REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 2 mars 2000, qui, pour délit de violences, l'a condamné à 15 jours d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 222-11 du Code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale :
" en ce que la Cour a déclaré X... coupable des faits réprimés à l'article 222-11 du Code pénal ;
" aux motifs propres que l'intervention consistant en la pose de clips destinés à bloquer le processus de création, que le prévenu a proposé de procéder en même temps qu'une ablation d'un kyste de l'ovaire, est un acte important chez une jeune femme de 29 ans, susceptible de répercussions tant sur sa vie personnelle que sa vie de couple, et qui exigeait donc un consentement éclairé ; qu'il n'apparaît pas du dossier que le prévenu ait obtenu un accord formel de la plaignante pour qu'il soit procédé à cet acte, et il ne peut se prévaloir de ce que celle-ci, avant l'intervention chirurgicale, n'a pas expressément manifesté son refus ; que le prévenu affirme, contrairement à l'expertise médicale, que la stérilisation de sa cliente était nécessaire eu égard aux embolies pulmonaires dont elle avait souffert et au risque qu'elle encourrait en cas de nouvelle grossesse ; que, même dans ces hypothèses, il n'en demeure pas moins que, faute de l'accord express de Mme Y..., en raison de l'importance de cette intervention, et faute d'une urgence dans la mesure où elle n'était pas enceinte, le prévenu n'aurait pas dû pratiquer cette stérilisation dans l'immédiat ; que s'il y a peut-être faute du service hospitalier, puisque le médecin anesthésiste, le docteur Z..., qui n'a pas assisté à l'opération, aurait appris la veille de celle-ci et sans en répercuter l'information auprès du prévenu, l'opposition formelle de Mme Y... à la stérilisation projetée par lui, cette faute n'exonère aucunement X... de sa responsabilité, le chirurgien étant le seul maître en définitive des gestes opératoires à effectuer ; qu'il ne s'agit pas d'une simple erreur d'interprétation sur le consentement de la victime, non plus que d'une erreur de diagnostic, mais d'un manque flagrant de concertation et d'information de celle-ci, dans un domaine où en raison de l'importance de la décision à prendre, il y avait nécessité pour le praticien d'obtenir un consentement univoque ; qu'ainsi pour avoir procédé à cette stérilisation sans avoir obtenu cet accord éclairé, le docteur X... a bien commis le délit de violences volontaires qui lui est reproché ; que la peine d'emprisonnement avec sursis et l'amende infligée par le premier juge sanctionne parfaitement les faits commis à leur gravité ;
" et aux motifs adoptés que la nécessité thérapeutique peut dispenser le praticien du consentement du patient dans les cas d'impossibilité pour le patient de manifester son consentement, d'urgence et de diagnostic vital ; que Mme Y... était parfaitement à même d'apprécier au vu des informations qui lui étaient données les risques pour sa vie ou sa santé résultant de son choix qu'il convenait d'éclairer ; que le caractère d'urgence de l'intervention n'était pas absolu ; que l'intervention pouvait être soit reportée dans un court délai, permettant une réflexion sereine, soit être dissociée de l'intervention principale ; que la faute de service hospitalier ne saurait être exclusive ou exonératoire de toute faute personnelle concurrente ; que le docteur X... a bien commis une faute personnelle en ne s'assurant pas directement et personnellement du consentement de Mme Y... au cours de l'entretien et de la visite, en ne provoquant pas un entretien normal ou une nouvelle visite, en ne sollicitant pas une réponse claire aux propositions formulées ; que, compte tenu de sa longue expérience professionnelle et humaine, le docteur X... ne pouvait pas méconnaître les enjeux humains, psychologiques, familiaux d'une stérilisation ; qu'en l'espèce, les conséquences de l'intervention nécessitaient un consentement formel ; qu'il résulte des explications mêmes du chirurgien que le travail d'information et de dialogue a été manifestement insuffisant, que la thèse d'un consentement tacite de Mme Y... ne repose sur aucun élément ; que le fait d'interpréter un silence comme une approbation est constitutif d'une faute ; que l'acte initial même accompli par erreur d'interprétation sur le consentement de la victime a été intentionnel, son résultat voulu étant une atteinte à l'intégrité de la victime, la qualification de l'article 222-11 ne pourra qu'être retenue indépendamment des mobiles ;
" alors, de première part, que ne commet pas de violences, au sens de l'article 222-11 du Code pénal, le chirurgien qui procède à une intervention dans l'intérêt thérapeutique du client sans avoir obtenu le consentement de ce dernier ; que la Cour ne pouvait donc condamner X... pour violences après avoir constaté que l'intervention pouvait être nécessaire eu égard aux embolies pulmonaires dont Mme Y... avait souffert et au risque qu'elle encourait en cas de nouvelle grossesse ;
" alors, de deuxième part, que la violence suppose démontrée l'intention de blesser la victime ; que la Cour ne pouvait condamner X... pour violences, sans constater son intention de blesser Mme Y... ;
" alors, de troisième part, que ne commet pas de violences le chirurgien qui croit, par erreur, que son patient a consenti à l'intervention ; que la cour d'appel ne pouvait donc déclarer X... coupable du délit de violences en l'état de son erreur sur le consentement de Mme Y... à l'opération pratiquée " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 121-3 et 222-11 du Code pénal ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Y..., 29 ans, a consulté X..., chirurgien, en vue de l'ablation d'un kyste ovarien ; que le chirurgien, observant que la patiente avait souffert d'embolies pulmonaires à l'occasion de deux grossesses antérieures, lui a proposé de mettre l'intervention à profit pour réaliser une stérilisation tubaire ; qu'à l'issue de la consultation, Y... n'a exprimé à cet égard ni consentement, ni refus au chirurgien, qui ne lui a pas reparlé de cette possibilité au cours de l'examen préalable à l'opération ; que la patiente a fait part de son refus d'être stérilisée au médecin chargé de la consultation préanesthésique, qui n'a pas communiqué cette information à ses confrères ; que le chirurgien a, au cours de l'opération réalisée avec l'assistance d'un autre anesthésiste-réanimateur, extrait un stérilet qui provoquait une salpingite et stérilisé la patiente en lui posant des clips de Filshie sur les trompes ; que, selon l'expertise médico-légale ordonnée dans le cadre de l'information ouverte sur la plainte de la victime, celle-ci a présenté, à la suite de cette stérilisation, un syndrome dépressif justifiant une incapacité totale de travail spécifique de 9 jours ; que X... est poursuivi pour violences ayant entraîné plus de 8 jours d'incapacité totale de travail ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable de ce délit, les juges relèvent que le chirurgien a volontairement porté atteinte à l'intégrité physique de la malade en procédant sur sa personne à une stérilisation tubaire qui n'était pas imposée par une nécessité évidente ou un danger immédiat, sans s'être assuré de son consentement libre et éclairé ; qu'ils ajoutent que la faute de service que constitue l'absence de transmission par le médecin chargé de la consultation préanesthésique de l'information relative au refus de la stérilisation exprimé par la patiente n'est pas de nature à exonérer le chirurgien de sa responsabilité pénale ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'élément intentionnel du délit de violences, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 2 mars 2000, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.