Un agent de l’AP-HP a été suspendu de ses fonctions de praticien hospitalier à la suite d'accusations portées à son encontre par l'une de ses patientes et ayant donné lieu au dépôt d'une plainte. Il demande au juge que soit enjoint à l’administration de le réintégrer dans ses fonctions. Il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Le Conseil d’Etat relève que le tribunal administratif s’est référé aux dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 relatives à la suspension des fonctionnaires en cas de faute grave. Il estime que cette loi s’applique « aux fonctionnaires civils des établissements de santé » et que les médecins praticiens hospitaliers ne sont pas visés. Ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit et l’ordonnance attaquée doit être annulée.
Conseil d'État
N° 366686
Inédit au recueil Lebon
5ème sous-section jugeant seule
Mme Dominique Chelle , rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
FOUSSARD ; SCP RICHARD, avocat
lecture du mercredi 26 mars 2014
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 22 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X.., demeurant ... ; M. X..demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301132/13 du 20 février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de la décision du 7 février 2013 de la directrice du centre hospitalier X, relevant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le suspendant de ses fonctions hospitalières et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la directrice de ce centre hospitalier de le réintégrer dans ces fonctions dans un délai de quinze jours ;
2°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. X..et à Me Foussard, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 7 février 2013, la directrice du centre hospitalier X a suspendu M. X..de ses fonctions de praticien hospitalier à la suite d'accusations portées à son encontre par l'une de ses patientes et ayant donné lieu au dépôt d'une plainte ; que M. X.. a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande d'annulation de cette décision et a demandé au juge des référés de ce tribunal de suspendre son exécution sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
2. Considérant que, si l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que cette loi s'applique aux fonctionnaires civils des " établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales ", lesquels comprennent les établissements publics de santé, ce renvoi ne vise pas les médecins praticiens hospitaliers mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, qui font partie du personnel de ces établissements, mais auxquels les dispositions de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, qui constituent le titre IV du statut général, ne sont, en vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article 2 de cette dernière loi, pas applicables ; que, par suite, en se référant, pour statuer sur la demande dont il était saisi, aux dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 relatives à la suspension des fonctionnaires, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit ; que l'ordonnance attaquée doit par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulée ;
3. Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
5. Considérant qu'à l'appui de la demande dont il a saisi le juge des référés, M. X... fait valoir que la décision du 7 février 2013 le suspendant des ses fonctions est insuffisamment motivée, qu'elle ne mentionne pas que le directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers sera informé de la mesure de suspension, qu'elle présente un caractère rétroactif, qu'elle revêt le caractère d'une sanction déguisée, qu'elle repose sur des faits matériellement inexacts et qu'elle n'est pas justifiée par des circonstances exceptionnelles ; qu'en l'état de l'instruction, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
6. Considérant qu'une des conditions auxquelles les dispositions de l'article L. 521-1 subordonnent la suspension de l'exécution des décisions administratives n'étant pas remplie, la demande présentée par M. X...doit être rejetée ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient, par suite, être accueillies ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, au titre des mêmes dispositions, la somme que demande l'AP-HP au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1301132/13 du juge des référés du tribunal administratif de Melun en date du 20 février 2013 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. X...devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X...et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X..et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.