Ce jugement est intéressant en ce qu’il précise les modalités de calcul permettant de désigner les représentants des personnels au conseil de surveillance d'un établissement public de santé. En l’espèce, un directeur général d’ARS avait arrêté la composition du conseil de surveillance d’un CHU, en y incluant en qualité de membres représentant du personnel désignés par les organisations syndicales, deux personnes affiliées au syndicat CGT. La Coordination nationale infirmière locale a saisi le Tribunal d’un recours en annulation. Dans un premier temps, le Tribunal rappelle que lorsqu’un conseil de surveillance comprend quinze membres, deux d'entre eux doivent être désignés par les organisations syndicales les plus représentatives en fonction des résultats obtenus lors des élections au comité technique d'établissement. Le premier siège devant être « est attribué à l'organisation syndicale ayant recueilli le plus grand nombre de voix, le second l'étant selon la règle de la plus forte moyenne entre toutes les listes ». Cette règle de la plus forte moyenne signifie que le second siège doit être attribué « à l'organisation syndicale pour laquelle la division du nombre de suffrages recueillis aux élections au comité technique de l'établissement par le nombre de sièges qui lui ont déjà été attribués au conseil de surveillance, plus un, donne le plus fort résultat » : nombre de suffrages recueillis aux élections au CTE / (nombre de sièges attribués au conseil de surveillance + 1) En attribuant les deux sièges à la CGT, le Directeur général de l’ARS a entaché l’arrêté contesté d’une erreur de droit. |
Le Tribunal administratif de Poitiers
(3ème chambre)
N° 1001941
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COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS
c/
- Agence régionale de santé Poitou-Charentes
- Syndicat CGT du CHU de Poitiers
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M. Lacassagne
Rapporteur
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M. Jaehnert
Rapporteur public
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Audience du 17 octobre 2012
Lecture du 7 novembre 2012
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la requête, enregistrée le 24 juillet 2010, sous le n° 1001941, présentée pour la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS, dont le siège est 2 rue de la Miletrie à Poitiers (86000), représentée par son président en exercice, par Me Ondongo, avocat ;
La COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS demande au tribunal d'annuler l'arrêté n° 136/2010 du 8 juin 2010 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé Poitou-Charentes a fixé la composition nominative du conseil de surveillance du centre hospitalier universitaire de Poitiers, ainsi que de condamner cette agence à lui verser une somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La requérante soutient que c'est à tort que l'arrêté attaqué a attribué à la Confédération générale du travail le second des sièges réservés aux organisations syndicales dès lors que l'application de la règle de répartition à la plus forte moyenne, prévue par le décret n° 2010-361 du 8 avril 2010, imposait de lui attribuer ce siège compte tenu de ses résultats aux élections de 2007 au comité technique de l'établissement ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2010, présenté par le syndicat Confédération générale du travail du centre hospitalier universitaire de Poitiers qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS à lui verser 1.500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le syndicat soutient que seul le second siège doit être attribué selon la méthode de la plus forte moyenne, ou méthode d'Hondt, laquelle ne doit pas être confondue avec celle de répartition au plus fort reste, ou méthode du quotient de Hare ; que l'application de la méthode de la plus forte moyenne conduit à l'attribution du second siège telle que l'arrêté l'a prévue ;
Vu l'ordonnance en date du 20 juin 2012 fixant la clôture d'instruction au 20 juillet 2012 ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à l'agence régionale de santé Poitou-Charentes pour laquelle il n'a pas été produit de mémoire ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2012 :
- le rapport de M. Lacassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Jaehnert, rapporteur public ;
- et les observations de Mme X, secrétaire générale de la Confédération générale du travail du centre hospitalier universitaire de Poitiers ;
1. Considérant que, par un arrêté n° 136/2010 en date du 8 juin 2010, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Poitou-Charentes a arrêté la composition du conseil de surveillance du centre hospitalier universitaire de Poitiers en y incluant, en qualité de membres représentant du personnel désignés par les organisations syndicales, deux personnes affiliées au syndicat CGT ; que la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS, qui avait aussi vocation à désigner des représentants au conseil de surveillance, demande l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Considérant que le décret n° 2010-361 du 8 avril 2010 a modifié les dispositions du code de la santé publique relative à la composition du conseil de surveillance des centres hospitaliers ; qu'aux termes de l'article R. 6143-1 de ce code : « Le nombre des membres du conseil de surveillance des établissements publics de santé mentionnés à l'article L. 6141-1 est égal à neuf pour les établissements de ressort communal et à quinze pour les autres établissements [...] » ; que l'article R. 6143-3 du même code dispose : « Les conseils de surveillance composés de quinze membres comprennent : / [...] 2° Au titre des représentants du personnel : / [...] c) Deux membres désignés par les organisations syndicales les plus représentatives compte tenu des résultats obtenus lors des élections au comité technique d'établissement [...] » ; qu'enfin, selon l'article R. 6143-4 : « Les membres du conseil de surveillance des établissements publics de santé [...] sont nommés par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé [...] / Les membres des conseils de surveillance des établissements publics de santé, qui ne sont ni membres de droit ni personnalités qualifiées, sont désignés dans les conditions suivantes : / [...] 4° Les organisations syndicales appelées à désigner un membre sont déterminées par le directeur général de l'agence régionale de santé compte tenu du nombre total des voix qu'elles ont recueillies, au sein de l'établissement concerné, à l'occasion des élections au comité technique d'établissement. / [...] Lorsque le conseil de surveillance comprend deux représentants du personnel, le premier siège est attribué à l'organisation syndicale ayant recueilli le plus grand nombre de voix. Le second siège est attribué selon la règle de la plus forte moyenne entre toutes les listes [...] » ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que, lorsque le conseil de surveillance d'un établissement public de santé comprend quinze membres, deux d'entre eux sont désignés par les organisations syndicales les plus représentatives compte tenu des résultats obtenus lors des élections au comité technique d'établissement ; que le premier siège est attribué à l'organisation syndicale ayant recueilli le plus grand nombre de voix, le second l'étant selon la règle de la plus forte moyenne entre toutes les listes ;
4. Considérant, d'autre part, que la règle de la plus forte moyenne conduit à attribuer le second siège à l'organisation syndicale pour laquelle la division du nombre de suffrages recueillis aux élections au comité technique de l'établissement par le nombre de sièges qui lui ont déjà été attribués au conseil de surveillance, plus un, donne le plus fort résultat ;
5. Considérant qu'en l'espèce, le conseil de surveillance du centre hospitalier universitaire de Poitiers comprend quinze membres, dont deux devaient être désignés par les organisations syndicales ; qu'aux élections de 2007 au comité technique, la liste présentée par la CGT du centre hospitalier universitaire de Poitiers a obtenu 847 voix, la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS 428 voix et les autres listes un nombre de voix inférieur ; qu'il s'ensuit que le premier siège devait être attribué à la CGT ; que, pour l'attribution du second siège, il convenait de comparer les quotients 847/(1+1) = 423,5, pour la CGT, et 428/(0+1) = 428, pour la requérante ; que le second siège devait ainsi être attribué à la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS ;
6. Considérant qu'il s'ensuit qu'en attribuant les deux sièges à la CGT, le directeur général de l'agence régionale de santé Poitou-Charentes a entaché l'arrêté attaqué d'erreur de droit ; que la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS est, par suite, fondée à demander dans cette mesure l'annulation dudit arrêté ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que réclame le syndicat CGT du CHU de Poitiers au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Poitou-Charentes le versement à la requérante d'une somme de 1.200 € au titre des même frais ;
Décide :
Article 1er : L'arrêté n° 136/2010 du 8 juin 2010 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé Poitou-Charentes a fixé la composition nominative du conseil de surveillance du centre hospitalier universitaire de Poitiers est annulé en tant qu'il a nommé les deux représentants désignés par les organisations syndicales.
Article 2 : L'agence régionale de santé Poitou-Charentes versera à la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS une somme de 1.200 (mille deux cents) € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions du syndicat CGT du CHU de Poitiers tendant à la mise à la charge de la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la COORDINATION NATIONALE INFIRMIERE LOCALE DE POITIERS, à l'agence régionale de santé Poitou-Charentes et au syndicat Confédération générale du travail du centre hospitalier universitaire de Poitiers.