Par cette décision, la Haute juridiction administrative suspend la décision de la chambre disciplinaire du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) interdisant à un médecin d’exercer pendant trois mois dont deux mois avec sursis à la suite de la plainte d’une patiente. Le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) faisait grief au médecin de manquements graves à son devoir d’information dans le cadre d’une opération pour reconstruction mammaire par lambeau cutanéo-graisseux libre de l’abdomen avec anastomose vasculaire. En première instance, la plainte de la patiente avait été rejetée mais elle avait obtenu gain de cause en appel devant la chambre disciplinaire nationale. Le médecin avait alors formé un pourvoi en cassation et sollicité le sursis à l’exécution de la décision. Le Conseil d’Etat fait droit à sa demande et ordonne le sursis à exécution de cette sanction, en considérant que « l'exécution de la décision attaquée (…) risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables » et juge que « le moyen tiré de ce que la décision du 10 juillet 2015 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins est entachée d'une erreur de droit (…) paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle attaquée, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond » |
Conseil d'État
N° 392241
4ème SSJS
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur
Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; BALAT ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats
lecture du mercredi 18 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme X a porté plainte contre M. Y devant la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins. Le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins s'est associé à cette plainte. Par une décision du 16 décembre 2013, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté la plainte.
Par une décision du 10 juillet 2015, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, sur appel de Mme X., annulé cette décision et infligé à M. Y la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois dont deux mois assortis du sursis, la partie ferme de la sanction devant s'exécuter du 1er au 31 décembre 2015.
Par un pourvoi et deux mémoires en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 31 juillet, 27 octobre et 9 novembre 2015, M. Y demande au Conseil d'Etat de suspendre l'exécution de cette décision contre laquelle il s'est pourvu en cassation et de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins et de Mme X la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. Y, à Me Balat, avocat de Mme X. et à Me Barthélemy, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond " ;
2. Considérant, d'une part, que l'exécution de la décision attaquée, prononçant à l'encontre du médecin requérant une interdiction temporaire d'exercer la médecine pour une durée de trois mois, dont deux mois assortis du sursis, risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
3. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que la décision du 10 juillet 2015 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins est entachée d'une erreur de droit en ce que la chambre disciplinaire a omis de relever d'office l'irrecevabilité, totale ou partielle, de l'appel de Mme X. paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle attaquée, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de faire droit aux conclusions de M. Y. tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. Y qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'elles font également obstacle à ce que, ainsi que le demande M. Y, une somme soit mise à ce titre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins ou du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins, lesquels n'ont pas la qualité de parties à l'instance ; qu'enfin il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X la somme que demande M. Y au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête de M. Y tendant à l'annulation de la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins du 10 juillet 2015, il sera sursis à l'exécution de cette décision.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme X. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de M. Y. présenté au titre des mêmes dispositions sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y. Copie en sera adressée à Mme X., au conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins et au Conseil national de l'ordre des médecins.