La méconnaissance des formalités avant de procéder à une IVG n'est pas constitutive d'une faute engageant l'autorité publique si rien ne prouve que cette erreur de procédure ait été à l'origine d'un préjudice |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2001, présentée par le DEPARTEMENT DE LA REUNION ; le DEPARTEMENT DE LA REUNION demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9900747 du 7 février 2000 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion l'a condamné à verser à Mlle X une indemnité de 30 000 F en réparation du préjudice subi à la suite d'une faute que ses services auraient commise ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2005 :
- le rapport de M. Laborde, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Chemin, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-3 du code de la santé publique applicable au moment des faits : Le médecin sollicité par une femme en vue de l'interruption de sa grossesse doit, dès la première visite : 1° Informer celle-ci des risques médicaux qu'elle encourt pour elle-même et pour ses maternités futures, et de la gravité biologique de l'intervention qu'elle sollicite ; 2° Lui remettre un dossier-guide ... ; que l'article L. 162-4 du même code ajoute : Une femme s'estimant dans la situation visée à l'article L. 161-1 doit, après la démarche prévue à l'article L. 162-3, consulter un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé qui devra lui délivrer une attestation de consultation. Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance et des conseils appropriés à la situation de l'intéressée lui sont apportés... ; que l'article L. 162-5 du même code dispose : Si la femme renouvelle, après les consultations prévues aux articles L. 162-3 et L. 162-4, sa demande d'interruption de grossesse, le médecin doit lui demander une confirmation écrite ; il ne peut accepter cette confirmation qu'après l'expiration d'un délai d'une semaine suivant la première demande de la femme... En outre, cette confirmation ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de deux jours suivant l'entretien prévu à l'article L. 162-4, ce délai pouvant être inclus dans celui d'une semaine prévu ci-dessus. ; qu'aux termes de l'article L. 162-6 du même code : En cas de confirmation, le médecin peut pratiquer lui-même l'interruption de grossesse dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l'article L. 162-2. S'il ne pratique pas lui-même l'intervention, il restitue à la femme sa demande pour que celle-ci soit remise au médecin choisi par elle et lui délivre en outre un certificat attestant qu'il s'est conformé aux dispositions des articles L. 162-3 et L. 162-5. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, s'estimant en état de grossesse, s'est rendue le 12 août 1993 au centre de protection maternelle et infantile du département de la Réunion pour une consultation médicale ; que le test et l'examen alors pratiqués ayant confirmé cet état, l'intéressée a fait connaître aussitôt au médecin sa volonté d'interrompre la grossesse ; que l'entretien social prévu par l'article L. 162-4 du code de la santé publique précité s'est déroulé le 19 août 1993 ; que le même jour, le médecin a recueilli le consentement écrit de Mlle X renouvelant la décision exprimée précédemment ; que si un délai de huit jours s'est écoulé entre le premier examen médical et la remise de la confirmation écrite, comme l'exige l'article L. 162-5 précité, il est constant que le médecin a recueilli la confirmation écrite avant l'expiration du délai minimum de deux jours suivant l'entretien social prescrit par le même texte ; que la méconnaissance de cette formalité est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité du DEPARTEMENT DE LA REUNION, gestionnaire du centre dans lequel s'est déroulée la procédure imposée par les textes précités ;
Considérant toutefois que Mlle X ne fournit aucun élément permettant d'établir que sa décision aurait été différente si cette formalité avait été respectée, alors notamment qu'aucune hésitation exprimée par elle-même ou les membres de sa famille qui l'assistaient ne ressort de l'instruction ; qu'ainsi, les troubles psychologiques dont se plaint Mlle X, et qui résulteraient de l'opération subie, ne peuvent ainsi être regardés comme la conséquence de la formalité méconnue ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a déclaré le DEPARTEMENT DE LA REUNION responsable des conséquences dommageables subies par Mlle X et l'a condamné à verser à celle-ci une somme de 30 000 F en réparation de son préjudice moral ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 7 février 2000 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est rejetée.