Par cet arrêt, la cour administrative d’appel (CAA) précise que le directeur d’un IFSI qui prononce une sanction disciplinaire a l’obligation de préciser lui-même, dans sa décision, les griefs qu'il entend retenir à l'encontre d'un étudiant, de sorte que ce dernier puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. Elle considère que cette exigence n'est pas respectée lorsque la décision prononçant la sanction ne comporte en elle-même aucun motif précis et se borne à viser un document dont le texte n'est ni incorporé, ni joint à la décision. En l’espèce, la CAA relève que la requête de l’étudiante est fondée et considère que pour motiver sa décision portant exclusion définitive de cet élève, la directrice de l’IFSI n’a pas indiqué de faits précis fondant la sanction et s’est limitée à qualifier les fautes commises par une formule vague et stéréotypée. |
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY.
3ème Chambre
N° 07NC00565
14 février 2008
Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2007, présentée pour Mme X, demeurant [...], par Me Rosenstiehl, avocat ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601835 en date du 27 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, d'une part, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2006 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers de Sélestat lui a infligé la sanction de l'exclusion définitive de la formation et, d'autre part, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'institut de la réintégrer ;
2°) d'annuler la décision du 16 février 2006 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers de Sélestat lui a infligé la sanction de l'exclusion définitive de la formation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sélestat une somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement ne précise pas la composition du tribunal lors de la lecture ; il est ainsi impossible de vérifier qu'elle était identique à celle du tribunal lorsqu'il a délibéré ; les dispositions de l'article R. 741-1 du code de justice administrative ont été méconnues ;
- la procédure disciplinaire n'a pas été respectée ; la communication du dossier a été insuffisante ; le principe du respect des droits de la défense qui constitue un principe général du droit et qui est garanti par l'article 6 §1 et § 3b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a donc été méconnu ;
- Mme Ulrich, signataire de la sanction, ne possédait pas une délégation de signature régulière ; la décision est donc entachée d'incompétence de son auteur ;
- la sanction est insuffisamment motivée ;
- la sanction est entachée d'un détournement de procédure ; dès lors qu'on entendait sanctionner l'insuffisance de ses connaissances pratiques et théoriques, le recours à la procédure disciplinaire était irrégulier ; la procédure d'exclusion pour inaptitude théorique ou pratique au cours de la scolarité prévue par l'article 3 de l'arrêté du 19 janvier 1988 relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales était davantage adaptée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2008, présenté pour le Centre hospitalier de Sélestat par Me Clamer, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 € soit mise à la charge de Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité formelle ; il n'avait pas à préciser la composition du tribunal à la date de la lecture du jugement ;
- la procédure disciplinaire a été respectée ; Mme X a notamment eu connaissance des rapports sur la base desquels la sanction a été adoptée ;
- la sanction a été prise par une autorité compétemment désignée, dès lors que le directeur des ressources humaines possédait une délégation de signature régulière émanant du directeur de l'établissement pour désigner la directrice par intérim de l'institut de formation en soins infirmiers ;
- la sanction est suffisamment motivée ;
- la sanction n'est entachée ni de détournement de pouvoir, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'arrêté ministériel du 19 janvier 1988 relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Sur les conclusions d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté ministériel du 19 janvier 1988 modifié relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales : « Dans chaque institut de formation visé à l'article 1er du présent arrêté, le directeur est assisté d'un conseil de discipline (..) Le conseil de discipline émet un avis sur les fautes disciplinaires, ainsi que sur les actes des étudiants incompatibles avec la sécurité du malade et mettant en cause leur responsabilité personnelle (..) La sanction est prononcée de façon dûment motivée par le directeur. Elle est notifiée à l'étudiant » ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) – infligent une sanction (..) » ; que les dispositions de l'article 3 de la même loi prévoient que : « La motivation exigée par la présente loi doit être précise et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;
Considérant qu'il résulte clairement de ces dispositions que le directeur d'un institut de formation en soins infirmiers qui prononce une sanction disciplinaire a l'obligation de préciser lui-même, dans sa décision, les griefs qu'il entend retenir à l'encontre d'un étudiant, de sorte que ce dernier puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe ; que cette exigence n'est pas respectée lorsque la décision prononçant la sanction ne comporte en elle-même aucun motif précis et se borne à viser un document dont le texte n'est ni incorporé, ni joint à la décision ;
Considérant qu'en se bornant, pour motiver sa décision du 16 février 2006 portant exclusion définitive de Mme X de l'institut de formation de soins infirmiers du Centre hospitalier de Sélestat, qui au surplus ne comporte aucune motivation en droit, à indiquer que : « cette sanction est motivée par des faits graves, tels qu'énoncés dans les différents rapports qui vous ont été transmis dans le cadre de la procédure : actes de soins, attitudes, comportements professionnels potentiellement dangereux et incompatibles avec la sécurité des malades et mettant en cause votre responsabilité personnelle », sans détailler dans quelles circonstances et à quelles dates ou périodes avaient eu lieu les agissements reprochés à l'intéressée, la directrice par intérim dudit institut n'a pas énoncé les faits précis fondant la sanction prononcée mais s'est limitée à qualifier les fautes commises par l'appelante par une formule vague et stéréotypée, reprenant en partie les dispositions générales précitées de l'alinéa premier de l'article 7 de l'arrêté susvisé du 19 janvier 1988, qui ne pouvait tenir lieu de motivation ; que même si l'appelante avait pris connaissance de son dossier le 10 février 2006 et connaissait les faits qui lui étaient reprochés, en se bornant à se référer à des rapports sans même les identifier ou les joindre à la sanction transmise à Mme X, elle n'a pas davantage satisfait à l'obligation de motivation prescrite par les dispositions combinées du dernier alinéa de l'article 7 de l'arrêté susvisé du 19 janvier 1988 et de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2006 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers de Sélestat lui a infligé la sanction de l'exclusion définitive de la formation ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant, d'une part, qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le Centre hospitalier de Sélestat à payer à Mme X une somme de 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X , qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le Centre hospitalier de Sélestat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1 : Le jugement en date du 27 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de Mme X tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2006 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers de Sélestat a infligé à cette dernière la sanction de l'exclusion définitive de la formation est annulé.
Article 2 : La décision du 16 février 2006 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers de Sélestat a infligé à Mme X la sanction de l'exclusion définitive de la formation est annulée.
Article 3 : Le centre hospitalier de Sélestat versera à Mme X une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Sélestat tendant à la condamnation de Mme X à lui verser une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X et au Centre hospitalier de Sélestat.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2008 :
- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,
- les observations de Me Rosenstiehl, avocat de Mme X ,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ; M. Desramé, Président.