En l’espèce, le Conseil d’Etat est saisi par un praticien hospitalier d’une demande tendant à annuler une décision d’un tribunal administratif confirmant le refus que lui aurait opposé son directeur d’établissement au renouvellement de son contrat d’engagement exclusif.
Pour le Conseil d’Etat, ce contrat d’engagement exclusif, est un droit auquel le directeur d’hôpital ne peut déroger.
Il suffit que le praticien en fasse la demande pour en bénéficier. Son fondement est prévu par l’article 28 du décret du 24 avril 1984 qui dispose « que les praticiens temps plein qui abandonnent leurs droits à secteur libéral perçoivent après service fait, une indemnité d’engagement de service public exclusif lorsqu’ils s’engagent pour une période de trois ans renouvelables, à ne pas exercer une activité libérale ». Le Conseil d’Etat a donc annulé le jugement du tribunal administratif.
Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies
N° 299304
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
M. Vigouroux, président
M. Jean de L'Hermite, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP RICHARD, avocats
Lecture du mercredi 21 octobre 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi, enregistré le 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS, représenté par son directeur en exercice domicilié en cette qualité au siège de l'établissement, 1 place Hourtoule, BP 5113 à Rethel (08303) ; le GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 28 septembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête du GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS tendant à l'annulation du jugement du 23 novembre 2004 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne annulant, à la demande de M. A, la décision du 17 mars 2004 du directeur du centre hospitalier de Vouziers refusant de renouveler son contrat d'engagement de service public exclusif pour une durée de 3 ans à compter du 1er novembre 2003 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 modifié ;
Vu l'arrêté du 8 juin 2000 relatif à l'indemnité d'engagement de service public exclusif ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS et de la SCP Richard, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS et à la SCP Richard, avocat de M. A ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue à cette fin (...) statue en audience publique : (...) 2° sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et autres personnes ou collectivités publiques, (...) à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service. ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 811-1 du même code que, dans les litiges énumérés au 2° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, praticien hospitalier à temps plein au GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS, a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2004 par laquelle le directeur de cet établissement a refusé à l'intéressé le renouvellement de son contrat d'engagement de service public exclusif pour une durée de trois ans et le versement de l'indemnité qui le rémunère ; que le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort sur ce litige qui ne relevait pas de l'exception prévue par les dispositions susmentionnées de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, par un jugement du 23 novembre 2004 ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Nancy a méconnu sa compétence en statuant sur la requête dont l'avait saisie le groupe hospitalier, dirigée contre le jugement du tribunal, au lieu de transmettre sans délai en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative le dossier au Conseil d'Etat ; qu'il y a lieu, dés lors, d'annuler son arrêt et de regarder les conclusions présentées devant la cour par l'établissement hospitalier comme des conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif statuant en dernier ressort ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique : Dés lors que l'intérêt du service public hospitalier n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé (...) sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre. ; qu'aux termes de l'article L. 6154-2 du même code : L'activité libérale peut comprendre des consultations , des actes et des soins en hospitalisation ; elle s'exerce exclusivement au sein des établissements dans lesquels les praticiens ont été nommés (...) ; que selon l'article 28 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, alors applicable : Les praticiens perçoivent après service fait : ... 8°) une indemnité d'engagement de service public exclusif versée aux praticiens qui s'engagent, pour une période de trois ans renouvelable, à ne pas exercer une activité libérale telle que prévue à l'article L. 6154-1 du code de la santé publique. / Un arrêté des ministres chargés de la santé et du budget détermine les conditions d'attribution de cette indemnité ainsi que son montant et ses modalités de versement ; qu'aux termes, enfin, de l'article 3 de l'arrêté du 8 juin 2000 relatif à l'indemnité d'engagement de service public exclusif : Cette indemnité est accordée aux praticiens hospitaliers nommés à titre permanent... qui s'engagent par contrat passé avec le directeur de l'établissement public de santé dans lequel il sont nommés, à n'exercer aucune activité libérale pendant une durée de trois ans. Ce contrat doit être transmis au préfet du département et peut être renouvelé dans les mêmes conditions. ;
Considérant que ces dispositions confèrent à un praticien hospitalier à plein temps qui déclare s'engager pour une période de trois ans à ne pas exercer une activité libérale au sein de l'établissement où il a été nommé, le droit de souscrire puis renouveler un tel engagement et de percevoir l'indemnité mensuelle y afférente ; que par suite, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'administration était tenue d'accepter le renouvellement de l'engagement à n'exercer aucune activité libérale de M. A venu à expiration le 1er mai 2003, dès lors que celui ci avait manifesté la volonté de souscrire à nouveau, pour une période de trois ans, un tel engagement ; que le GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS n'est par suite pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS la somme de 3 000 euros que M. A demande au titre de ces frais ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 28 septembre 2006 est annulé.
Article 2 : Le pourvoi du GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS est rejeté.
Article 3 : Le GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au GROUPE HOSPITALIER SUD-ARDENNES DE VOUZIERS et à M. Keka Elua César A.
Copie pour information en sera adressée à la ministre de la santé et des sports.