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Cour administrative d’appel de Douai, 3 avril 2014, n° 13DA00109 (Appréciation des offres – Principe d’égalité)

Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 3 février 2011, le pouvoir adjudicateur A. a lancé une procédure de passation d'un marché portant sur les travaux de rénovation de la station d'alerte à la pollution de Mametz. Parmi les trois offres présentées par la société X.,  la société Y. et la société Z., l'offre de la société X. a été retenue. Le marché a été signé le 19 avril 2011. Sur déféré préfectoral, le tribunal administratif de Lille a annulé ledit marché conclu. Le pouvoir adjudicateur A. a fait appel du jugement. La Cour administrative a rejeté la requête au motif « qu'il résulte du rapport de la commission d'appel d'offres que les offres ont été examinées sur le critère du prix sans toutefois qu'aient pu être comparés les sous-détails de prix entre les trois candidats dès lors que si la société X. les a d'elle-même transmis, ils n'ont été sollicités qu'auprès de l'entreprise Y. et non auprès de la société Z. ; qu'en outre, les offres n'ont pas été examinées et comparées par la commission d'appel d'offres au regard du critère du délai global d'exécution qui figurait pourtant parmi les critères à prendre en compte impérativement ». La Cour en a déduit que la valeur des offres n'a pas été appréciée de manière identique entre les trois candidats et au regard de l'ensemble des critères énoncés dans l'avis public à la concurrence.

 

Cour administrative d’appel de Douai, 3 avril 2014, req. 13DA00109

 

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2013, présentée pour le pouvoir adjudicateur A., dont le siège est ..., par Me Alexis Ihou ;

Le pouvoir adjudicateur A. demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1105223-1107051 du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé, sur déféré du préfet du Nord, par son article 1er, le marché conclu le 19 avril 2011 entre le pouvoir adjudicateur A. et la société X. ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet du Nord tendant à l'annulation du marché conclu le 19 avril 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Odile Le Roux, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de Me Alexis Ihou, avocat du pouvoir adjudicateur A. ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'il ressort du point 10 du jugement du 20 novembre 2012 que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'analyse faite par la commission d'appel d'offres du rapport du maître d'œuvre comportant son examen des offres des entreprises, et non, contrairement à ce qui est soutenu, directement sur ce rapport qui n'était pas versé au dossier ; que, par suite, le jugement n'a pas été rendu en violation du principe du contradictoire ;

2. Considérant que le tribunal n'a pas davantage soulevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 53 du code des marchés publics, qui avait été invoqué par le préfet du Nord ; que, par suite, le jugement n'est pas irrégulier sur ce point ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du marché portant sur les travaux de rénovation de la station d'alerte à la pollution de Mametz :

3. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 3 février 2011, le pouvoir adjudicateur A. a lancé une procédure de passation d'un marché portant sur les travaux de rénovation de la station d'alerte à la pollution de Mametz ; que, parmi les trois offres présentées par la société X., la société Y. et la société Z., l'offre de la X. a été retenue ; que le marché a été signé le 19 avril 2011 ;

4. Considérant qu'aux termes du II de l'article 1er du code des marchés publics : " (...) II.-Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en oeuvre conformément aux règles fixées par le présent code. (...) " ;

5. Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 53 du code des marchés publics qui prévoient que le pouvoir adjudicateur se fonde sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, l'avis d'appel public à la concurrence et le règlement de consultation indiquaient, en vue de l'attribution du marché en litige, comme critères et pondération : " - valeur technique, 50 % ; - prix, 40 % ; - délai global d'exécution, 10 % " ; que la commission d'appel d'offres a classé les trois offres reçues suivant le montant de l'offre et a demandé au maître d'œuvre de l'opération de procéder à l'analyse des offres ; que, réunie une seconde fois le 22 mars 2011, la commission d'appel d'offres a décidé, parmi trois possibilités envisagées dont celle de suspendre la décision dans l'attente d'une analyse approfondie des offres, de retenir l'offre de la société X. ; qu'il résulte du rapport de la commission d'appel d'offres que les offres ont été examinées sur le critère du prix sans toutefois qu'aient pu être comparés les sous-détails de prix entre les trois candidats dès lors que si la société X. les a d'elle-même transmis, ils n'ont été sollicités qu'auprès de l'entreprise Y. et non auprès de la société Z. ; qu'en outre, les offres n'ont pas été examinées et comparées par la commission d'appel d'offres au regard du critère du délai global d'exécution qui figurait pourtant parmi les critères à prendre en compte impérativement ; qu'ainsi, la valeur des offres n'a pas été appréciée de manière identique entre les trois candidats et au regard de l'ensemble des critères énoncés dans l'avis public à la concurrence, en méconnaissance des dispositions précitées du II de l'article 1er du code des marchés publics ;

6. Considérant que, statuant sur déféré préfectoral contre un contrat, dans le cadre d'un contentieux de pleine juridiction, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits du cocontractant, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

7. Considérant que l'illégalité commise a affecté la validité même du choix de l'attributaire et constitue un vice suffisamment grave pour justifier l'annulation du marché en litige ; que si le pouvoir adjudicateur A. fait valoir que l'annulation du marché porte une atteinte excessive à l'intérêt général, il ne l'établit pas en se bornant à faire valoir que " la suspension des travaux aurait mis en péril les usagers de l'eau potable " ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pouvoir adjudicateur A. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé le marché portant sur les travaux de rénovation de la station d'alerte à la pollution de Mametz ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

 

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du pouvoir adjudicateur A. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au pouvoir adjudicateur A., au ministre de l'intérieur et au préfet du Nord.