Revenir aux résultats de recherche

Conseil d’Etat, 2 juillet 2010, n°309562 (Responsabilité hospitalière – Centre hospitalier – Infection nosocomiale – Décès – Préjudice économique)

Par cet arrêt, le Conseil d’ Etat précise la notion de préjudice économique des ayants droit d’une victime salariée. Il affirme que le principe de la réparation intégrale du préjudice doit conduire le juge à déterminer, au vu des éléments de justification soumis à son appréciation, le montant de la perte de revenus dont la victime ou ses ayants droit ont été effectivement privés du fait du dommage qu'elle a subi. Ainsi, la haute juridiction administrative indique que ce montant doit s’entendre comme correspondant aux revenus nets perdus par elle ; que cette règle ne fait cependant pas obstacle à ce que soient incluses, dans le calcul du préjudice économique des ayants droit d’une victime, les charges nouvelles qu’auront le cas échéant à supporter ceux-ci pour bénéficier de prestations sociales ou assurantielles équivalentes à celles auxquelles ils avaient droit du chef du vivant de la victime et dont ils se trouvent privés à la suite de son décès.

Conseil d'État
N° 309562
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies

M. Vigouroux, président
M. Olivier Rousselle, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
SCP MONOD, COLIN ; LE PRADO, avocats

lecture du vendredi 2 juillet 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 21 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE, dont le siège est 7 avenue Paul Doumer BP 15 à Nouméa (98849) ; le CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 juillet 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 avril 2005 du tribunal administratif de Nouméa le condamnant à verser diverses indemnités à Mme Veuve et à ses deux fils, à la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie en réparation du décès de M. et a mis à sa charge une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nouméa en réduisant le montant des indemnités qu'il a été condamné à verser à la suite du décès de M. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE et de la SCP Monod, Colin, avocat des consorts A,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE et à la SCP Monod, Colin, avocat des consorts A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. est décédé dans la nuit du 30 décembre 2000 au CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE des suites d'un choc septique ; que, par un jugement du 14 avril 2005, le tribunal administratif de Nouméa a déclaré ce centre hospitalier responsable du préjudice lié à ce décès, des suites d'une infection nosocomiale contractée dans cet établissement, et l'a condamné à verser à sa veuve et à chacun de ses deux fils diverses indemnités en réparation du préjudice subi ; que, par un arrêt du 11 juillet 2007, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le centre hospitalier de Nouméa contre ce jugement ; que l'hôpital se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il détermine le montant du préjudice indemnisable ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que devant les juges d'appel, le CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE avait fait valoir qu'en calculant le préjudice économique subi par les ayants droit de la victime qui était salariée, sur la base du montant brut du dernier salaire qu'elle avait perçu avant déduction des différentes contributions sociales ou assurantielles mises à sa charge, et non sur celle du montant net dudit salaire, les premiers juges avaient commis une erreur de droit ;

Considérant que le principe de la réparation intégrale du préjudice doit conduire le juge à déterminer, au vu des éléments de justification soumis à son appréciation, le montant de la perte de revenus dont la victime ou ses ayants droit ont été effectivement privés du fait du dommage qu'elle a subi ; que ce montant doit en conséquence s'entendre comme correspondant aux revenus nets perdus par elle ; que cette règle ne fait cependant pas obstacle à ce que soient incluses, dans le calcul du préjudice économique des ayants droit d'une victime, les charges nouvelles qu'auront le cas échéant à supporter ceux-ci pour bénéficier de prestations sociales ou assurantielles équivalentes à celles auxquelles ils avaient droit du chef du vivant de la victime et dont ils se trouvent privés à la suite de son décès ;

Considérant qu'en jugeant que le tribunal administratif avait à bon droit estimé que, pour le calcul du préjudice économique des ayants droit de M. , les revenus salariaux de ce dernier devaient être pris en compte pour leur montant brut, sans rechercher si les demandeurs avaient justifié de charges nouvelles destinées à leur permettre de bénéficier de prestations sociales ou assurantielles dont ils se seraient trouvés privés du fait du décès de la victime, la cour n'a pas légalement justifié son arrêt ; que le CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE est, par suite, fondé à en demander l'annulation ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 4 000 euros que les consorts réclament au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 11 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions de Mme Irma , de M. Yves et de M. Patrick tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER TERRITORIAL DE NOUVELLE CALEDONIE, à Mme Irma , à M. Yves et de M. Patrick et à la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie.