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Cour administrative d’appel de Nantes, 12 janvier 2016, n° 14NT00126 (Fonctionnaire - Suspension – Congé maladie)

Le directeur d’un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), mis en examen et placé sous contrôle judiciaire le 24 mai 2007, a été suspendu de ses fonctions par arrêté ministériel du 13 juin 2007 au motif que ces mesures lui interdisaient de se rendre dans cet établissement et d'y exercer toute activité professionnelle ou sociale avec des personnes âgées ou handicapées. En  janvier 2008, il a été placé en congé de longue maladie par le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG). Le directeur demande à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 80 000 euros à titre de provision en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi en raison des fautes que l'autorité administrative aurait commises en le suspendant de ses fonctions.

La Cour administrative d’appel de Nantes considère que « la décision portant suspension de fonctions de M. X ne constituait pas une sanction disciplinaire mais une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service. (…) dès lors, il ne peut utilement soutenir que l'autorité administrative aurait méconnu le principe de la présomption d'innocence en prenant une telle mesure sans attendre que les juridictions répressives se soient définitivement prononcées ». La Cour rappelle également que « le fonctionnaire qui fait l'objet d'une mesure de suspension est maintenu en position d'activité, a droit en cette qualité à des congés de maladie ou de longue maladie en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer les fonctions qu'il exercerait s'il n'était pas suspendu et bénéficie du régime de rémunération afférent à ces congés ; qu'en plaçant ce fonctionnaire en congé de maladie ou de longue maladie, l'autorité compétente met nécessairement fin à la mesure de suspension ». Elle estime ainsi que « la décision de placement en congé de longue maladie (…) a eu nécessairement pour effet de mettre fin à la suspension » et que le requérant « ne peut être fondé à soutenir que la mesure de suspension aurait été illégalement maintenue après l'annulation de sa condamnation [pénale] ».

 

CAA de NANTES

N° 14NT00126   

4ème chambre

M. LAINE, président
M. Paul AUGER, rapporteur
M. GAUTHIER, rapporteur public

lecture du mardi 12 janvier 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. X. a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser, à titre de provision, une somme de 80 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi en raison des fautes que l'autorité administrative aurait commises en le suspendant de ses fonctions de directeur de la maison de retraite Y.

Par une ordonnance n° 1303063 du 16 décembre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2014, M.X. , représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 décembre 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, à titre de provision, la somme de 80 000 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subi en raison des fautes que l'autorité administrative aurait commises en le suspendant de ses fonctions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, sa suspension de fonctions a porté atteinte au principe de présomption d'innocence ; cette mesure a été prise au vu de simples poursuites pénales alors que son innocence a été reconnue par arrêt du 15 mai 2012 de la cour d'appel d'Angers ;
- il a été placé en position de congé de longue maladie avant la mesure de suspension de fonctions qui a donc perduré dans ces effets.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2015, la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière demande à la cour de rejeter la requête ;

Elle soutient que la requête de M. X. est irrecevable et qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Un courrier a été adressé aux parties le 19 octobre 2015 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Une ordonnance du 20 novembre 2015 a porté clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me B...pour M.X. .

1. Considérant que M.X., directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Y. , a fait l'objet d'une mise en examen et a été placé sous contrôle judiciaire le 24 mai 2007 ; qu'il été suspendu de ses fonctions par arrêté ministériel du 13 juin 2007 au motif que ces mesures lui interdisaient de se rendre dans cet établissement et d'y exercer toute activité professionnelle ou sociale avec des personnes âgées ou handicapées ; que, par arrêté du 25 janvier 2008 de la directrice du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG), M. X. a été placé en congé de longue maladie à compter du 24 mai 2007 ; que, par arrêt du 15 mai 2012, la cour d'appel d'Angers a infirmé le jugement du tribunal correctionnel du Mans du 9 décembre 2010 le condamnant à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ; que M. X. relève appel de l'ordonnance du 16 décembre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser, à titre de provision, une somme de 80 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi en raison des fautes que l'autorité administrative aurait commises en le suspendant de ses fonctions ;
 

Sur la demande de versement d'une provision :

1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si à l'expiration de ce délai aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants.(...) " ;

2. Considérant que la décision portant suspension de fonctions de M. X. ne constituait pas une sanction disciplinaire mais une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service ; que, dès lors, il ne peut utilement soutenir que l'autorité administrative aurait méconnu le principe de la présomption d'innocence en prenant une telle mesure sans attendre que les juridictions répressives se soient définitivement prononcées ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions susmentionnées que le fonctionnaire qui fait l'objet d'une mesure de suspension est maintenu en position d'activité, a droit en cette qualité à des congés de maladie ou de longue maladie en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer les fonctions qu'il exercerait s'il n'était pas suspendu et bénéficie du régime de rémunération afférent à ces congés ; qu'en plaçant ce fonctionnaire en congé de maladie ou de longue maladie, l'autorité compétente met nécessairement fin à la mesure de suspension ;

4. Considérant que M. X. a été placé en congé de longue maladie par un arrêté de la directrice générale du CNG du 25 janvier 2008, avec effet rétroactif au 24 mai 2007 ; que cette nouvelle décision a eu nécessairement pour effet de mettre fin à la suspension ; qu'il suit de là que M. X. ne peut être fondé à soutenir que la mesure de suspension aurait été illégalement maintenue après l'annulation de sa condamnation par l'arrêt susmentionné de la cour d'appel d'Angers ; qu'ainsi, en l'absence d'illégalité fautive commise par l'autorité administrative, il ne pouvait, en l'état de l'instruction, se prévaloir à l'encontre de l'Etat d'une obligation non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, que M. X. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser, à titre de provision, la somme de 80 000 euros ;
 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions présentées par le requérant tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X. est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X. , au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.