La Cour de cassation confirme sa jurisprudence en matière de refus de qualification de l’homicide involontaire du fœtus. La négation de la réalité d’un homicide non intentionnel repose sur l’absence de la « personne » victime, le fœtus n’étant pas considéré comme tel avant d’être né vivant et viable.
" (...) la Cour de cassation, à plusieurs reprises, rappelant le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale "considère que "autrui" ne peut concerner l'enfant en voie de naître ; que l'incrimination d'homicide involontaire ne peut s'appliquer qu'au cas de l'enfant né vivant ; qu'il apparaît ainsi qu'aucune incrimination pénale - serait-elle fondée ou non en son principe, il n'appartient pas à la Cour de trancher ce débat qui relève de la compétence du législateur - protégeant la vie de l'enfant à naître, notamment dans le cadre d'un homicide involontaire, n'existe hormis la législation relative à l'interruption volontaire de grossesse, hormis "l'esquisse" de législation concernant le statut de l'embryon humain ; (...)" |
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Rejet
Audience publique du 27 juin 2006 |
N° de pourvoi : 05-83767
Inédit
Président : M. COTTE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Antoine,
- Y... Elvira,
- X... Jean-Pierre,
- Z... Maria, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 17 février 2005, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de K du chef d'homicide involontaire ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques, 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant, 16 du code civil, 111-3, 111-4, 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé K des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire et, en conséquence, a débouté les parties civiles de l'ensemble de leurs demandes ;
"aux motifs que : "la Cour de cassation, à plusieurs reprises, rappelant le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale "considère que "autrui" ne peut concerner l'enfant en voie de naître ; que l'incrimination d'homicide involontaire ne peut s'appliquer qu'au cas de l'enfant né vivant ; qu'il apparaît ainsi qu'aucune incrimination pénale - serait-elle fondée ou non en son principe, il n'appartient pas à la Cour de trancher ce débat qui relève de la compétence du législateur - protégeant la vie de l'enfant à naître, notamment dans le cadre d'un homicide involontaire, n'existe hormis la législation relative à l'interruption volontaire de grossesse, hormis "l'esquisse" de législation concernant le statut de l'embryon humain ; qu'en conséquence, la décision de relaxe rendue par le premier juge étant confirmée à hauteur de Cour, K sera renvoyé des fins de la poursuite" ;
"alors 1 ) que la question de l'interprétation suppose résolue celle, préalable, de la définition des termes de la loi ; que l'article 221-6 du code pénal réprimant le fait de causer involontairement la mort d'autrui, n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître ; qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant né vivant sous prétexte d'interpréter strictement l'article 221-6 du code pénal, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et a violé les textes susvisés ;
"alors 2 ) que la loi pénale s'interprète strictement à la lueur de la ratio legis et des principes généraux du droit ; que ni l'intention du législateur ni le droit normatif interne et conventionnel n'autorise à exclure l'enfant à naître du droit au respect de l'être humain dès le commencement de sa vie et, par conséquent, de la protection pénale due à son intégrité physique ; qu'en retenant que la vie de l'enfant à naître ne serait protégée par aucune incrimination pénale, et notamment par celle prévue par l'article 221-6 du code pénal, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 10 octobre 2003, un accident de la circulation est survenu entre le véhicule automobile conduit par K et celui conduit par ... épouse X... ; que celle-ci, qui était enceinte de vingt-deux semaines, est décédée ; que K a été cité par le ministère public devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire sur la personne de Florinda X... par conducteur ayant fait usage de produits stupéfiants et que le mari de la victime l'a fait citer pour homicide involontaire sur l'enfant à naître ; que les premiers juges ont condamné le prévenu pour homicide involontaire sur la personne de Florinda X... et l'ont relaxé pour l'infraction sur l'enfant à naître ; que les parties civiles et le procureur général ont interjeté appel de la décision de relaxe ;
Attendu que, pour confirmer le jugement et débouter les parties civiles, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
Qu'en effet, le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendu au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le foetus ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle 2005-02-17