Références :
Article L. 5126-5 du code de la santé publique (modifié par la de modernisation sociale), article L. 6111-1 ;
Décret n° 2000-1316 du 26 décembre 2000 relatif aux pharmacies à usage intérieur (et notamment R. 5104-52 à R. 5104-56) - Décret n° 99-1034 du 6 décembre 1999 relatif à l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé (articles R. 711-1-1 à R. 711-1-10) ;
Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation, et à l'administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans les établissements de santé disposant d'une pharmacie à usage intérieur.
Circulaire DGS/DHOS/E2 n° 645 du 29 décembre 2000 relative à l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé.
Circulaire du 29 décembre 2000 relative à la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé.
Le ministre délégué à la santé à Mesdames et Messieurs les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (pour attribution) ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour attribution et diffusion]) ; Mesdames et Messieurs les directeurs des établissements de santé (pour attribution) ; Monsieur le président des URML (pour information)
Le bon usage des antibiotiques fait partie des priorités nationales. En France, le taux de résistance des bactéries vis-à-vis de certains antibiotiques est élevé et très supérieur à celui observé dans d'autres pays européens. Il y a une relation claire entre l'importance de la consommation d'antibiotiques et ces taux élevés de résistance.
Cette résistance bactérienne devient menaçante en particulier pour des bactéries extrêmement fréquentes en pathologie infectieuse. Il s'agit d'un phénomène difficilement réversible. Il est donc urgent d'engager des actions correctrices permettant de limiter la surconsommation et le mésusage trop fréquemment rencontrés dans cette classe de médicaments.
Une mission ministérielle a confirmé la nécessité de mettre en place, au niveau national, un plan quadriennal d'actions pour préserver l'efficacité des antibiotiques aussi bien en ville qu'à l'hôpital. Ce plan a été présenté le 20 novembre 2001.
L'objet de la présente circulaire est de donner des orientations pour un meilleur usage des antibiotiques dans les établissements de santé, en incitant à la création d'une commission des antibiotiques et à la désignation d'un médecin référent en antibiothérapie. Elle propose également de mettre en place à titre expérimental, à partir de certains établissements de santé, des centres de conseil en antibiothérapie pour les médecins libéraux.
Des recommandations existent depuis plusieurs années (recommandations ANAES de 1996 et, de l'Institut de veille sanitaire de 1999) (1) et ne sont toutefois pas appliquées dans tous les établissements de santé. Différentes enquêtes démontrent que 20 à 50 % des prescriptions d'antibiotiques sont inappropriées dans les hôpitaux.
C'est pourquoi il est nécessaire de préciser certains points d'organisation et de définir les actions indispensables à mettre en oeuvre pour contribuer au bon usage des antibiotiques dans tous les établissements de santé y compris les établissements de soins de suite et de longue durée.
1. Commission des antibiotiques et médecin référent
Sans préjudice des compétences détenues dans ce domaine par le comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) et la commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS), il paraît nécessaire que les établissement se dotent d'une commission des antibiotiques, émanation de la COMEDIMS et du CLIN, chargée d'impulser et coordonner des actions en matière de bon usage des antibiotiques. Un médecin référent sera désigné avec, pour mission, d'aider les prescripteurs dans le choix et la conduite de la meilleure antibiothérapie et de participer aux actions de formation et d'évaluation.
Composition de la commission.
Elle repose sur des critères de compétence dans le domaine de l'antibiothérapie et de représentativité des spécialités les plus concernées : maladies infectieuses, anesthésie, réanimation, médecine interne, pneumologie, ORL, pédiatrie, onco-hématologie, etc.
En particulier, en font partie les praticiens compétents en antibiothérapie, et notamment un pharmacien chargé de la dispensation des antibiotiques, un biologiste/microbiologiste, un membre de l'équipe opérationnelle d'hygiène.
Le CLIN et la COMEDIMS y seront représentés.
Lorsque l'importance des activités médicales de l'établissement ne justifie pas la constitution d'une commission des antibiotiques ou en l'absence de praticiens qualifiés en antibiothérapie, l'établissement considéré se rapproche d'un autre établissement disposant d'une telle commission.
Missions de la commission.
La commission coordonne les actions en matière de bon usage des antibiotiques dans l'établissement de santé, en relation avec la COMEDIMS et le CLIN, notamment les actions à mettre en oeuvre en priorité, développées dans le paragraphe 2.
Elle favorise la mise place d'une organisation permettant le suivi et l'évaluation des prescriptions qui s'intégrera dans la réflexion sur le médicament à l'hôpital menée avec la COMEDIMS et facilitera le recueil et la diffusion d'informations sur la consommation des antibiotiques.
Elle définit les actions de formation à mettre en oeuvre pour les personnels médicaux et paramédicaux.
Missions du médecin référent.
La mission de ce médecin est de promouvoir sur le terrain les actions de bon usage définies par la commission. Ceci nécessite une étroite collaboration avec le pharmacien chargé de la dispensation des antibiotiques et le biologiste/microbiologiste de la commission. La synergie existant au sein de cette équipe représente le meilleur garant de réussite de ce plan.
En lien avec la commission des antibiotiques :
Le médecin référent intervient comme conseil sur le bon usage des antibiotiques pour l'ensemble de l'hôpital lorsque son avis est sollicité par les prescripteurs. Le conseil porte sur le choix de l'antibiotique, mais aussi sur les modalités de traitement, éléments qui permettent de réduire la fréquence des bactéries résistantes. Le médecin en charge du patient reste, bien entendu, responsable de la prescription, le médecin référent intervenant comme consultant auprès de celui-ci.
Il veille à la qualité des traitements antibiotiques prescrits dans les différents services, intervenant sur des alertes générées par le pharmacien chargé de la dispensation, ou par le biologiste/microbiologiste, notamment en cas d'isolement de bactérie dans le sang (bactériémie) ou le LCR (méningite).
Il organise des actions de formation sur le bon usage des antibiotiques pour les personnels médicaux (en particulier les internes et les résidents au début de chaque semestre) et paramédicaux.
Il s'assure de la diffusion aux services cliniques des recommandations locales et du suivi des consommations d'antibiotiques assuré réalisé par le service de pharmacie.
Il mène des actions d'évaluation (audits de pratiques) et de recherche clinique en collaboration avec les services cliniques, les services de pharmacie et de microbiologie médicale et l'équipe opérationnelle d'hygiène.
Il rend compte de son activité à la CME/Conférence médicale dans le cadre du rapport annuel de la commission des antibiotiques.
Le médecin référent est un médecin formé à l'antibiothérapie, titulaire de DESC de pathologie infectieuse. A défaut, il sera titulaire, au minimum, d'un diplôme d'université formateur en antibiothérapie ou aura une compétence reconnue attestée par une expérience clinique et éventuellement des publications scientifiques dans le domaine. Sa discipline d'origine peut être diverse : infectiologie, réanimation, médecine interne, pédiatrie...
Il est désigné par le directeur de l'établissement sur proposition de la CME/Conférence médicale.
La reconnaissance de la compétence de ce praticien par l'ensemble des prescripteurs est un élément important de l'acceptabilité des conseils en matière d'antibiothérapie.
2. Les actions à mettre en oeuvre en priorité
Elaboration et diffusion de recommandations locales et consensuelles pour l'antibiothérapie.
Des recommandations locales écrites sur l'antibiothérapie curative et l'antibioprophylaxie sont élaborées sous l'autorité de la commission des antibiotiques en collaboration avec les services concernés.
Ces recommandations tiennent compte des données actuelles de la science et des recommandations nationales (ANAES, AFSSAPS) et seront adaptées à la situation locale (pathologies rencontrées, types d'interventions chirurgicales pratiquées, habitudes de prescription, écologie microbienne). Elles peuvent être empruntées à d'autres établissements à condition d'avoir été validées par les prescripteurs locaux qui doivent se les approprier.
Elles sont complétées, le cas échéant, en fonction des priorités nationales, par des recommandations portant sur une classe d'antibiotiques ou une situation clinique particulière (cf. annexe technique).
Dans tous les cas, elles seront présentées avant diffusion à la COMEDIMS.
Ces recommandations locales seront diffusées largement sous une forme accessible au moment de la prescription (format de poche, affiche pour les protocoles d'antibioprophylaxie au bloc opératoire, Intranet, etc.). Elles devront être régulièrement évaluées et mises à jour au moins tous les trois ans. Elles serviront de référentiel à toute action d'évaluation de la qualité de la prescription d'antibiotiques dans l'établissement.
Elaboration de la liste des antibiotiques et mise en place d'un système de dispensation contrôlée.
En lien avec la COMEDIMS, la commission établit la liste des antibiotiques disponibles dans l'établissement de santé et, dans cette liste, détermine les antibiotiques à dispensation contrôlée dont les critères de prescription sont diffusés largement à tous les médecins.
Le renouvellement de ces antibiotiques, après quarante-huit à soixante-douze heures et après sept à dix jours de traitement, doit être justifié.
Cela suppose de mettre en place ou de développer la prescription nominative renseignée comportant outre les mentions légales, des renseignements cliniques permettant au pharmacien de vérifier la conformité de la prescription aux recommandations locales.
Une interface avec les données bactériologiques peut être nécessaire pour juger de cette conformité (collaboration avec le biologiste/microbiologiste). Ceci implique à terme, la nécessité de développer, à terme, un système système d'informatiqueon adéquat.
Dans le cas d'une non conformité, le pharmacien pourra alerter le médecin référent qui interviendra auprès du prescripteur.
Dans la mesure du possible, la dispensation nominative journalière pour les antibiotiques à dispensation contrôlée doit être développée.
L'objectif de ce système de dispensation est de rationaliser l'usage des antibiotiques notamment en :
- limitant l'utilisation de certains antibiotiques à spectre large ;
- encourageant le relais par voie orale ;
- s'assurant de la durée adaptée des antibioprophylaxies et des antibiothérapies curatives.
Actions de surveillance et d'évaluation
La commission veille à la diffusion régulière des informations relatives aux consommations, aux coûts et aux nouveaux antibiotiques utilisables dans l'établissement de santé.
L'évaluation de l'impact des différentes actions suppose l'élaboration et le suivi d'indicateurs, ainsi qu'éventuellement la réalisation d'audits (cf. annexe technique). Le minimum requis est la mise en place d'un suivi des consommations. Ces données de consommation seront confrontées aux données concernant l'évolution des résistances bactériennesde la sensibilité des bactéries aux antibiotiques, recueillsuivies par le laboratoire, avec l'aide de l'équipe opérationnelle d'hygiène, au niveau de chaque établissement de santé.
Pour faciliter aux médecins libéraux l'accès à un conseil sur le bon usage des antibiotiques, des centres de conseil sont créés à titre expérimental à partir de quelques établissements de santé.
Ces centres pourront avoir des configurations variables selon la situation des établissements de santé et le réseau préexistant de correspondants libéraux et hospitaliers.
L'objectif est de faciliter :
- l'accès au conseil téléphonique ;
- l'élaboration de référentiels locaux et régionaux en liaison avec les unions régionales des médecins libéraux ;
- la formation de médecins libéraux susceptibles d'intervenir auprès de leurs confrères ;
- la diffusion d'informations, épidémiologiques locales (résistances bactériennes) et de conseils pour la prophylaxie dans le cadre de certaines maladies infectieuses (méningite listériose, légionellose...).
Les médecins référents des commissions des antibiotiques pourront être impliqués dans ces échanges ville-hôpital.
L'affectation de vacations permettant à des médecins compétents dans ce domaine de participer à ces échanges pourra, par ailleurs, être soutenue financièrement par des crédits attribués par l'agence régionale d'hospitalisation.
Un bilan permettant de juger de l'intérêt d'étendre ces centres à d'autres établissements sera réalisé à la fin du premier semestre 2003.
En conclusion
Je tiens à souligner l'importance de la prise en compte par les établissements de santé de ces mesures qui visent à améliorer l'usage des antibiotiques tant au niveau hospitalier qu'au niveau du secteur libéral. Je serai donc très attentif à la mise en place du dispositif préconisé et aux résultats que l'on peut en attendre.
La mise en oeuvre de ce plan doit être immédiate, en particulier pour la mise en place de la commission des antibiotiques et la désignation d'un médecin référent. Cette dernière action est reconnue comme étant le moyen le plus efficace pour améliorer l'usage des antibiotiques à l'hôpital.
Elle suppose de dégager progressivement les moyens humains nécessaires en terme de compétence et de temps médical spécifiquement dédié à cette activité. Le temps médical nécessaire varie selon la taille et l'activité des établissements. Dans certains cas, il peut être envisagé une mutualisation des moyens entre les établissements concernés.
Les objectifs de ce plan national d'actions sont avant tout d'ordre sanitaire et non d'ordre économique ; cependant l'expérience des établissements ayant déjà mis en place une organisation favorisant le bon usage des antibiotiques montre que l'impact économique de ce type de mesure est important.
Par ailleurs, selon les pathologies rencontrées et la fréquence de prescription de ces médicaments, la commission des antibiotiques pourra élargir son champ de compétence et d'intervention à d'autres classes d'anti-infectieux, notamment antifongiques et antiviraux.
Le comité national de suivi du plan pour préserver l'efficacité des antibiotiques (créé par arrêté du 29 mars 2002) veillera à sa mise en oeuvre, ainsi qu'à l'ajustement des différentes actions au fur et à mesure de l'application du plan.
Le ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner
1. Elaboration des recommandations
Les recommandations locales doivent insister sur :
Les situations où l'antibiothérapie est inutile (bactériurie sur sonde urinaire sans signes cliniques par exemple).
Le respect des posologies et des rythmes d'administration afin d'éviter les sous-dosages, facteur de sélection de mutant résistant ou les sur-dosages, facteur de toxicité.
Les conditions de simplification de l'antibiothérapie initiale (passage dès que possible de la voie parentérale à la voie orale, adaptation aux résultats microbiologiques).
La limitation des durées de traitement au strict nécessaire (la définition de la durée prévisionnelle de traitement et son suivi en jours de traitement doivent être notifiés sur la prescription en J 1, J 2 etc.).
De plus, des recommandations spécifiques concernant une classe d'antibiotique pourront être élaborées selon les problèmes de résistances identifiées au sein d'un service, de l'établissement de santé ou selon les priorités définies à l'échelon national. A titre d'exemple, en raison de l'émergence actuelle des staphylococcus aureus de sensibilité intermédiaire aux glycopeptides, des possibilités de dissémination de ces souches et des risques d'échec thérapeutique, une des priorités en matière de recommandations portera sur le bon usage des glycopeptides.
2. Evaluation, surveillance
Le suivi de la consommation des antibiotiques dans l'établissement de santé doit s'effectuer en jours de traitement ou en doses définies journalières (Daily Defined Doses (OMS)) reliées à un critère d'activité (journées d'hospitalisation ou nombre d'admissions).
La surveillance de la résistance bactérienne est mise en oeuvre par l'équipe opérationnelle d'hygiène selon la méthodologie nationale définie par le Réseau national d'alerte, d'investigation et de surveillance des infections nosocomiales (RAISIN). Pour ce faire, elle se rapproche du Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) de l'inter région dont son établissement dépend.
L'analyse des données de surveillance pourra se focaliser sur des couples antibiotiques/bactéries pour lesquels le lien entre exposition aux antibiotiques et résistances est considéré comme significatif. Par exemple :
Aminopénicillines associées aux inhibiteurs des béta-lactamases et E . coli.
B-Lactamines et Staphylococcus aureus.
Céphalosporines de 3e génération et entérobactéries.
Ceftazidime et Pseudomonas aeruginosa.
Carbapénèmes et entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa.
Fluoroquinolones et Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa, E. coli et autres entérobactéries.
Glycopeptides et Staphylococcus aureus.
Des enquêtes de prévalence de l'antibiothérapie pourront être éventuellement couplées avec les enquêtes de prévalence des infections nosocomiales.
Des audits de pratiques sur un temps limité portant sur une situation ou un antibiotique et des audits organisationnels pourront être réalisés. Ces audits seront conduits selon les méthodologies décrites dans les recommandations de l'ANAES. Il est important que l'antibioprophylaxie chirurgicale figure dans la définition des thèmes prioritaires d'audit. Des audits des prescriptions pourront se faire par exemple selon les critères suivants : dose, moment d'administration, intervalle de dose, voie d'administration, durée de traitement, etc.
(1) « Le bon usage des antibiotiques à l'hôpital », Recommandations pour maîtriser le développement de la résistance bactérienne ANDEM/Services des études/août 1996.
« Propositions d'un plan national d'actions pour la maîtrise de la résistance aux antibiotiques », InVS/janvier 1999.