Mme P., infirmière de classe normale titularisée le 25 décembre 1995 a bénéficié d'une action de formation de 9 mois et demi à compter de février 2000 au terme de laquelle elle a obtenu un diplôme d'Etat d'infirmière de bloc opératoire et a été nommée au grade d'infirmière de bloc opératoire de classe normale. En contrepartie de cette formation, Mme P. a souscrit le 14 février 2000 un contrat d'engagement de servir en vertu duquel elle s'est engagée à servir dans la fonction publique hospitalière pendant une durée minimum de cinq ans à compter de l'obtention de son diplôme. Par un courrier en date du 9 juillet 2001, Mme P. a présenté sa démission qui a été acceptée par son employeur à compter du 1er octobre 2001. L'intéressée a ensuite exercé ses fonctions au sein du CH de Nemours à compter du 7 janvier 2002 en qualité d'agent contractuel et a été titularisée le 1er juillet 2003 dans le grade d'infirmière de bloc opératoire de classe normale. L'ancien employeur de Mme P. a émis à son encontre le 9 décembre 2004 un titre exécutoire pour le remboursement de la somme de 12 421 euros.
Le Tribunal administratif de Melun a déchargé Mme P de son obligation de payer la somme réclamée au titre du remboursement de la formation suivie en se fondant sur la circonstance que cette dernière n'avait pas quitté la fonction publique hospitalière.
La Cour administrative d'appel de Paris annule ce jugement et considère que si un agent de la fonction publique hospitalière qui a bénéficié d'une action de formation rémunérée en contrepartie d'un engagement de servir démissionne et rompt tout lien avec la fonction publique hospitalière avant la fin de son engagement, il doit rembourser les sommes perçues pendant sa formation proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir.
LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE PARIS.
4ème chambre
ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS
c/ Mme P
N° 09PA05808
18 janvier 2011
Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2009, présentée pour l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est 3 avenue Victoria à Paris (75184), par Me Tsouderos ; l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0503035/6 du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun a déchargé Mme Karine P de la somme de 12 421 euros résultant du titre exécutoire qu’elle a émis à son encontre le 9 décembre 2004 ;
2°) de rejeter la demande de Mme P ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 Janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 90-319 du 5 avril 1990
modifié relatif à la formation professionnelle continue des agents de la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 91-1301 du 19 décembre 1991 modifié relatif aux modalités de remboursement des frais de formation d’un agent ayant souscrit un engagement de servir dans la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Considérant que, par la présente requête, l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS (AP-HP) fait appel du jugement du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun
a déchargé Mme P de l’obligation de payer la somme de 12 421 euros résultant du titre exécutoire qu’elle a émis à son encontre le 9 décembre 2004 ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
Considérant, d’une part, qu’aux termes l’article 87 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : « La démission ne peut résulter que d’une demande écrite du fonctionnaire marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions. / Elle n’a d’effet qu’autant qu’elle est acceptée par l’autorité investie du pouvoir de nomination et prend effet à la date fixée par cette autorité. / La décision de l’autorité compétente doit intervenir dans le délai d'un mois. / L’acceptation de la démission rend celle-ci irrévocable (…) » ; qu’aux termes de l’article 100-1 de cette même loi : « Lorsqu’un fonctionnaire de l’un des établissements mentionnés à l’article 2 du présent titre et bénéficiaire d’une action de formation rémunérée, en contrepartie de laquelle il a souscrit un engagement de servir, vient à exercer ses fonctions dans un autre des établissements énumérés audit article, ce dernier rembourse à l’établissement d’origine les sommes correspondant aux traitements et charges financés pendant la durée de la formation, au prorata du temps restant à accomplir jusqu’à la fin de cet engagement » ; qu’aux termes de l’article 7 du
décret du 5 avril 1990 susvisé : « Lorsque, à l’issue d’une formation prévue au b de l’article 2, l’agent qui a été rémunéré pendant sa formation obtient l’un des certificats ou diplômes lui donnant accès aux corps, grades ou emplois mentionnés dans les décrets n° 62-1198 du 3 octobre 1962, n° 88-1077 du 30 novembre 1988, n° 89-609, n° 89-611 et n° 89-613 du 1er septembre 1989 susvisés, il est tenu de servir dans un des établissements énumérés à l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986 pendant une durée de cinq ans à compter de l’obtention de ce certificat ou diplôme. / Dans le cas où l’agent quitte la fonction publique hospitalière avant la fin de cette période, il doit rembourser à l’établissement qui a assuré sa formation les sommes perçues pendant cette formation proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir » ; qu’aux termes de l’article 3 du décret du 19 décembre 1991 , pris pour l’application de l’article 100-1 de la loi du 9 décembre 1986 : « Lorsqu’un agent est amené, dans l’un des cas prévus à l’article 4 du présent décret, à exercer ses fonctions dans un autre des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986 (…), le fonds pour l’emploi hospitalier mentionné dans le décret du 1er mars 1995 susvisé se substitue à l’établissement d’accueil dans l’obligation de remboursement que celui-ci a envers l’établissement d’origine en application de l’article 1er du présent décret ; qu’aux termes de l’article 4 du même décret : « Les dispositions prévues à l’article 3 du présent décret s’appliquent lorsque l’agent justifie auprès de l’organisme gestionnaire du fonds pour l’emploi hospitalier qu’il est dans l’une des situations suivantes : / - il exerce sa mobilité à la suite d'une opération de réorganisation le concernant telle que définie à l’article 2 du décret du 20 avril 2001 (…) ; / il est appelé à suivre son conjoint astreint à établir sa résidence habituelle en raison de son emploi dans un autre département que celui correspondant à la résidence administrative de l’agent, ou dans un établissement situé à une distance de 40 kilomètres au moins de celle-ci ; / il établit sa résidence habituelle auprès de son conjoint ou d’un enfant à charge placé, en raison de son handicap ou de son état de santé, dans une institution spécifique dont la localisation contraint l’agent à changer de résidence administrative » ; qu’enfin, aux termes de l’article 6 de ce décret : « Dans le cas où l’agent qui a bénéficié des dispositions prévues à l’article 3 rompt tout lien avec la fonction publique hospitalière avant la fin de son engagement de servir, il rembourse à l’établissement qu’il quitte les sommes perçues pendant sa formation, proportionnellement au temps de service lui restant à accomplir. Ledit établissement les rétrocède au fonds pour l’emploi hospitalier » ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, lorsqu’un agent relevant de la fonction publique hospitalière, qui a bénéficié d’une action de formation rémunérée, en contrepartie de laquelle il a souscrit un engagement de servir, démissionne ou rompt tout lien avec la fonction publique hospitalière avant la fin de son engagement de servir, il doit rembourser au dernier établissement dans lequel il a exercé ses fonctions les sommes perçues pendant sa formation, proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir ; qu’en revanche, lorsque, tout en conservant la qualité de fonctionnaire, il est amené à exercer ses fonctions, avant la fin de son engagement de servir, dans un autre établissement hospitalier que celui au sein duquel il a bénéficié de cette formation, l’obligation de remboursement est mise à la charge, selon les cas, de l’établissement d’accueil ou de l’organisme gestionnaire du fonds pour l’emploi hospitalier ;
Considérant, d’une part, que Mme P, infirmière de classe normale titularisée le 25 décembre 1995, exerçant ses fonctions au sein de l’AP-HP, a bénéficié d’une action de formation de neuf mois et demi à compter de février 2000 au terme de laquelle elle a obtenu un diplôme d’Etat d’infirmière de bloc opératoire et a été nommée au grade d’infirmière de bloc opératoire de classe normale ; qu’en contrepartie de cette formation, elle a souscrit le 14 février 2000 un contrat d’engagement de servir en vertu duquel elle s’est engagée à servir dans la fonction publique hospitalière pendant une durée minimum de cinq ans à compter de l’obtention de son diplôme ; que, par un courrier en date du 9 juillet 2001, Mme P a présenté sa démission qui a été acceptée par l’AP-HP à compter du 1er octobre 2001 ; que l’intéressée a ensuite exercé ses fonctions au sein du centre hospitalier de Nemours à compter du 7 janvier 2002 en qualité d’agent contractuel et a été titularisée dans le grade d’infirmière de bloc opératoire de classe normale le 1er juillet 2003 ; qu’il ne résulte pas de l’instruction, et notamment pas du document « motif de ma démission », que la volonté de Mme P de cesser ses fonctions ait alors été équivoque ou que sa démission ait été donnée sous la contrainte ; que, dès lors, Mme P doit être regardée comme ayant rompu le lien qui l’unissait à la fonction publique hospitalière le 1er octobre 2001 ; que, par suite, son affectation ultérieure au sein du centre hospitalier de Nemours ne présente pas en l’espèce le caractère d’une mutation d’un fonctionnaire mais celui d’un recrutement d’un agent non titulaire de la fonction publique hospitalière ; que, d’autre part, Mme P a démissionné de la fonction publique hospitalière avant le terme de son engagement de cinq ans ; que, dès lors, l’AP-HP est fondée à lui demander, sur le fondement de l’article 7 du décret du 5 avril 1990 , le remboursement des sommes perçues pendant sa formation proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’AP-HP est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a déchargé Mme P de son obligation de payer la somme réclamée au titre du remboursement de la formation en se fondant sur la circonstance que l’intéressée n’avait pas quitté la fonction publique hospitalière ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé en appel par Mme P ;
Considérant, que, devant le tribunal administratif, Mme P n’a contesté que le bien-fondé de la créance de l’AP-HP ; que le moyen, soulevé pour la première fois en appel, tiré de la violation du principe selon lequel un ordre de recettes doit indiquer les bases de liquidation de la dette, alors même qu’il est émis par une personne publique autre que l’Etat, pour lequel cette obligation est expressément prévue par l’article 81 du décret du 29 décembre 1962, repose sur une cause juridique distincte de celle dont procède le moyen de première instance et a ainsi le caractère d’une demande nouvelle qui n’est pas recevable en appel ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par l’AP-HP à la demande de première instance de Mme P, cette dernière n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du titre exécutoire contesté et la décharge de la somme de 12 421 euros ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande d’annulation du titre exécutoire en litige, n’appelle, par lui-même, aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d’injonction susvisées présentées par Mme P doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’ article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’AP-HP, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à Mme P la somme demandée par celle-ci au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0503035/6 du Tribunal administratif de Melun en date du 25 juin 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme P devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que ses conclusions aux fins d’injonction et tendant à l’application des dispositions de l’ article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 janvier 2011 :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;
- et les observations de Me Tsouderos, pour l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS ;
M. Perrier, Président.