REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 juillet 2003, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant Mlle X au centre hospitalier universitaire de Toulouse (C.H.U.) sur la question de la requalification de la relation de travail établie entre les parties en vertu de contrats emploi solidarité et emploi consolidé ;
Vu le déclinatoire présenté le 14 mars 2003 par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que la requalification des contrats emploi solidarité et emploi consolidé de Mlle X en contrat à durée indéterminée met en cause la légalité des conventions passées entre l'Etat et le centre hospitalier universitaire de Toulouse, dès lors que chacune des conventions stipulait pour chaque contrat de recrutement une durée déterminée et que les fonctions occupées par l'intéressée étant assimilées à celles d'adjoint administratif hospitalier le juge administratif est seul compétent pour requalifier le contrat de travail ;
Vu l'arrêt du 18 avril 2003 par lequel la cour d'appel de Toulouse s'est déclarée compétente pour connaître du litige aux motifs qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution, de la rupture et de la requalification de tels contrats, même si l'employeur est une personne morale de droit public et quelles que soient les fonctions occupées, et que la légalité des conventions passées entre l'Etat et le centre hospitalier universitaire n'a jamais été contestée par l'une ou l'autre des parties ;
Vu l'arrêté du 30 avril 2003 par lequel le préfet a élevé le conflit, par les motifs que le juge administratif est seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat s'il apparaît que celui-ci n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 322-4-7 du code du travail et que, de ce fait, la requalification des contrats de travail liant Mlle X au centre hospitalier universitaire constitue une question préjudicielle à la décision visant à déterminer les conséquences de cette requalification qui ressort de la juridiction administrative ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des Conflits a été notifiée le 5 mai 2003, d'une part, au centre hospitalier universitaire de Toulouse qui a fait présenter des observations le 14 mai 2003 et, d'autre part, à Mlle X qui a fait présenter des observations le 20 mai 2003 ;
Vu, enregistrées le 25 septembre 2003, les observations présentées par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs énoncés par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse ;
Vu, enregistré le 5 novembre 2003, le mémoire présenté pour Mlle X et tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu les articles L. 322-4-8 et L. 322-4-8-1 du code du travail ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Chagny, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de Mlle X,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en application de conventions passées entre l'Etat et le centre hospitalier universitaire de Toulouse (C.H.U.), celui-ci a engagé Mlle X le 28 février 1995 pour exercer des fonctions liées au secrétariat administratif et être affectée à la direction des affaires juridiques, en vertu d'un contrat emploi solidarité conclu pour la durée déterminée d'une année ; qu'un second contrat de même nature a lié les parties du 28 mai 1996 au 26 juillet 1996 ; qu'à compter de cette dernière date, Mlle X a bénéficié de quatre contrats emploi consolidé successifs à durée déterminée d'une année et à temps partiel puis à temps complet, en qualité d'adjoint administratif de 2ème classe ; que le dernier contrat, venu à expiration le 28 juillet 2000, n'ayant pas été renouvelé, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse d'une action tendant à la requalification des relations de travail établies depuis 1995 en contrat à durée indéterminée ; que les premiers juges ont fait droit à la demande de l'intéressée et que le centre hospitalier universitaire a interjeté appel ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a déposé un déclinatoire de compétence ; que la cour d'appel ayant rejeté le déclinatoire, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a élevé le conflit ;
Considérant qu'en vertu des articles L. 322-4-8 et L. 322-4-8-1 du code du travail, les contrats emploi solidarité et emploi consolidé sont des contrats de droit privé à durée déterminée et à temps partiel, en ce qui concerne les premiers et à durée déterminée ou indéterminée en ce qui concerne les seconds ; qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de tels contrats, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif et quelles que soient les fonctions occupées par le salarié ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification d'un tel contrat ;
Considérant, toutefois, d'une part, que dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; d'autre part, que le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, s'il apparaît que celui-ci n'entre en réalité pas dans les prévisions de l'article L. 322-4-7 du code du travail ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucune partie n'a contesté la légalité des conventions passées entre l'Etat et le centre hospitalier universitaire devant la juridiction prud'homale ; qu'il appartient donc à cette dernière de se prononcer sur la demande de Mlle X ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le préfet a élevé le conflit ;
Décide :
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 30 avril 2003 par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.