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Conseil d'Etat, 19 mars 1997(obligation d'information - précaution à prendre postérieurement à l'intervention)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 avril 1993 et 13 juillet 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M.  M. et Mme X., demeurant (...) ; M. X et Mme X. demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 18 février 1993 par laquelle la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 10 juillet 1991, par lequel le tribunal administratif de Paris a limité à la somme de 51 679 F pour M. M. X et à la somme de 10 000 F pour Mme X. le montant des indemnités que l'administration générale de l'Assistance publique de Paris a été condamnée à leur verser, en réparation du préjudice résultant de l'intervention chirurgicale subie au sein d'un hôpital de l'AP-HP le 21 octobre 1986 par M. X. et d'autre part, à la condamnation de l'Assistance publique de Paris à leur verser la somme de 400 000 F pour M. X et la somme de 80 000 F pour Mme X., avec intérêts de droit ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-706 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du2 septembre 1988 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de la SCP le Prado, avocat de M. X et de Mme X  et de Me Foussard, avocat de l'Assistance publique de Paris,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la cavernographie avec cavernométrie subie le 21 octobre 1986, au sein d'un l'hôpital de l'AP-HP, M. X n'a, à aucun moment, été informé des conséquences de cette intervention et, notamment, des précautions à prendre en cas de troubles anormaux qui auraient pu se manifester dans les heures suivant cette intervention ; qu'aucune indication ne lui a été donnée, en particulier sur la conduite à tenir vis-à-vis de l'Hôpital en cas de troubles, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'Assistance publique de Paris ;

Considérant que M. X. a constaté, après l'intervention, qu'il souffrait de priapisme ; qu'il a prévenu l'Hôpital par téléphone au début de l'après-midi du 22 octobre, après s'être rendu à son travail ; que M. X. n'a été informé que dans la soirée du 22 octobre que le chef du service compétent n'avait pu être joint ; que ce n'est que le lendemain, 23 octobre en début d'après-midi, qu'une intervention chirurgicale sur les corps caverneux a été effectuée, d'ailleurs sans succès ; qu'ainsi, le retard préjudiciable au traitement de ce priapisme ne peut être imputé à l'intéressé ; que, de plus, le fait que l'intéressé a quitté le service de l'Hôpital (...) le 24 octobre, à la suite de l'intervention chirurgicale, est sans influence sur les conséquences qu'a pu avoir son comportement entre la cavernographie et cette intervention chirurgicale ;

Considérant qu'en estimant que le comportement de M. X. ainsi que l'existence d'antécédents médicaux et psychologiques étaient de nature à exonérer partiellement l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de sa responsabilité, la cour administrative d'appel de Paris a procédé à une qualification juridique erronée des faits de l'espèce ; que M. X est ainsi fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut, soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert commis par le tribunal administratif de Paris, que l'intervention chirurgicale n'a été effectuée que le 23 octobre 1986, alors que M. X avait signalé les symptômes du priapisme dès le 22 octobre en début d'après-midi ; que, par ailleurs, M. X n'a, à aucun moment, été informé des risques liés à la cavernographie ; qu'ainsi ce manque d'information puis le retard dans le traitement du priapisme constaté à la suite de la cavernographie constituent une faute de service de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique de Paris ; qu'aucun fait de nature à limiter cette responsabilité ne peut être imputé à M. X. ; qu'il est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a retenu que pour moitié la responsabilité de l'Assistance publique de Paris ;

Sur l'évaluation du préjudice :

En ce qui concerne M. X :

Considérant que le comportement de M. X ne peut être regardé comme ayant constitué une faute de nature à exonérer en partie l'Assistance publique de sa responsabilité ; que M. X souffre d'une incapacité partielle permanente de 15 %, due à une impuissance définitive, à l'origine de troubles psychologiques, sexuels, familiaux et sociaux ; que l'ensemble de ces troubles peut être évalué à 150 000 F ;

En ce qui concerne Mme X  :

Considérant que Mme X  épouse de M. X peut être regardée comme subissant un trouble important dans ses conditions d'existence ; que le montant de ce préjudice peut être fixé à 40 000 F ;

Considérant que ces sommes porteront intérêt à compter de la demande formulée par M. X et Mme X auprès de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, soit le 10 juin 1988 ;

DECIDE :
Article 1er : L'arrêt en date du 18 février 1993 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'article 1 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 10 juillet 1991 est annulé en tant qu'il condamne l'Assistance publique de Paris à verser à M. X. la somme de 51 679 F et à Mme G. la somme de 10 000 F.
Article 3 : L'administration générale de l'Assistance publique de Paris est condamnée à verser la somme de 150 000 F à M. X. et 40 000 F à Mme X Ces sommes porteront intérêt à compter du 10 juin 1988.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. X et Mme X et le recours incident de l'Assistance publique de Paris sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X., à Mme X à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, à l'administration générale de l'Assistance publique de Paris et au ministre du travail et des affaires sociales.