Le droit que tout agent public tient des dispositions de l’article 6 quinquiès de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 de relater les agissements de harcèlement moral dont il a été victime ou de témoigner de tels agissements doit se concilier, dans son expression, avec les exigences du devoir de réserve auquel il est assujetti, lesquelles doivent être appréciées à la lumière des fonctions qu’il exerce. En l’espèce, un agent recruté par un centre hospitalier régional universitaire (CHRU) en qualité de directeur contractuel chargé des relations internationales a été licencié pour suppression de son poste par une décision annulée par un jugement du tribunal administratif en 2006. En 2007, le directeur de cet établissement public de santé l’a exclu de ses fonctions pendant une durée d’un mois pour avoir manqué à son obligation de réserve en dehors du service. L’intéressé a alors porté devant le tribunal le litige né de cette sanction disciplinaire ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux. Dans ce jugement, le tribunal indique que le requérant s’est attaché à dénoncer dans la presse locale les faits de harcèlement dont il faisait l’objet, à titre personnel, de la part du directeur du CHRU en faisant notamment mention d’un dépôt de plainte à l’encontre de ce responsable. Il considère que ces déclarations, entrant dans le champ d’application du droit reconnu par les dispositions de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, n’ont pas excédé les limites fixées par le devoir de réserve auquel était assujetti cet agent. En revanche, en faisant état de l’existence d’une « omerta » au sein du centre hospitalier et d’un « système » de tels termes évoquant notamment l’organisation et le fonctionnement de certaines associations de malfaiteurs, le requérant ne s’est pas borné à dénoncer des faits le concernant directement mais a proféré publiquement des accusations graves portant atteinte à la réputation et au crédit du service public hospitalier. Ces propos, tenus en dehors du service par un directeur, fût-il un agent contractuel, ont de ce fait excédé les limites imposées par ce même devoir de réserve et ont justifié qu’une sanction disciplinaire fût prise à l’encontre de cet agent. |
Tribunal administratif de Montpellier
Lecture du 7 avril 2009
N° 0704068
Au nom du peuple français
Considérant que M. B., recruté par le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier en qualité de directeur contractuel chargé des relations internationales à compter du 9 septembre 2oo3, a été licencié pour suppression de son poste par une décision en date du 27 mai 2005, annulée par un jugement du tribunal de céans en date du 29 décembre 2006 ; que, par une décision en date du 10 mai 2007, le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier l'a exclu de ses fonctions à compter du 1er juin 2007, pendant une durée d'un mois pour avoir manqué à son obligation de réserve en dehors du service ; que l'intéressé porte devant le tribunal le litige né de cette sanction disciplinaire ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux en date du 29 mai 2007 ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 6 quin-quiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée susvisée : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel./ Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :/ 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;/ 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;/ 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés./ Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus./ Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public » ;
Considérant que le droit que tout agent public tient des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la toi n° 83-634 du 13 juillet 1983, de relater les agissements de harcèlement moral dont il a été victime ou de témoigner de tels agissements doit se concilier, dans son expression, avec les exigences du devoir de réserve auquel il est assujetti, lesquelles doivent être appréciées à la lumière des fonctions qu'il exerce ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B. a dénoncé dans un article du « Midi Libre », daté du 10 octobre 2oo6, intitulé «Tensions sur le CHU : le système M. en accusation » l'existence d'une « espèce d'omerta, l'acceptation du système jusqu'au moment où ça sautera » ; qu'il a ajouté s'agissant des méthodes du directeur général du centre hospitalier que « la lâcheté a dominé, vous en ressortez avec une absence totale d'illusion sur la nature humaine » ; que M. B. a également déclaré dans un second article publié dans le « Midi Libre » en date du 7 janvier 2007, intitulé : « L'affaire : Plaintes pénales contre le directeur du CHU », que d'ici l’audience fixée au 26 avril 2007 par le tribunal de grande instance concernant la plainte pour harcèlement moral déposée avec un autre agent contre le directeur général de l'hôpital que « d'ici là, [il] pourrait être visé par d'autres plaintes » et que « derrière le personnage, c'est le système qui le produit qui est en cause » ;
Considérant que par les déclarations susmentionnées, et dont il ne conteste nullement l'exactitude, le requérant s'est attaché à dénoncer dans la presse locale les faits de harcèlement dont il faisait l'objet, à titre personnel, de la part du directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier en faisant notamment mention d'un dépôt de plainte à l'encontre de ce responsable ; que ces déclarations, entrant dans le champ d'application du droit reconnu par les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du 13 juillet 1983 n'ont pas excédé les limites fixées par le devoir de réserve auquel était assujetti M. B. ;
Considérant, en revanche, qu'en faisant état de l'existence d'une « omerta » au sein du centre hospitalier et d'un « système », de tels termes évoquant notamment l'organisation et le fonctionnement de certaines associations de malfaiteurs, M. B. ne s'est pas borné à dénoncer des faits le concernant directement mais a proféré publiquement des accusations graves portant atteinte à la réputation et au crédit du service public hospitalier ; que ces propos, tenus en dehors du service par un directeur, fût-il agent contractuel, ont de ce fait excédé les limites imposées par ce même devoir de réserve et ont justifié qu'une sanction disciplinaire fût prise à l'encontre de M. B. ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du 13 juillet 1983 modifiée doit être écarté ;
Considérant que le détournement de pouvoir et le détournement de procédure invoqués ne sont pas établis par les pièces du dossier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B., par les moyens qu'il invoque, n'est pas fondé à soutenir que la décision en date du 10 mai 2007 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier l'a exclu de ses fonctions pendant une durée d'un mois à compter du 1er juin 2007 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 29 mai 2007 sont entachées d'illégalité ; que, par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B., la somme demandée par le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, au même titre ;
Article 1er : La requête présentée par M. B. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier tendant à la condamnation de M. B. au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.