Un praticien contractuel à temps partiel s’est vu refuser le renouvellement de son contrat à durée déterminée par le directeur du centre hospitalier où il exerçait. Il a demandé l’annulation de cette décision au juge administratif. Le tribunal administratif de Nîmes en date du 21 décembre 2010 a rejeté cette demande. La cour administrative d’appel de Marseille a par la suite annulé ce jugement (11 décembre 2012). Le centre hospitalier Y. se pourvoit alors en cassation. Le Conseil d’Etat donne droit au centre hospitalier et rappelle qu’un « agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci » et que « le renouvellement peut être refusé si l'intérêt du service le justifie ». De plus, le requérant estimait bénéficier d’un contrat à durée indéterminée. « Toutefois aucun texte ne lui permettait de se prévaloir d'un contrat à durée indéterminée ; qu'en particulier, les dispositions de l'article 19 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ne sont pas applicables aux praticiens contractuels qui sont recrutés sur le fondement de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique et non en application de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière auquel renvoie l'article 19 de la loi du 26 juillet 2005 ». |
Conseil d'État
N° 366426
5ème sous-section jugeant seule
M. Olivier Rousselle, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD ; SCP RICHARD, avocat
lecture du lundi 15 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 29 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier X., dont le siège est …; le centre hospitalier X., demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11MA00344 du 11 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement n° 1000009 du 21 décembre 2010 du tribunal administratif de Nîmes rejetant le recours de M. Y. tendant à l'annulation de la décision du 17 juillet 2009 du directeur du centre hospitalier X. décidant de ne pas renouveler son contrat de praticien et, d'autre part, annulé ladite décision ;
2°) de mettre à la charge de M. Y. le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat du centre hospitalier X et à la SCP Richard, avocat de M. Y.;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Y, chirurgien-dentiste, a été recruté comme praticien contractuel à temps partiel au centre hospitalier X en 1997 pour une durée de trois ans ; que son contrat a été renouvelé en 2000, 2003 et 2006 ; que, le 7 juillet 2009, alors que le contrat en cours expirait à la fin du mois, M. Y a adressé au directeur du centre hospitalier un courrier dans lequel il se plaignait de ses conditions d'exercice, faisait état de difficultés dans sa vie personnelle et sollicitait le bénéfice d'un congé sans solde d'une durée de plusieurs mois afin de " faire le point et de repartir sur de nouvelles bases à définir " ; que, par lettre du 17 juillet 2009, le directeur du centre hospitalier, après avoir rappelé à l'intéressé que son contrat arrivait à échéance, l'a informé qu'" afin d'accéder à [sa] demande, [son] contrat ne sera[it] pas renouvelé " ; que M. Y a présenté devant le tribunal administratif de Nîmes une demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser des indemnités, qui a été rejetée par un jugement du 21 décembre 2010 ; que, saisie par l'intéressée, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la décision du 17 juillet 2009 du directeur du centre hospitalier mettant fin aux fonctions de M. Y et rejeté les conclusions indemnitaires ; que le centre hospitalier se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il annule la décision de son directeur du 17 juillet 2009 ; que, par la voie du pourvoi incident, M. Y demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires ;
Sur le pourvoi principal du centre hospitalier X :
2. Considérant qu'il ressort des écritures de M. Y devant les juges du fond que s'il soutenait qu'il bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée et que la décision du centre hospitalier du 17 juillet 2009 devait par suite être regardée comme un licenciement en cours de contrat, il demandait également que cette décision soit annulée dans le cas où elle serait analysée comme un refus de renouveler un contrat à durée déterminée ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir qu'en examinant la légalité d'un tel refus la cour administrative d'appel aurait soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public et entaché d'irrégularité son arrêt en s'abstenant d'en aviser les parties ;
3. Mais considérant qu'un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci ; que le renouvellement peut être refusé si l'intérêt du service le justifie ; que, pour juger que le centre hospitalier X. n'était pas fondé à soutenir que la décision de ne pas renouveler le contrat de M. Y. était justifiée par l'intérêt du service, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que l'établissement n'établissait pas l'existence de la notation défavorable qu'il alléguait, a retenu que les incidents dont se plaignait une proche collaboratrice de M. Y. ne révélaient pas à eux seuls une " insuffisance professionnelle caractérisée " de l'intéressé ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement de rechercher si ces incidents ne révélaient pas une insatisfaisante manière de servir, de nature à justifier au regard de l'intérêt du service le refus de renouveler le contrat, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi du centre hospitalier d'Avignon, son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 juillet 2009 du directeur du centre hospitalier ;
Sur le pourvoi incident de M.Y. :
4. Considérant que M. Y. s'est borné devant les juges du fond à demander réparation du préjudice ayant résulté pour lui de l'interruption du contrat à durée indéterminée dont il estimait bénéficier ; que, toutefois aucun texte ne lui permettait de se prévaloir d'un contrat à durée indéterminée ; qu'en particulier, les dispositions de l'article 19 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ne sont pas applicables aux praticiens contractuels qui sont recrutés sur le fondement de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique et non en application de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière auquel renvoie l'article 19 de la loi du 26 juillet 2005 ; qu'ayant écarté l'argumentation de M. Y. selon laquelle il avait été licencié en cours de contrat à durée indéterminée, la cour ne pouvait que rejeter ses conclusions indemnitaires, présentées au titre du seul préjudice résultant de l'interruption avant son terme d'un tel contrat ; que le moyen tiré de ce que la cour se serait abstenue de tirer les conséquences légales de ses propres constatations relatives à l'illégalité du non renouvellement du contrat à durée déterminée ne peut, par suite, qu'être écarté ; qu'il suit de là que les conclusions du pourvoi incident dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M. Y. doivent être rejetées ;
5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier X. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre hospitalier X. qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 décembre 2012 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du centre hospitalier X. du 17 juillet 2009.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions du pourvoi incident de M. Y. tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 décembre 2012 sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier X. et par M. Y. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier X. et à M. Y.