Un patient fugue en pleine nuit de l’établissement gériatrique dans lequel il avait été admis à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Les proches du patient (aujourd’hui décédé) font grief à l'arrêt attaqué de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts à l'encontre de l’établissement pour le préjudice subi. A l’appui de sa demande, la famille invoque un défaut de surveillance de la part des personnels de l'établissement de santé. La Cour considère que le patient « alors âgé de quatre-vingts ans, victime d'un accident vasculaire cérébral, semblait désorienté dans l'espace et le temps mais n'était pas agité avant qu'il eût arraché sa perfusion » et que « son état n'exigeait cependant pas alors des diligences particulières telles que la mise en place d'une surveillance constante, des mesures de contention ou l'administration d'un sédatif ». Elle ajoute que « la clinique, en tant qu'établissement de gériatrie, ne pouvait se voir imposer un dispositif renforcé comparable à celui d'un hôpital psychiatrique ». La Cour confirme qu'aucune faute de surveillance ne peut être mise à charge de l’établissement. Le pourvoi est donc rejeté. |
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 9 avril 2014
N° de pourvoi: 13-15561
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme X... et Mme Y... (les consorts X...), ayant repris l'instance après le décès de M. X..., font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2012) de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts à l'encontre de la Clinique A., représentée par la société Z..., pour le préjudice subi par ce patient, du fait de sa fugue, dans la nuit du 15 au 16 octobre 2007, hors de l'établissement, où il avait été admis pour traiter les suites d'un accident vasculaire cérébral, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un établissement de santé privé est tenu de prendre les mesures nécessaires pour veiller à sa sécurité, les exigences afférentes à cette obligation étant fonction de l'état du patient ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X..., hospitalisé pour des troubles du comportement à la suite d'un accident vasculaire cérébral, avait semblé désorienté dans l'espace et le temps au cours de la journée du 15 octobre 2010, puis avait arraché sa perfusion vers 20 heures 30 et que, bien qu'elle ait constaté vers 4 heures qu'il avait quitté sa chambre, qu'il errait dans les couloirs et qu'il était devenu très agité et agressif, l'infirmière de garde, après l'avoir simplement recouché, s'était bornée à appeler un médecin et, sans attendre son arrivée, avait laissé M. X... sans aucune surveillance ; qu'en retenant, néanmoins, que toutes les diligences de surveillance qui s'imposaient en fonction de l'état de M. X... avaient été prises, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1142-1 du code de la santé publique et 1147 du code civil ;
2°/ qu'en se bornant à retenir que, bien que semblant désorienté dans l'espace et le temps, M. X... n'était pas agité avant la fin de la journée du 15 octobre où il avait arraché sa perfusion vers 20 heures 30 et que son état n'aurait pas exigé, alors, des diligences particulières, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si de telles diligences, consistant par exemple en une surveillance renforcée, des mesures de contention ou la simple administration d'un sédatif, ne se seraient pas imposées ensuite, dès lors qu'il avait été constaté que M.X..., âgé de 80 ans, qui avait été hospitalisé pour des troubles du comportement après avoir été victime d'un accident vasculaire cérébral hémorragique susceptible d'entraîner des crises épileptiques, des séquences d'hallucination et un risque de chute, et qui avait déjà arraché sa perfusion à deux reprises, avait quitté sa chambre vers 4 heures du matin, qu'il errait dans les couloirs, entrant dans toutes les chambres et qu'il était devenu alors très agité et agressif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 du code de la santé publique et 1147 du code civil ;
3°/ qu'en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un établissement de santé privé est tenu de prendre les mesures nécessaires pour veiller à sa sécurité ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M.X... était parvenu, en pleine nuit, à sortir du bâtiment de la clinique, puis de l'enceinte de l'établissement, « vraisemblablement » en escaladant le grillage, alors que les portes d'accès auraient dû être fermées dès 20 heures 30, et que ce n'est qu'après les faits que la Clinique A., établissement de gériatrie, s'était dotée d'un système reliant toutes les portes du bâtiment à un boîtier central permettant aux équipes de nuit d'être averties de l'ouverture d'une porte ; qu'en retenant, cependant, qu'aucune faute liée à une défaillance du dispositif de contrôle des entrées et sorties de l'établissement n'était caractérisée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1142-1 du code de la santé publique et 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que M.X..., alors âgé de quatre-vingts ans, victime d'un accident vasculaire cérébral, semblait désorienté dans l'espace et le temps mais n'était pas agité avant qu'il eût arraché sa perfusion, le 15 octobre, vers 20 heures 30, que son état n'exigeait cependant pas alors des diligences particulières telles que la mise en place d'une surveillance constante, des mesures de contention ou l'administration d'un sédatif, que, vers 4 heures du matin, l'infirmière de garde, lorsqu'elle a constaté qu'il avait quitté sa chambre, errait dans les couloirs de la clinique et devenait très agressif, après l'avoir recouché, avait immédiatement appelé le médecin qui était arrivé en quelques minutes et avait constaté la disparition, que les secours étaient aussitôt intervenus et que M.X... avait été retrouvé rapidement ; que, constatant encore que les portes de l'établissement étaient fermées à partir de 20 heures 30, que le patient avait vraisemblablement, compte tenu de ses blessures, escaladé l'enceinte grillagée de l'établissement, haute de trois mètres, et ayant affirmé, à juste titre, que la clinique, en tant qu'établissement de gériatrie, ne pouvait se voir imposer un dispositif renforcé comparable à celui d'un hôpital psychiatrique, la cour d'appel a pu déduire de ses constatations, sans encourir aucun des griefs du moyen, qu'aucune faute de surveillance ne pouvait être mise à la charge de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes X... et X... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par …, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait considéré que la Clinique A..n'avait commis aucun manquement à son obligation de sécurité et de surveillance et en ce qu'il avait débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE M. X..., né le 30 novembre 1926, a été amené le 14 octobre 2007 au service des urgences de l'hôpital B. où il a passé un scanner révélant la survenue d'un AVC hémorragique ; qu'il a été transféré le lendemain à la Clinique A...pour la prise en charge de cet AVC ; qu'en état de choc et dans un moment de confusion, il a fugué de cet établissement la nuit, a été retrouvé blessé à la jambe et au front et transféré aux urgences de l'hôpital C ; qu'il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats que M.X..., victime d'un AVC, semblait désorienté dans l'espace et le temps mais n'était pas agité avant la fin de la journée du 15 octobre où il a arraché sa perfusion vers 20h30, que son état n'exigeait cependant pas alors des diligences particulières telles que la mise en place d'une surveillance constante, des mesures de contention ou l'administration d'un sédatif ; que vers 4h du matin lorsqu'elle a constaté que M.X... avait quitté sa chambre, errait dans les couloirs et devenait très agité et agressif, l'infirmière de garde, après avoir recouché le patient, a immédiatement appelé le médecin qui est arrivé en quelques minutes et a constaté la disparition de M. X... ; que la clinique a ainsi accompli toutes les diligences de surveillance qui s'imposaient en fonction de l'état de M.X... ; qu'en outre, les circonstances de la fugue et notamment la mention par le commissariat d'une chute d'environ trois mètres résultant probablement de l'escalade par M.X... d'une enceinte grillagée de la clinique ne permettent pas davantage de retenir une faute liée à une défaillance éventuelle du dispositif d'entrées et de sorties de la clinique qui en tant qu'établissement de gériatrie ne peut se voir imposer un dispositif renforcé comparable à celui d'un hôpital psychiatrique et alors qu'il résulte au surplus de l'ensemble des attestations du personnel que les portes d'accès à la clinique sont fermée à partir de 20h30 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte des éléments fournis par l'établissement de soin que M. X... a été admis à la Clinique A... le 15 octobre 2007 à 13h, qu'il était calme et a commencé à s'agiter seulement dans la nuit du 15 au 16 octobre ; que l'infirmière a alors appelé le médecin de garde vers 4h du matin, lequel est arrivé rapidement et a constaté que le patient n'était plus dans la chambre, l'infirmière de garde ayant été appelée entre temps auprès d'un autre malade ; que les enceintes de l'établissement étaient fermées, et que M. X... a vraisemblablement quitté l'enceinte en escaladant le grillage, puisqu'il a été retrouvé du sang sur ce grillage, et que M. X... était blessé au mollet lors de sa découverte par les policiers, immédiatement appelés par le personnel de la clinique (fax confirmant cet appel le 16 octobre à 5h30 du matin) ; que lors de l'appel de la clinique, le policiers avaient déjà retrouvé le patient, les pompiers étant intervenus à 5h18 ainsi que cela résulte du compte-rendu de secours ; qu'il s'évince des attestations du personnel de la clinique que les portes d'accès (entrée parking et entrée piétons) sont fermées dès 20h30 le soir ; qu'après les faits, la clinique a accéléré les travaux de sécurisation pour renforcer son dispositif de contrôle des entrées et sorties, en reliant toutes les portes du bâtiment à un boîtier central au poste infirmier pour que les équipes de nuit soient averties dès l'ouverture d'une porte ; que contrairement à ce qu'allègue le demandeur, l'exécution de ces travaux supplémentaires ne constitue nullement un aveu implicite de la défaillance du système de contrôle existant à l'époque des faits, mais un souci de la part de la clinique de renforcer sa sécurité ;
1°) ALORS QU'en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un établissement de santé privé est tenu de prendre les mesures nécessaires pour veiller à sa sécurité, les exigences afférentes à cette obligation étant fonction de l'état du patient ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X..., hospitalisé pour des troubles du comportement à la suite d'un accident vasculaire cérébrale, avait semblé désorienté dans l'espace et le temps au cours de la journée du 15 octobre 2010, puis avait arraché sa perfusion vers 20h30 et que, bien qu'elle ait constaté vers 4h qu'il avait quitté sa chambre, qu'il errait dans les couloirs et qu'il était devenu très agité et agressif, l'infirmière de garde, après l'avoir simplement recouché, s'était bornée à appeler un médecin et, sans attendre son arrivée, avait laissé M. X... sans aucune surveillance ; qu'en retenant, néanmoins, que toutes les diligences de surveillance qui s'imposaient en fonction de l'état de M. X... avaient été prises, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1142-1 du Code de la santé publique et 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en se bornant à retenir que, bien que semblant désorienté dans l'espace et le temps, M. X... n'était pas agité avant la fin de la journée du 15 octobre où il avait arraché sa perfusion vers 20h30 et que son état n'aurait pas exigé, alors, des diligences particulières, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si de telles diligences, consistant par exemple en une surveillance renforcée, des mesures de contention ou la simple administration d'un sédatif, ne se seraient pas imposées ensuite, dès lors qu'il avait été constaté que M. X..., âgé de 80 ans, qui avait été hospitalisé pour des troubles du comportement après avoir été victime d'un accident vasculaire cérébral hémorragique susceptible d'entraîner des crises épileptiques, des séquences d'hallucination et un risque de chute, et qui avait déjà arraché sa perfusion à deux reprises, avait quitté sa chambre vers 4h du matin, qu'il errait dans les couloirs, entrant dans toutes les chambres et qu'il était devenu alors très agité et agressif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 du Code de la santé publique et 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en tout état de cause, en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un établissement de santé privé est tenu de prendre les mesures nécessaires pour veiller à sa sécurité ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X... était parvenu, en pleine nuit, à sortir du bâtiment de la clinique, puis de l'enceinte de l'établissement, « vraisemblablement » en escaladant le grillage, alors que les portes d'accès auraient dû être fermées dès 20h30, et que ce n'est qu'après les faits que la Clinique A, établissement de gériatrie, s'était dotée d'un système reliant toutes les portes du bâtiment à un boîtier central permettant aux équipes de nuit d'être averties de l'ouverture d'une porte ; qu'en retenant, cependant, qu'aucune faute liée à une défaillance du dispositif de contrôle des entrées et sorties de l'établissement n'était caractérisée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1142-1 du Code de la santé publique et 1147 du Code civil.