Vu la requête enregistrée le 24 juillet 2001 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour M. Jean-Jacques D., demeurant (...) par la SCP Richard – Mandelkern, avocats ; M. D. demande à la cour :
1) d'annuler le jugement en date du 28 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'emploi et de la solidarité et du secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale du 11 février 2000 concernant son reclassement au quatrième échelon du corps de praticien hospitalier ;
2) d'annuler ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Sur les conclusions en annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 19 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « … Les praticiens nommés après concours … sont classés dans l'emploi de praticiens hospitaliers sans pouvoir dépasser le 10ème échelon, compte tenu : 1° De la durée légale du service national et des services militaires obligatoires … 2° Des services hospitaliers accomplis à l'étranger en application d'un contrat de coopération ; 3° De la durée des fonctions exercées dans un emploi de chercheur au centre national de la recherche scientifique, à l'institut national de la santé et de la recherche médicale, au laboratoire national de la santé, à l'institut Pasteur ou en qualité de médecin ou de pharmacien d'un centre de lutte contre le cancer ; 4° De la durée des fonctions exercées dans le service de santé des armées en qualité de spécialiste des hôpitaux des armées ou de spécialiste de laboratoire de chimie du service de santé des armées ; 5° Des services accomplis dans les établissements d'hospitalisation publics en qualité de membre des personnels enseignants et hospitaliers titulaires, de praticien associé, de chef de clinique des universités-assistant des hôpitaux … ; 6° Des services accomplis en qualité de médecin inspecteur de la santé … » ;
Considérant que M. D., ressortissant belge, a été reçu au concours national de praticien hospitalier de 1998 ; qu'il a été nommé dans ces fonctions à compter du 1er juillet 1999 puis classé, par l'arrêté ministériel contesté du 11 février 2000, au 4ème échelon avec une ancienneté conservée de 1 mois et 17 jours ; qu'il résulte des écritures en défense produites devant la cour par le ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre délégué à la santé que l'administration s'est fondée sur les dispositions précitées pour refuser de prendre en compte les services accomplis par M. D. en Belgique en qualité de médecin-résident et de médecin anesthésiste-réanimateur entre 1988 et 1994, dont il n'est pas contesté qu'ils sont de même nature que ceux visés par les dispositions précitées du décret du 24 février 1984 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne : « 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : a) de répondre à des emplois effectivement offerts ; b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des Etats membres ; c) de séjourner dans un des Etats membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux … » ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes notamment dans son arrêt du 23 février 1994 rendu dans l'affaire C. 419/92 que, lorsqu'un Etat membre prévoit, à l'occasion du recrutement du personnel, de prendre en compte des activités professionnelles antérieures exercées par les candidats au sein d'une administration publique, il ne peut, à l'égard des ressortissants communautaires, opérer de distinction selon que ces activités ont été exercées dans le service public de ce même Etat membre ou dans celui d'un autre Etat membre ;
Considérant qu'il suit de là que les dispositions précitées du décret du 24 février 1984 qui prennent en compte, pour le classement des personnels recrutés en qualité de praticiens hospitaliers, certaines catégories de services accomplis antérieurement notamment dans des établissements d'hospitalisation publics, ne peuvent être regardées comme excluant la prise en compte de services de même nature lorsqu'ils ont été accomplis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'ainsi, en excluant, à l'occasion de la mesure de classement dont M. D. a fait l'objet, toute prise en compte des services hospitaliers accomplis par l'intéressé en Belgique, le ministre de l'emploi et de la solidarité et le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ont fait une inexacte application de l'article 19 précité du décret du 24 février 1984 ; que, par suite, M. D. est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2000 concernant son reclassement ;
Sur les conclusions en injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 11 février 2000 portant classement de M. D. en qualité de praticien hospitalier, implique nécessairement que le ministre réexamine les droits à classement de M. D. en tenant compte des services de la nature de ceux que mentionne l'article 19 du décret du 24 février 1984 accomplis par l'intéressé entre 1988 et 1994 ; qu'il y a lieu, en application de l'article L 911-2 du code de justice administrative, de prescrire au ministre de procéder à ce réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. D. la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 28 mars 2001 et l'arrêté du ministre de l'emploi et de la solidarité et du secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale du 11 février 2000 sont annulés.
Article 2 : Le ministre de la santé et de la protection sociale réexaminera, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, les droits à classement de M. Jean-Jacques D. compte tenu des services effectués par lui entre 1988 et 1994.
Article 3 : L'Etat versera à M. D. la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D. est rejeté.