La loi n°2011-du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a été publiée au JO le 30 décembre dernier.
Cette loi, dont l’esprit est de « refondre le système de sécurité sanitaire des produits de santé pour concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique » fait suite aux Assises du médicament ainsi qu’aux travaux de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé.
Elle comporte 48 articles répartis en 5 volets (transparence des liens d’intérêts, gouvernance des produits de santé, médicament à usage humain, dispositifs médicaux, dispositions diverses). Les points principaux à retenir pour l’AP-HP sont les suivants :
1. Le premier objectif de cette loi est d’instaurer une transparence optimale sur les liens que le secteur industriel entretient avec les intervenants du système de santé.
Dorénavant les entreprises du médicament auront l’obligation de rendre publiques les conventions passées avec les professionnels de santé, les étudiants en médecine, les établissements de santé, les associations de patients, les fondations, les organes de presse spécialisée ou les sociétés savantes. La même obligation s’applique aux avantages en nature ou en espèces que ces entreprises leur procurent directement ou indirectement, au-delà d’un seuil qui sera fixé par un décret dont la publication devrait avoir lieu en janvier 2012.
Les dispositions nouvelles viennent ainsi compléter et renforcer celles qui aujourd’hui interdisent de manière générale aux membres des professions médicales de recevoir des avantages en nature ou en espèces, de façon directe ou indirecte, de la part d’entreprises produisant ou commercialisant des produits pris en charge par l’assurance maladie (loi Sapin « anti-cadeaux » du 29 janvier 1993). Elles s’ajoutent aux obligations légales et déontologiques des médecins de communiquer au conseil départemental de l’Ordre les contrats et avenants ayant pour objet l’exercice de leur profession.
2. Une « Charte de l’expertise sanitaire », fondée sur les obligations de probité et d’impartialité et élaborée par décret en Conseil d’Etat devra définir les nouvelles règles du jeu pour les experts commis par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) qui remplace l’AFSSAPS en encadrant « la réalisation de l’ensemble des expertises réalisées à la demande des services ou instances en charge de la santé publique ou de la sécurité sanitaire ou par les instances placées sous tutelle du ministère de la Santé ». Elle précisera « les modalités de choix des experts, le processus d’expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision, la notion de lien d’intérêts, les cas de conflit d’intérêts, les modalités de gestion d’éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d’intérêts ».
On rappellera que l’IGAS, dans un rapport remarqué, avait souligné le volume important d’expertises médicales réalisées par les praticiens des CHU pour le compte d’organismes publics et privés (IGAS, « Enquête sur la rémunération des médecins et chirurgiens hospitaliers », 2009).
3. Les établissements publics de santé ne sont pas, à ce stade*, concernés par la déclaration d’intérêts lors de la prise de fonction, comme c’est le cas pour les membres et pour les personnels de directions des agences sanitaires (Agence de la biomédecine, ARS, ANSM, INCa, InVS) et d’autres organismes publics dans le domaine de la santé.
4. La loi introduit une expérimentation de la visite médicale collective à l’hôpital pour certains médicaments, avec un champ plus réduit qu’initialement prévu, puisque les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière et les dispositifs médicaux en sont exclus. Une convention devra être conclue entre chaque établissement de santé et l’employeur de la personne concernée.
Sous le titre "gouvernance des produits de santé", on retiendra que l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament se substitue à l’AFSSAPS et a pour mission d’évaluer les bénéfices et les risques des produits, de surveiller le risque tout au long de leur cycle de vie et de réaliser régulièrement des réévaluations des bénéfices et des risques. Le texte donne compétence à son directeur général pour demander des études supplémentaires au moment de l’octroi de l’AMM. L’agence nouvelle pourra accéder aux informations couvertes par le secret médical ou le secret en matière commerciale et industrielle dans des conditions préservant la confidentialité des données. Elle est dotée de pouvoirs de sanctions administratives visant à réprimer les manquements commis par les entreprises du médicament à leurs obligations légales.
Le cadre légal de la publicité en faveur des médicaments est durci. La loi instaure un contrôle a priori des publicités pour les médicaments, revoit les conditions de publicité pour les vaccins vers le grand public et renforce le cadre de la publicité pour les dispositifs médicaux et de leur évaluation par la HAS. Désormais, toute publicité auprès des professionnels de santé est soumise à autorisation préalable, dénommée « visa de publicité », de l’ANSM.
Enfin, l’ANSM, en liaison avec la HAS et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie met en œuvre une base de données administratives et scientifiques sur les traitements et le bon usage des médicaments, consultable et téléchargeable gratuitement sur le site internet du ministère chargé de la santé, destinée à servir de référence pour l’information des professionnels de santé, des usagers et des administrations compétentes en matière de produits de santé.
* Cette disposition figure dans le projet de loi sur les conflits d’intérêts déposé à l’Assemblée Nationale, mais qui ne sera pas discuté d’ici la fin de la session