Mme A. a subi le 7 mars 2008 une intervention chirurgicale nécessitant une intubation oro-trachéale. A la suite de l'intervention, elle est informée que l'interne en anesthésie lui a cassé une dent en extrayant la sonde. Elle demande alors à l'établissement de santé le remboursement de ses frais dentaires, ce qui lui est refusé. Elle saisit le Tribunal administratif qui considère, par ce jugement, que le fait qu'"un certificat établissant la fracture dentaire a été remis spontanément à Mme A par l'interne en anesthésie l'ayant intubé, reconnaissant avoir causé ladite fracture (…)" révèle "l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité" de l'établissement de santé.
Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2008, présentée par Mme ... demeurant ... ; Mme ... demande au tribunal :
1°/ de déclarer le centre hospitalier ... responsable du préjudice dont elle a été victime du fait de la perte d'une dent suite à l'intubation pratiquée durant l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 7 mars 2008 ;
2°/ d'annuler la décision en date du 10 juillet 2008 par laquelle le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a rejeté sa réclamation préalable ;
Elle soutient :
- qu'à la suite de l'intervention chirurgicale du 7 mars 2008, l'anesthésiste l'a informé qu'il lui avait cassé une dent en extrayant la sonde suite à l'intubation ;
- que la responsabilité de l'hôpital peut être engagée sur le terrain de la faute ;
- qu'elle n'a pas été informée du risque de bris de dent lors d'une anesthésie ;
Vu le mémoire enregistré le 27 avril 2010 présenté pour l'Assistance Publique -Hôpitaux de Paris qui oppose une fin de non recevoir à titre principal et à titre subsidiaire conclut au rejet de la requête et de l'intervention de la CPAM ; elle fait valoir :
- à titre principal que la requête est irrecevable car elle ne comporte pas l'énoncé de moyens suffisamment précis et détaillés pour permettre au juge d'en apprécier le bien fondé ;
- que le contentieux n'est pas lié car la demande d'indemnisation n'est pas chiffrée ;
- à titre subsidiaire que seule une faute de service est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration hospitalière, les dommages dentaires causés à l'occasion d'intubation ne rentrant pas dans les cas de responsabilité sans faute ;
- que l'hôpital ne saurait être tenu pour responsable d'un préjudice subi par le patient du seul fait de sa survenue ;
- qu'aucune faute n'a été commise lors de la prise en charge de la requérante ; que l'intubation oro trachéale était indispensable compte tenu de l'intervention pratiquée et a été réalisée dans les règles de l'art ;
- que les traumatismes dentaires constituent un aléa thérapeutique inhérent aux manoeuvres d'intubation et indépendant de toute faute technique aléa qu'il n'appartient pas à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de réparer ;
- que la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris n'étant pas engagée elle ne saurait être condamnée à rembourser la CPAM ... pour les prestations servies ;
Vu enregistré le 22 novembre 2010, le mémoire présenté par la CPAM ... qui conclut aux mêmes fins que la requête et demande, en outre, au tribunal ;
1°) de condamner le centre hospitalier de ... à lui rembourser la somme de 374,54 euros au titre des prestations servies ;
2°) de lui verser des intérêts calculés sur cette somme à compter de la première demande de la caisse en date du 28 juillet 2009 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de ... la somme de 124,85 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu l'avis de réception de la demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011:
- le rapport de Mme Boulharouf, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Housset, rapporteur public ;
Considérant que Mme ... a subi le 7 mars 2008 une intervention afin de se faire enlever des varices au sein de l'hôpital ... de ... (Assistance publique -Hôpitaux de Paris) nécessitant une intubation oro-trachéale ; que suite à cette intervention l'interne en anesthésiste l'a informé qu'il lui avait cassé une dent en extrayant la sonde suite à l'intubation ; qu'estimant que ce bris est imputable à une faute commise lors de l'intubation et qu'elle n'a pas été correctement informée des risques liés à ce geste médical, elle a saisi l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) d'une demande d'indemnisation préalable, rejetée par une décision du 10 juillet 2008 ; que Mme ... a par suite introduit la présente requête tendant à la condamnation de l'établissement à l'indemniser du préjudice subi ;
Sur la fin de non recevoir opposée par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :
Considérant que la requête de Mme ... doit être regardée compte tenu des termes dans lesquels elle est rédigée comme invoquant nécessairement la faute commise par le centre hospitalier ; que le contentieux est lié par la demande d'indemnisation présentée par Mme ... qui sollicite le remboursement des frais déboursés pour réparer sa dent cassée et joint à sa requête une facture de 897 euros ; que par suite l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable pour défaut de moyens et de conclusions chiffrées ;
Sur la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :
Sur la faute
Considérant qu'un certificat établissant la fracture dentaire – non contesté par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris – a été remis spontanément à Mme ... par l'interne en anesthésie l'ayant intubé, reconnaissant avoir causé la dite fracture de l'incisive supérieure gauche lors de l'intubation ; qu'il est constant que l'état de la dentition de la requérante était bon et qu'aucun geste particulier et qu'aucune précaution particulière n'était requise ; que ces circonstances révèlent l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris ;
Sur le préjudice
Considérant que Mme ... justifie, par les pièces versées au dossier, que la somme de 897 euros dont elle demande le remboursement correspond au coût du remplacement de la dent fracturée au cours des manoeuvres intubatoires ; que les frais médicaux restés à sa charge s'élèvent à 522, 46€ ; que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris doit être condamnée à lui payer cette somme ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie
Considérant qu'aux termes de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale «Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel »
Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie ... a servi des prestations à hauteur de 374,54 euros, correspondant aux frais médicaux, qu'elle a exposés pour le compte de Mme ... ; qu'il y a lieu de retenir ce montant pour l'évaluation du préjudice dont l'indemnisation incombe au centre hospitalier ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion
Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du I er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. » ; que la CPAM ... sollicite l'octroi d'une somme de 125 euros à ce titre : qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris l'indemnité forfaitaire prévue par ces dispositions, soit 125 euros au profit de la CPAM ...;
Article 1 er: L'Assistance publique – Hôpitaux de Paris versera à Mme ... la somme de 522, 46 euros.
Article 2 : L'Assistance publique – Hôpitaux de Paris versera à la Caisse primaire d'assurance maladie ... la somme de 374,54 euros au titre du remboursement des prestations servies par elle ainsi qu'une somme de 125 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme ..., à la Caisse primaire d'assurance maladie de ... et à l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 février 2011, à laquelle siégeaient :
Mme Colombani, président,
Mme Boulharouf premier conseiller
M. Bréchot, conseiller.
Lu en audience publique le 3 mars 2011.