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Cour administrative d’appel de Marseille, 12 juin 2008, n° 07MA01877 (Défaut de lien de causalité direct – Etat dépressif de l’épouse d’un patient – Faute médicale)

 En l’espèce, un centre hospitalier a été condamné à réparer le préjudice subi du fait des fautes médicales dont a été victime un patient lors d’une intervention chirurgicale. L’épouse de ce patient a saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à condamner cet établissement de santé à réparer le préjudice que lui a causé la faute commise par cet établissement lors de l’intervention subie par son époux. La requérante précise que cette faute avait entraîné chez elle un état dépressif générant des troubles importants et qu’elle avait dû apporter une aide régulière et attentive plus importante à son mari que celle prévue par les dispositions du Code civil du fait du calvaire enduré par son époux consécutif à la faute commise par le centre hospitalier. A l’appui de sa demande, elle a produit un certificat médical dans lequel un médecin généraliste atteste l’avoir suivie en consultation pendant plusieurs mois pour dépression réactionnelle aux problèmes de santé de son mari et lui avoir prescrit des anxiolytiques et antidépresseurs. Or, la Cour administrative d’appel de Marseille rejette sa demande en considérant qu’elle n’établissait pas l’existence d’un lien direct entre cet état dépressif et la faute médicale commise par le centre hospitalier.

Cour Administrative d'Appel de Marseille
3ème chambre - formation à 3

N° 07MA01877   


Inédit au recueil Lebon


M. DARRIEUTORT, président
Mme Christine MASSE-DEGOIS, rapporteur
M. DUBOIS, commissaire du gouvernement
JULIA, avocat


Lecture du jeudi 12 juin 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2007, présentée par Me Julia pour Mme Isabelle X élisant domicile ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403160 en date du 8 mars 2007, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à voir condamner le centre hospitalier de Gap à réparer le préjudice que lui a causé la faute commise par cet établissement lors de l'intervention subie par son époux ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Gap à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice consécutif à la faute commise par cet établissement lors de l'intervention subie par son époux ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Gap la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;

Elle soutient que le certificat médical, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, atteste de ce que son état aurait été différent si son mari n'avait pas subi le calvaire que fut le sien du fait de la faute commise par le centre hospitalier de Gap ; que l'indemnisation globale du préjudice étant un principe à valeur constitutionnelle, la réparation doit placer la victime dans l'état qui aurait été le sien si le fait générateur ne s'était pas produit ; qu'elle a dû apporter une aide régulière et attentive plus importante à son mari que celle prévue par les dispositions du code civil du fait du calvaire enduré par son époux consécutif à la faute commise par le centre hospitalier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 octobre 2007, présenté pour le centre hospitalier de Gap par Me Le Prado ;

Le centre hospitalier demande à la Cour de rejeter la requête de Mme X ;

Il soutient que le seul préjudice susceptible d'être indemnisé est celui qui présente un lien avec la faute médicale commise lors des deux opérations subies par M. X et non avec l'infection dont ce dernier a été victime ; qu'en l'espèce, le certificat médical produit par la requérante ne permet pas d'établir le lien direct et certain entre l'état dépressif de Mme X et les fautes hospitalières ; qu'aucun élément ne permet d'affirmer que l'état dépressif de la requérante n'était pas préexistant aux fautes ; que les dommages par « ricochet » sont moins communément admis en cas de survie de la victime directe sauf lorsqu'ils présentent un caractère exceptionnel ; qu'au cas particulier, l'époux de Mme X est atteint d'une IPP de 15%, qu'il n'a subi aucune perte de revenus pendant la période d'ITT et que les souffrances endurées de 4,5 sur une échelle de 1 à 7 ne présentent pas un caractère exceptionnel ; que, dans ces conditions, Mme X ne saurait se prévaloir d'un préjudice indemnisable, ses conditions de vie n'ayant pas été profondément atteintes ;

Vu le mémoire enregistré le 12 mai 2008, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence par Me Chiarella ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2008,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Combemorel substituant Me Le Prado pour le centre hospitalier de Gap ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X relève appel du jugement du 8 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à voir condamner le centre hospitalier de Gap à réparer le préjudice que lui a causé la faute commise par cet établissement lors de l'intervention subie par son époux ; qu'elle sollicite la réparation des troubles importants générés par l'état dépressif dans lequel elle se trouve du fait de la faute commise par le centre hospitalier de Gap lors de l'intervention pratiquée sur son époux à la suite d'un accident de ski ;

Considérant que, par un arrêt en date du 20 décembre 2007 devenu définitif, la Cour de céans a condamné le centre hospitalier de Gap à réparer le préjudice subi du fait des fautes médicales dont a été victime M. Alain X, époux de la requérante, lors de l'intervention chirurgicale réalisée le 22 janvier 2000 après avoir toutefois considéré que ledit centre n'était pas responsable de l'infection qu'il a présentée et dont le germe a été découvert en mars 2001 après la réalisation d'une aponévrose pratiquée le 23 janvier 2001 ;

Considérant, qu'en se bornant à produire un certificat médical daté du 1er septembre 2003 au terme duquel un médecin généraliste atteste l'avoir suivie en consultation de mars à septembre 2001 « pour dépression réactionnelle aux problèmes de santé de son mari ayant subi une intervention chirurgicale orthopédique avec multiples complications » et lui avoir prescrit anxiolytiques et antidépresseurs, Mme X n'établit pas l'existence d'un lien direct de cet état dépressif avec la faute médicale commise par le centre hospitalier de Gap lors de l'intervention chirurgicale réalisée le 22 janvier 2000 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

D E C I D E :


Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Isabelle X, au centre hospitalier de Gap, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.