail, que les contrats emploi solidarité sont des contrats réservés à certaines catégories de demandeurs d’emploi, conclus pour une durée déterminée et à temps partiel et ayant pour objet le développement d’activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits ; que si l’appréciation de la légalité de la convention, sur la base de laquelle le contrat est conclu, échappe à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, le litige résultant de la conclusion, de l’exécution et de la rupture d’un contrat emploi solidarité qui, en vertu de l’article L.322.4.8 précité, a la nature d’un contrat de droit privé, relève de la compétence de ces juridictions ;
Considérant que M. X. fait valoir que les contrats emplois solidarité, qu’il ne conteste pas avoir conclus, n’ont pas été établis par écrit ; que les contrats emploi solidarité sont des contrats conclus au titre du 1 de l’article L.122.2 du code du travail et doivent, en application du 1er alinéa de l’article L.122.3.1, être établis par écrit et comporter la définition précise de leur motif, à défaut de quoi ils sont réputés conclus pour une durée indéterminée; que ne sont versés aux débats, en l’espèce, que deux contrats emploi solidarité datés du 1er mars 2001 qui n’ont pas été signés par le salarié ; qu’il en résulte que la relation de travail entre l’APHP et M. X. doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée;
Il) Sur les conséquences de la requalification:
Considérant que la requalification du contrat de travail a pour seul effet de transformer le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, sans lui faire perdre sa nature de contrat de droit privé et sans modifier la durée du travail convenu; qu’il s’en suit que le salarié est fondé à demander le paiement d’une indemnité de requalification que la Cour évalue, en application des dispositions de l’article L.122.3.13 du code du travail, à la somme de 557,31 € ;
Considérant que l’indemnité de précarité est due dès lors que le contrat de travail a fait l’objet d’une requalification après son échéance; que tel est le cas en l’espèce ; qu’il y a lieu d’allouer à ce titre à M. X. la somme de 668,78 €;
III) Sur la rupture du contrat de travail:
Considérant qu’en l’absence de lettre de licenciement énonçant les motifs de celui-ci, la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse ; que le contrat ayant été rompu, la réintégration ne peut être ordonnée, à défaut d’accord de l’employeur; qu’en revanche, M. X. est fondé à solliciter l’allocation d’une indemnité compensatrice de préavis, à hauteur de 557,31 €, des congés payés afférents, soit 55,73 € et d’une indemnité de licenciement d’un montant de 55,73 €;
Considérant que la Cour dispose d’éléments pour évaluer la somme qu’il convient d’allouer à M. X. à titre de dommages intérêts, en réparation du préjudice né du non respect de la procédure de licenciement et du licenciement sans cause réelle ni sérieuse , à 1671,94 €;
IV) Sur les autres demandes:
Considérant que l’indemnité de requalification n’entre pas dans la rémunération retenue pour le calcul de l’indemnité de congés payés ;
Considérant que M. X. ne fournit aucune pièce au soutien de sa demande tendant au paiement d’une prime de service et au versement d’un complément familial ; qu’il y a lieu de rejeter cette créance qui, en l’absence d’engagement de l’employeur, ne profite qu’aux agents soumis à un statut de droit public;
Considérant que la juridiction judiciaire n’a pas le pouvoir pour statuer sur la demande de M. X. tendant à l’octroi de dommages intérêts pour entrave à l’intégration professionnelle dont l’objet est de rechercher la responsabilité d’un établissement public de santé, à raison de faits détachables de la conclusion, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ; qu’il convient de renvoyer le salarié à mieux se pourvoir par application des dispositions de l’article 96 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant qu’il convient d’ordonner la remise d’un certificat de travail et d’une attestation ASSEDIC modifiés en conséquence de la présente décision ;
Considérant que l’équité commande de mettre à la charge de l’APHP une somme de 500 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de M. X. au titre de ses frais de première instance et d’appel., au titre des frais distinct de ceux pris en charge par l’aide juridictionnelle ;
PAR CES MOTIFS :
La COUR, STATUANT publiquement par arrêt contradictoire, INFIRME le jugement et statuant à nouveau :
1) REQUALIFIE en contrat à durée indéterminée les contrats emploi solidarité conclus entre M. X. et I’APHP
2) DÉBOUTE M. X. de sa demande de réintégration
3) CONDAMNE l’APHP à payer à M. X. les sommes de :
- 557,31€
(CINQ CENT CINQUANTE SEPT EUROS ET TRENTE ET UN CENTIMES) au titre de l’indemnité de requalification
- 668,78 €
(SIX CENT SOIXANTE HUIT EUROS ET SOIXANTE DIX HUIT CENTIMES) à titre d’indemnité de précarité
- 557,31 €
(CINQ CENT CINQUANTE SEPT EUROS ET TRENTE ET LIN CENTIMES) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
- 55,73 €
(CINQUANTE CINQ EUROS ET SOIXANTE TREIZE CENTIMES) au titre des congés payés afférents
- 55,73 €
(CINQUANTE CINQ EUROS ET SOIXANTE TREIZE CENTIMES) au titre de l’indemnité de licenciement
- 1671,94 €
(MILLE SIX CENT SOIXANTE ET ONZE EUROS ET QUATRE VINGT QUATORZE CENTIMES) au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et du non respect de la procédure de licenciement
avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2001 sur les créances au titre de l’indemnité de précarité, de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité de licenciement et à compter de ce jour sur les autres créances
4) ORDONNE la remise d’un certificat de travail et d’une attestation ASSEDIC rectifiés en conséquence du présent arrêt
5) DÉBOUTE M. X. de sa demande de congés payés supplémentaires et de sa demande au titre de la prime de service et du supplément familial
6) DIT ne pas avoir le pouvoir pour statuer sur la demande de dommages intérêts pour entrave à l’intégration professionnelle et renvoie
M. X. à mieux se pourvoir
7) CONDAMNE l’APHP à payer à M. la somme de 500 € (CINQ CENTS EUROS) en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile pour ses frais de première instance et d’appel
8) MET les dépens à la charge de l’APHP.