" [...] l'autorité administrative, lorsqu'elle prend un arrêté d'hospitalisation d'office, doit, d'une part, indiquer dans sa décision les considérations de droit et les circonstances de fait qui justifient cette mesure, d'autre part, une fois la décision prise, informer le plus rapidement possible de ces motifs la personne intéressée, d'une manière appropriée à son état ; que, si la méconnaissance de la première obligation entache d'illégalité la décision d'hospitalisation d'office et entraîne son annulation par le juge de l'excès de pouvoir, le défaut d'accomplissement de la seconde, qui se rapporte à l'exécution de la mesure de placement d'office, est en revanche sans influence sur sa légalité [...] " |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 17 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sylviane X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 24 novembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 8 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 9 janvier 1997 du préfet de police ordonnant son hospitalisation d'office et l'arrêté du 27 février 1997 du préfet de police abrogeant le précédent ;
2°) statuant au fond, de rejeter l'appel présenté par le ministre de l'intérieur devant la cour administrative d'appel de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention ;
Vu la loi n° 80-461 autorisant la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ensemble le décret n° 81-77 du 29 janvier 1981 qui en porte publication ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Claudie Boiteau, chargée des fonctions de maître des requêtes, rapporteur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme X,
- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X a, en application d'un arrêté du préfet de police en date du 9 janvier 1997, abrogé le 27 février suivant, fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 342 du code de la santé publique alors applicables ; que, par l'arrêt attaqué en date du 24 novembre 2003, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 8 décembre 2000 en tant qu'il avait annulé le premier de ces arrêtés pour défaut de notification et le second en raison de son intervention tardive ;
Considérant que s'il appartient à la juridiction administrative d'apprécier la régularité de la décision administrative ordonnant l'hospitalisation d'office, en application, à la date de l'hospitalisation litigieuse, des dispositions de l'article L. 342 du code de la santé publique, reprises à l'article L. 3213-1, l'autorité judiciaire est seule compétente tant pour apprécier la nécessité d'une mesure d'hospitalisation d'office en hôpital psychiatrique que, lorsque la juridiction administrative s'est prononcée sur la régularité de la décision administrative d'hospitalisation, pour statuer sur l'ensemble des conséquences dommageables de cette décision, y compris celles qui découlent de son irrégularité ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que la cour administrative d'appel s'est suffisamment expliquée sur les raisons pour lesquelles elle écartait le moyen tiré de l'absence de signature manuscrite du médecin sur le certificat médical annexé à l'arrêté du préfet du 9 janvier 1997 ; qu'en relevant que, si l'autorité administrative a l'obligation d'informer la personne intéressée des motifs fondant la mesure d'hospitalisation d'office, le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui se rapporte à l'exécution de cette mesure, est sans influence sur sa légalité, la cour a nécessairement répondu au moyen par lequel Mme X soutenait que l'autorité administrative prenant un arrêté d'hospitalisation d'office devrait y mentionner que les motifs de la décision seront portés à la connaissance de la personne hospitalisée ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité de l'arrêt attaqué :
En ce qui concerne l'arrêté du 9 janvier 1997 :
Considérant que selon les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 342 du code de la santé publique, ultérieurement reprises à l'article L. 3213-1 : A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les préfets prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office (...) des personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes. (...) Les arrêtés des préfets sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, combinées avec les stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 2 de l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend un arrêté d'hospitalisation d'office, doit, d'une part, indiquer dans sa décision les considérations de droit et les circonstances de fait qui justifient cette mesure, d'autre part, une fois la décision prise, informer le plus rapidement possible de ces motifs la personne intéressée, d'une manière appropriée à son état ; que, si la méconnaissance de la première obligation entache d'illégalité la décision d'hospitalisation d'office et entraîne son annulation par le juge de l'excès de pouvoir, le défaut d'accomplissement de la seconde, qui se rapporte à l'exécution de la mesure de placement d'office, est en revanche sans influence sur sa légalité ;
Considérant, d'une part, que, pour juger que l'arrêté litigieux était suffisamment motivé, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que l'arrêté s'appropriait expressément les conclusions du certificat médical qui y était annexé, a estimé que ce certificat comportait une description précise et circonstanciée de l'état mental de l'intéressée et indiquait les risques pesant sur la propre sécurité de Mme X, justifiant son hospitalisation d'office ; que, ce faisant, la cour a, sans les dénaturer ni commettre d'erreur de droit, porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la cour n'a pas méconnu l'étendue de la compétence de la juridiction administrative en jugeant que l'absence de notification à Mme X de l'arrêté du 9 janvier 1997 ne pouvait conduire le juge de l'excès de pouvoir à annuler cet arrêté ;
En ce qui concerne l'arrêté du 27 février 1997 :
Considérant que selon les dispositions, alors applicables, de l'article L. 346 du code de la santé publique, ultérieurement reprises à l'article L. 3213-5 : Si un psychiatre déclare sur un certificat médical ou sur le registre tenu en exécution des articles L. 341 et L. 342 que la sortie peut être ordonnée, le directeur de l'établissement est tenu d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet qui statue sans délai ;
Considérant que le caractère tardif de l'intervention de la décision par laquelle, au vu d'un tel certificat, le préfet met fin à l'hospitalisation d'office, est sans incidence sur sa légalité ; qu'il appartient à la personne intéressée, le cas échéant, de demander au juge judiciaire la réparation du préjudice résultant de la faute commise par l'administration en ne statuant pas sans délai sur la sortie de la personne hospitalisée d'office ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'arrêté du préfet de police en date du 27 février 1997 ne pouvait être annulé par le juge de l'excès de pouvoir au motif qu'il avait été pris tardivement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Décide
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Sylviane X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.