Cet arrêt a trait à la situation d’un agent qui demandait le bénéfice d’une pension de retraite à jouissance immédiate à cinquante-cinq ans. En réponse à ses demandes de renseignements sur ses droits à la retraite, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) lui a indiqué qu’il ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’une retraite à jouissance immédiate à cinquante-cinq ans. Aussi, cet agent n’avait pas saisi l'établissement public de santé départemental de cette demande de mise à la retraite. Or, il s’avérait en réalité que l’agent remplissait effectivement les conditions pour bénéficier d’une telle retraite. Il estime donc avoir été privé de ses droits du fait de la faute commise par la CNRACL en lui indiquant qu’il ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’une telle retraite. Le Conseil d’Etat estime cependant dans cet arrêt que n’ayant pas saisi l’établissement public de santé de sa demande de mise à la retraite, il n’a pas été privé de ses droits et qu’il n’y a pas de lien de causalité direct entre la faute et le préjudice allégués. Il ajoute que cet établissement n’était pas tenu de mentionner sur les décisions individuelles de nomination et d’affectation de ses agents le classement de leur emploi, ce qui aurait permis au requérant de connaitre ses droits à la retraite.
Conseil d'État
9ème sous-section jugeant seule
N° 281494
Inédit au recueil Lebon
M. Jouguelet, président
M. Bertrand du Marais, rapporteur
Mme Legras Claire, commissaire du gouvernement
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; ODENT ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON, avocats
Lecture du vendredi 31 juillet 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi, enregistré le 14 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 7 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé partiellement le jugement du 9 mai 2002 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations des 24 mars, 21 juin 1999 et du 25 avril 2000 lui indiquant qu'il ne remplit pas les conditions requises pour obtenir le bénéfice d'une pension de retraite à jouissance immédiate à 55 ans, d'autre part, à la condamnation conjointe et solidaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de l'établissement public de santé départemental de la Marne à lui verser la somme de 38 112,25 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces refus ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner solidairement l'établissement public de santé départemental de la Marne et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales au versement de la somme litigieuse, assortie des intérêts de droit ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'établissement public de santé départemental de la Marne et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 ;
Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;
Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
Vu le décret n° 2007-173 du 7 février 2007 ;
Vu l'arrêté du 12 novembre 1969 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bertrand du Marais, Conseillet d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'établissement public de santé départemental de la Marne et de Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'établissement public de santé départemental de la Marne et à Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, né le 16 mai 1945, recruté par l'établissement public de santé départemental de la Marne le 16 mai 1969 comme ouvrier professionnel pour exercer la fonction de maçon, a assuré la fonction de veilleur de nuit du 2 novembre 1981 au 31 mars 1985, puis, à compter de cette date a été affecté au service Manutention-désinfection de l'établissement public ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 7 avril 2005 par lequel cette dernière, après avoir annulé partiellement le jugement du 9 mai 2002 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des courriers du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations des 24 mars, 21 juin 1999 et du 25 avril 2000 lui indiquant qu'il ne remplit pas les conditions requises pour obtenir le bénéfice d'une pension de retraite à jouissance immédiate à cinquante-cinq ans et, d'autre part, à la condamnation conjointe et solidaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et l'établissement public de santé départemental de la Marne à lui verser la somme de 38 112,25 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces refus ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des courriers du directeur de la Caisse des dépôts et des consignations :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du I de l'article 2 du décret du 9 septembre 1965 portant règlement d'administration publique et modifiant le décret n° 49-1416 du 5 octobre 1949 pris pour l'application de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 et relatif au régime de retraite des tributaires de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, alors en vigueur : L'admission à la retraite est prononcée, après avis de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, par l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. A n'a pas saisi l'établissement public de santé départemental de la Marne d'une demande de mise à la retraite à jouissance immédiate à l'âge de cinquante-cinq ans ; que les courriers des 24 mars 1999, 21 juin 1999 et 25 avril 2000 constituent des réponses à des demandes de renseignements de deux administrateurs de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales dont il ressort des pièces du dossier qu'ils ne justifiaient pas être mandatés par M. A au sens de l'article 1984 du code civil ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces trois courriers constituaient de simples réponses à des demandes de renseignement dépourvues de tout caractère décisoire et ne faisaient pas grief, et en en déduisant que les conclusions tendant à leur annulation n'étaient pas recevables ;
Sur la demande d'indemnité présentée par M. A :
En ce qui concerne les conclusions en indemnité dirigées contre l'établissement public de santé départemental de la Marne :
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe applicable même en l'absence de texte, que l'établissement public de santé départemental de la Marne eût été tenu de mentionner sur les décisions individuelles de nomination et d'affectation de ses agents, le classement de leur emploi dans l'une des catégories prévues par l'article 21 du décret du 9 septembre 1965 ; qu'ainsi, en ne mentionnant pas le classement de l'emploi de M. A en catégorie B, l'autorité administrative compétente n'a commis aucune illégalité et n'a méconnu aucune obligation qui lui aurait incombé en matière d'information et de renseignement de ses agents ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant les conclusions de M. A à fin d'indemnités, dirigées contre l'établissement public de santé départemental de la Marne ;
En ce qui concerne les conclusions en indemnités dirigées contre la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 21 du décret du 9 septembre 1965 alors en vigueur, que les emplois classés dans la catégorie B ou active sont déterminés par un arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales, du ministre chargé du budget, du ministre chargé de la santé ; que le tableau I annexé à l'arrêté du 12 novembre 1969 énumère les emplois des différents services classés en catégorie B au nombre desquels les agents des services de désinfection des services de santé et établissements publics d'hospitalisation, de soin et de cure et les ouvriers professionnels dont la fonction principale entraîne des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles : (...) Maçons ; que si l'arrêté du 12 novembre 1969, ne classe pas l'emploi de veilleur de nuit en catégorie B au sens de l'article 21 du décret du 9 septembre 1965, il ressort des pièces du dossier que M. A, initialement recruté dans un emploi d'ouvrier professionnel au sens de l'arrêté du 12 novembre 1969 pour exercer les fonctions principales de maçon pendant plus de douze ans, cinq mois et seize jours en début de carrière, a exercé la fonction d'agent de désinfection du 1er avril 1985 au 31 décembre 1994 ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que M. A avait accompli moins de 15 ans de service en catégorie B et en rejetant ses conclusions dirigées contre la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ; qu'il y a lieu d'annuler son arrêt dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A qui a bénéficié d'une cessation progressive d'activité, n'a pas saisi l'établissement public de santé départemental de la Marne d'une demande de mise à la retraite à jouissance immédiate à l'âge de cinquante-cinq ans ; qu'ainsi, il n'établit pas avoir été privé de ses droits à la retraite à taux plein à jouissance immédiate à cinquante-cinq ans du fait de la faute commise par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales en lui indiquant qu'il ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une telle retraite ; qu'il suit de là qu'en absence de lien direct entre la faute et le préjudice allégués par le requérant, M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales à lui verser la somme de 38 112,25 euros en réparation du préjudice qu'il dit avoir subi ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public de santé départemental de la Marne et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, qui ne sont pas, dans la présente affaire, les parties perdantes, les sommes que M. A demande ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A la somme que l'établissement public de santé départemental de la Marne demande ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 7 avril 2005 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de M. A dirigées contre la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Article 2 : Les conclusions de la requête de M. A tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales à lui verser une indemnité et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de l'établissement de santé départemental de la Marne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Claude A, à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et à l'établissement public de santé départemental de la Marne.